L’euro est le symbole le plus visible de la construction européenne, mais il est plus qu’un symbole. Parce qu’il est partagé par près de 320 millions d’habitants et parce que nous jouissons d’une politique de stabilité des prix crédible, l’euro est une monnaie solide qui nous a évité les spéculations des marchés et les réalignements monétaires traumatisants du passé.
L’euro a eu par ailleurs le mérite d’apporter un remède efficace à la hausse des taux d’intérêt et à l’inflation. Les détracteurs de la monnaie unique et de l’indépendance de la Banque centrale européenne devraient ainsi se demander où en seraient l’Allemagne, la France et l’Europe s’il n’y avait pas eu l’euro.
L’Europe bénéficie actuellement d’un taux d’intérêt de long terme de 3,9 %, contre 4,6 % pour les Etats-Unis. Cela signifie que les ménages, les entreprises et l’Etat peuvent emprunter à un taux avantageux et donc plus consommer tout en investissant davantage. Les personnes prêtes à revenir sur l’indépendance de la banque centrale, garante de cet équilibre, ne devraient pas oublier que, par le passé, les crises aussi bien politiques qu’économiques dans chaque pays se sont toujours soldées par des hausses de taux aux lourdes conséquences pour l’emploi.
A ce titre, l’euro a parfaitement rempli le rôle qui lui a été assigné, à savoir constituer un bouclier efficace contre les chocs de toute nature qui affectent les économies nationales.
Sur le second point, le niveau des prix, on assiste à un curieux amalgame. Ségolène Royal a indiqué, dans un discours à Villepinte le 11 février 2007, qu’elle voulait que « la croissance et l’emploi [soient] inscrits dans les statuts de la Banque centrale européenne ». Nicolas Sarkozy, dans un entretien au journal l’Express du 29 mars dernier, souhaite « l’on débatte pour savoir si la monnaie est un élément autonome ou une partie prenante de la politique de l’emploi ».
L’ensemble de ces propos ont soulevé des inquiétudes en Europe, amenant Jean-Claude Juncker, Premier ministre du Grand-duché de Luxembourg et actuel président de l’Eurogroupe, à demander aux candidats de n’utiliser ni l’euro ni l’Europe comme thèmes de campagne à des fins électoralistes : « Quand on se sent autorisé à dire du mal de l’Europe, il ne faut pas s’étonner ensuite que les électeurs votent contre l’Europe » a-t-il rappelé lors de sa visite à Paris le 8 novembre dernier. Angela Merkel, Chancelière de la République fédérale d’Allemagne, a également mis les candidats en garde et demandé que le sujet européen soit traité « de manière raisonnable (…) Il faut faire attention à ce que nos difficultés – l’adaptation à la mondialisation, les réformes à faire, les problèmes sociaux à résoudre - ne soient pas mis de manière injuste sur le dos de l’euro ».
Sur cette question, François Bayrou tient un langage différent : le candidat UDF estime, en effet, que les Etats membres n’ont pas su tirer les bénéfices de l’euro et il ne souhaite pas revenir sur l’indépendance de la Banque centrale européenne : « Tout changement signifierait hausse des prix et hausse des taux. Nous en mourrions ».
Il est très étonnant de constater que ces deux arguments, parfaitement contradictoires, sont bien souvent utilisés par les mêmes personnes. Si l’on sort des approximations faciles, on constate que l’euro a eu au contraire tendance à limiter la hausse des prix. Ainsi, en 1995, l’inflation était de 1,8 % en France et de 1,7 % en Allemagne. En 2006, elle devrait être de 1,7 % dans les deux pays.
Enfin, en ce qui concerne l’indépendance de la banque centrale, tous ceux qui l’attaquent, et qui donc sont en faveur d’une politique monétaire plus active, à base pour l’essentiel d’inflation, devraient avoir présent à l’esprit que les premiers à y perdre, dans ce cas, sont les salariés qui n’ont pas le pouvoir d’indexer leurs rémunérations sur l’inflation.
Trop souvent, en réalité, on oublie que la monnaie unique est avant tout une monnaie, c’est-à-dire un instrument au service des activités monétaires et économiques et ne devrait donc pas constituer l’alibi trop facile destiné à cacher le manque d’audace ou de cohérence de nos politiques.
Gageons que nos responsables politiques puissent démontrer qu’ils ont l’ambition d’en faire bon usage.
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