Idées-reçues sur l’adhésion de la Roumanie à l’espace Schengen

1ère partie : Un débat confus

, par Gaëlle Lecourt

Idées-reçues sur l'adhésion de la Roumanie à l'espace Schengen

Lundi 11 novembre 2013, alors que l’espace Schengen européen s’apprête à recevoir deux nouveaux membres, José Manuel Barroso fait une annonce fracassante sur la chaîne TF1 : « La Roumanie et la Bulgarie ne rentreront pas dans Schengen en 2014, parce qu’il y a trop de pays qui s’y opposent. ». Stupeur de l’autre côté de la frontière.

Pour le « Jurnalul National » (quotidien roumain) « cette nouvelle déclaration est à l’opposé, à 180 degrés, de la position de Barroso quand il affirmait, en septembre, que ’la Roumanie et la Bulgarie [étaient] prêtes pour l’entrée dans l’espace Schengen et que ça serait juste que l’UE leur donne une chance’. Les Roumains se sentent encore comme des citoyens de seconde zone dans une Europe qui essaies de convaincre qu’elle ne souhaite pas cela ! »

En effet depuis 2011 la France, et surtout l’Allemagne, font blocage à l’entrée de la Roumanie, si bien qu’en l’absence de position unanime sur la question, le débat a été renvoyé à fin 2013 pour un énième examen (lors du prochain Conseil des ministres européens de la Justice et des Affaires Intérieures).

La question semble loin d’être résolue et, avec l’approche des élections - et profitant sans doute de la faible visibilité du sujet dans les médias - de nombreux acteurs politiques en profitent pour manipuler les termes du débat à leurs propres fins, créant des amalgames qui empêchent le citoyen de s’interroger sur les « vrais » enjeux que suscitent l’adhésion de la Roumanie à l’espace Schengen.

Les « vrais » problèmes de l’adhésion

En premier lieu rappelons qu’en 2011 une solution en deux étapes avait été proposée : d’abord ouverture des frontières aériennes et maritimes et levée des contrôles des personnes puis l’ouverture des frontières terrestres. En parallèle un Mécanisme de Coopération et de Vérification (MCV) a été mis en place afin d’évaluer si la Roumanie remplit les conditions d’adhésion à l’espace Schengen. Or, en janvier 2013 le rapport rendu par la Commission dresse un bilan mitigé : elle note certaines avancées dans le sens de ses recommandations mais des dysfonctionnements persistent en matière de respect de l’Etat de droit (et surtout : respect de l’indépendance judiciaire et de son intégrité) et dans le domaine de la lutte anti-corruption.

En raison de ces failles, on peut réellement s’interroger sur la capacité de la Roumanie à gérer ses propres frontières, et notamment l’afflux de migrants extérieurs à l’UE, une fois son adhésion à l’espace Schengen adoptée. Des faits de corruption des garde-frontières posent le problème de la porosité de ses frontières extérieures, et surtout celle de son ouverture sur la Mer Noire : point de passage central des filières d’immigration illégale en provenance de la région pakistano-afghane, du Maghreb, de la Somalie et du Soudan.

Ces questions méritent en effet d’être débattues et doivent être gardées à l’esprit. Cependant, au lieu de centrer leur opposition sur ce problème, les nombreuses voix qui s’élèvent contre l’adhésion brandissent des arguments que l’on peut aisément remettre en cause.

Ce que signifie réellement l’adhésion de la Roumanie à l’espace Schengen

Contrairement à une idée reçue l’adhésion ne signifie pas une ouverture des frontières « de l’Ouest » aux citoyens bulgares et roumains : ceux-ci sont en effet libres de circuler dans l’espace Schengen depuis leur entrée dans l’UE en 2007 ! Ce principe de libre-circulation des personnes est inscrit dans les traités comme une des libertés fondamentales garanties par l’UE. A ce titre, porter atteinte à ce droit en cherchant par exemple à canaliser les déplacements de certaines populations (comme les Roms) peut faire l’objet de sanctions de la part des institutions communautaires. Ce qui changera réellement avec l’adhésion sera la fin des contrôles de personnes à la frontière avec la zone Schengen.

Ensuite une partie de la classe politique française s’inquiète de la levée des restrictions au travail de ces pays qui doivent tomber le 1er Janvier 2014 (jusque là ils ne pouvaient rester que 3 mois en France et leur accès à l’emploi limité à quelques professions. Le maintien de leur installation était ensuite soumise à des conditions très strictes de revenus et d’accès à l’emploi/études, ce qui avait pour effet de créer un turn over des travailleurs très important). Cet assouplissement des mesures, conjugué à l’adhésion à Schengen, provoquerait - selon certains alarmistes - un afflux de travailleurs roumains en France dès le début de l’année. Rassurons-les : depuis 2012 le nombre de professions ouvertes aux roumains est passé de 150 à 291, afin de préparer la fin de la période transitoire et l’adhésion complète, sans pour autant provoquer l’arrivée massive en France de ressortissants roumains. Il y a donc de fortes chances qu’avec cette levée des restrictions l’orientation des flux de travailleurs en Europe et la situation sur le marché de l’emploi ne changent pas du tout au tout.

En revanche, ces mesures faciliteraient sans aucun doute l’intégration professionnelle et sociale de ces populations dans les pays d’accueil, apaisant dès lors les tensions que leur venue suscite.

Cet article est réalisé dans le cadre de la préparation aux élections européennes.

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Vos commentaires
  • Le 15 décembre 2013 à 13:19, par jolibab En réponse à : Idées-reçues sur l’adhésion de la Roumanie à l’espace Schengen

    Mais à l’inverse , peut on penser, que cette admission pleine et entière ouvrirait des perspectives importantes, tant commerciales que d’investissements ? A t-on encore le droit de penser que l’ouverture, c’est du développement pour les roumains, et donc l’élargissement d’un marché plutôt favorable a priori à la France ? A force de ne penser qu’au travers des délocalisations, n’ oublie - ton pas les retours sur croissance dont nous bénéficions quelques années plus tard ? A t-on des études empiriques sur ce type d’ouverture ou ne relève que de la simple idéologie sur les mécanismes du « marché » ( le grand Satan !)

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