Brexit : Pourquoi il ne faut pas punir le Royaume-Uni

, par Marc Nikolov

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Brexit : Pourquoi il ne faut pas punir le Royaume-Uni
David Davis, en charge du Brexit dans le nouveau gouvernement May, sera au coeur des négociations et devra sans doute dessiner un modèle de relations inédites entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. - Jasn (CC/Flickr)

L’incertitude du Brexit s’estompe peu à peu avec l’arrivée de Theresa May à la tête du gouvernement britannique. Les alternatives à l’appartenance à l’Union européenne se clarifient, et chacune constitue – pour le Royaume-Uni mais surtout pour les eurosceptiques – une défaite certaine. Dans ce contexte, l’Union ne doit ni sur-réagir, ni accommoder Londres, car punir le pays pourrait se révéler contre-productif.

Les électeurs britanniques ont donc voté, le 23 juin, en faveur du « Leave ». L’incertitude initiale, amplifiée par les démissions du Premier ministre David Cameron et du leader de UKIP Nigel Farage, en passant par la trahison politique de Boris Johnson pour Michael Gove et l’abandon d’Andrea Leadsom, semble s’estomper partiellement avec la nomination de l’ancienne ministre de l’Intérieur Theresa May à la tête du gouvernement. Le choix de ses ministres sonne le début d’une stratégie britannique de négociations de sortie de l’Union européenne : ainsi le nouveau ministre - europhobe - du Brexit David Davis a déclaré que « le résultat idéal (et, à mon avis, le plus probable, après quelque querelles) serait de garder [une relation de libre-échange]. Une fois que les nations européennes auront réalisé que nous ne reculerons pas sur le contrôle de nos frontières, ils viendront d’eux-mêmes à table des négociations. »

Pourtant, certains au Royaume-Uni et ailleurs s’inquiètent d’une punition possible par les Etats membres de l’Union, qui chercheraient à en faire un exemple d’échec du populisme à agiter devant leurs électorats respectifs. Certains veulent déclencher l’article 50 le plus vite possible, tandis que d’autres préfèrent attendre, tout en prévenant qu’il n’y aurait ni « traitement spécial », ni « picorage » (« cherry-picking ») destiné à accommoder le Royaume-Uni. Comment à la fois conserver des liens économiques aussi étroits que possible avec Londres, et exposer au grand jour les illusions populistes de la campagne « Leave » ?

Quatre scénarii et un choix impossible

Quatre scénarii possibles de Brexit se dessinent : un scénario dit « norvégien », rejoindre la Norvège et d’autres dans l’Espace Economique Européen (EEE), une option « suisse » d’accords bilatéraux avec les Etats membres de l’UE, un retour à l’Association Européenne de Libre Echange (EFTA en anglais), et une sortie radicale de l’Union européenne qui signifierait que seules les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce régiraient les relations commerciales euro-britanniques.

Dans chacune de ces éventualités, la libre circulation des biens est conservée et les normes et régulations européennes tant décriées s’imposent sur les exportations britanniques vers l’Union. En revanche, la libre circulation des services et des capitaux, essentielle à la City de Londres, n’est assurée que dans le modèle norvégien qui nécessite la libre circulation des personnes, le principal motif du vote « Leave ». « Reprendre le contrôle » des frontières, mais aussi cesser de contribuer au budget de l’Union, n’est possible que dans le cas d’un retour à l’EFTA, qui n’assure pas la libre circulation des services et des capitaux. Pour couronner le tout, Londres perd tout pouvoir de décision au sein de l’UE, ses lois et normes, et son évolution future ; et l’accès de la City de Londres au marché unique – le passeport bancaire européen – pourrait lui être retiré dans chacun de ces scénarii.

Finalement, chaque scénario est moins avantageux pour Londres que le statut d’Etat membre. Lequel choisira l’équipe de May dépendra d’un dilemme émanant d’un double objectif : limiter les dommages économiques liés à la disruption de liens commerciaux et financiers avec l’Union européenne, tout en offrant aux partisans du Brexit des gages d’une - illusoire - souveraineté : limiter la liberté de circulation des personnes, échapper aux régulations européennes, et cesser de contribuer au budget européen. Car contrairement aux promesses de « Leave », ces deux objectifs sont incompatibles. Quel que soit le résultat, le Brexit est donc condamné à décevoir, au Royaume-Uni comme à l’étranger, limitant ainsi les risques de contagion eurosceptique sur le continent.

Le désistement d’Andrea Leadsom au profit de l’expérimentée et pragmatique Theresa May – et le manque cruel de négociateurs commerciaux britanniques – laisse espérer que le pays privilégiera ses intérêts économiques et financiers au détriment de la prétendue souveraineté retrouvée. Un Brexit de façade, donc. Certainement, Londres tentera de continuer à « picorer », comme le laissent entendre les propos de David Davis. Une option à la carte EFTA-plus, avec libre-échange de services ? Ou peut-être un EEE-minus, sans la liberté de circulation des personnes ? L’Europe ne devra pas céder, et répéter son refus d’un traitement spécial. Sans pour autant rendre les choses plus difficiles qu’elles ne devraient être. Car même hors de l’Union européenne, le Royaume-Uni reste un voisin, un partenaire politique et militaire irremplaçable, et notre bonne santé continue de dépendre en partie de la sienne. Surtout, la déception inévitable du Brexit devra être perçue comme résultant des promesses intenables du « Leave » plutôt que d’une intransigeance européenne punitive. En somme, harsh but fair.

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Vos commentaires
  • Le 3 août 2016 à 20:58, par Charles Hoursain En réponse à : Brexit : Pourquoi il ne faut pas punir le Royaume-Uni

    Mr Nikolov,.....Nous sommes plutôt contents,en France,que les britanniques aient voulu quitter l’UE...Organisation dont ils ne voulaient profiter que des avantages sans les inconvénients que les autres membres de l’UE devaient avaler..D’autre part les britanniques sont les inconditionnels féaux de toutes les guerres que les américains provoquent..De plus,les anglais ayant installé leur frontière anglaise à Calais,et à Fréthun,des milliers de migrants s’accumulent dans cette ville,car leur frontière installée à Calais les bloquent tous dans cette ville...6500 migrants,voire plus essaient tous les jours de passer en Angleterre,mais ils sont bloqués à Calais par les anglais,qui sont chez eux,par accord antérieur entre gouvernement..Accord que veulent dénoncer des français de la ville de Calais..Bref,nous n’avons pas besoin du partenariat militaire ( signé par Sarkozy,à l’époque) avec les armées anglaises qui sont toujours en guerre( leurs suzerains américains les entrainant dans leurs guerres continuelles ),les anglais étant totalement inféodés aux américains,les peuples européens ont tendance à s’orienter vers la Russie,pays interdit aux européens par le diktat américain..Donc,les anglais ont souhaité partir,qu’ils rejoignent leur ile,et emportent avec eux leurs frontières,libérant ainsi Calais...

  • Le 4 août 2016 à 15:50, par Charles Hoursain En réponse à : Brexit : Pourquoi il ne faut pas punir le Royaume-Uni

    J’avais donné mon point de vue dernièrement sur cette page,et le réel sentiment des français envers cette mesure..L’Angleterre n’est ni un partenaire politique,ni militaire irremplaçable..Je reprécise que les anglais sont perpétuellement en guerre aux côtés des créateurs de guerres,les américains,et que les pays de l’UE ne souhaitent plus de guerres..Et notre bonne santé ne dépend pas - en partie- de la leur..Faut écouter le peuple d’en bas,et pas imposer des idées..Mais je pense qu’encore une fois,je ne serai pas édité..

  • Le 9 août 2016 à 12:24, par Marc Nikolov En réponse à : Brexit : Pourquoi il ne faut pas punir le Royaume-Uni

    Mr Hoursain,

    Je suis plus ou moins d’accord avec vos deux commentaires. Sauf sur un point : le Royaume-Uni est, sur le court-terme du moins, un partenaire irremplaçable sur le plan militaire et politique. Londres est membre du Conseil de Sécurité de l’ONU et de l’OTAN, et franchement à part eux - et nous français - les autres pays Européens pèsent moins sur le plan militaire. Sauf peut-être l’Allemagne, mais il sont généralement réticents à faire usage de leur capacités. Qu’ils « rejoignent leur île » certes, mais cette ile ne bougera pas et ne s’éloignera pas de notre continent. Qu’on le veuille ou non, il restent nos voisins, pour certains nos amis, et - si la raison l’emporte - nos partenaires. Sans aucun traitement de faveur comme ils ont pu en bénéficier dans le passé.

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