Le tournant xénophobe de Theresa May

, par Christine Lehnen

Le tournant xénophobe de Theresa May
Fresque caricaturant Theresa May, Herne Hill. CC Wiki

Suite au Brexit, Westminster propose une politique profondément xénophobe. De la santé à l’éducation, il semble que le gouvernement conservateur présente les étrangers comme le principal problème de société . C’est donc aujourd’hui que les conséquences du Brexit apparaissent réellement : la société britannique, et non plus seulement l’économie, s’embarque dans une vaste et dangereuse transformation.

Selon Theresa May, première ministre du Royaume-Uni, le vote pro-Brexit n’aurait rien de xénophobe, bien que la forte augmentation des crimes de haine permette d’en douter  : une hausse de 54 % de ces actes haineux a été enregistrée dans la semaine suivant le référendum.

Devant le congrès des conservateurs à Birmingham, mardi 4 septembre, sa nouvelle ministre de l’intérieur, Amber Rudd, a été ovationnée suite à sa proposition  : les entreprises britanniques devront désormais compiler et rendre publique la proportion d’étrangers parmi leurs salariés. Quant aux étudiants étrangers, Mme May les considère trop nombreux  : elle a annoncé des restrictions en critiquant le fait que les étudiants étrangers soient aujourd’hui accueillis « indépendamment de leurs talents et de la qualité de leur université  », se demandant si «  cette offre généreuse contribue vraiment à notre économie  ».

De plus, si l’on en croit la première ministre britannique, les problèmes de la NHS, le système de santé publique, sont liés aux médecins étrangers et non à son sous-financement. Theresa May a également laissé entendre que, après 2025, les médecins étrangers devraient quitter le pays afin que les médecins britanniques puissent prendre leur place. Elle a dû se rétracter l’après-midi même pour préciser qu’elle voulait simplement former plus de médecins britanniques et non mettre les médecins étrangers au chômage. Mais dans ce cas, comme on dit en anglais, «  it’s the thought that counts.  »

La science politique a prouvé que la manière de construire un problème social impose les solutions qui semblent raisonnables. Ainsi si le gouvernement de Mme May est convaincu que les problèmes du Royaume-Uni sont dus aux étrangers, la politique publique xénophobe apparaît comme la seule solution convenable.

La logique, comme toujours avec la xénophobie, n’est pas une priorité  : Theresa May affirme qu’il faut réduire le nombre d’étudiants étrangers parce qu’ils ne contribuent pas à l’économie britannique et cela peu importe que ce ne soit absolument pas l’idée centrale de l’échange Erasmus. Elle ajoute qu’elle souhaite moins de médecins étrangers dans le NHS, même si eux contribuent de toute évidence à l’économie. Il est donc flagrant que la motivation du gouvernement britannique ne réside pas dans l’économie, mais dans la xénophobie. Les étrangers (européens ou non-européens), qu’ils soient «  rentables  » économiquement ou non, sont présentés comme le problème principal du Royaume-Uni.

Ainsi c’est seulement maintenant que le Brexit apparaît sous son vrai jour. Les crimes xénophobes, «  hate crimes  », sont répugnants et dangereux. La politique publique xénophobe, nous pourrions dire «  hate policies  », est bien pire. L’Etat, avec son monopole de la violence légitime, est infiniment plus puissant qu’un criminel  : les crimes de haine sont ponctuels  ; l’Etat peut agir de manière systématique. Contre les crimes de haine, nous pouvons généralement faire appel à la police  ; contre l’Etat, nous pouvons faire appel au pouvoir législatif ou au pouvoir judiciaire.

Concernant le premier, l’opposition du parti travailliste (Labour Party) ne prend pas le sujet du Brexit très au sérieux  : en effet, beaucoup de votes pro-Brexit venaient des partisans socio-démocrates. Il est donc peu probable qu’il y ait une opposition effective pour rendre plus supportable les plans de la première ministre. Concernant le second, le Royaume-Uni n’a pas de constitution écrite, et Theresa May a déjà signalé qu’elle voulait s’éloigner de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Par conséquent, une résistance efficace semble être pour le moment une lointaine possibilité.

Que ce soit avant ou après le vote du Brexit, au Royaume-Uni et ailleurs, de nombreuses voix ont été entendues pour dire que rien n’allait changer ou, en tout cas, rien d’important. Après le Brexit, le Royaume-Uni serait le même qu’avant, avec simplement moins d’ampoules à économie d’énergie «  imposées  » par Bruxelles.

Désormais, il est évident que cette constatation est fausse  : le Royaume-Uni est en train de se transformer profondément. Cette transformation n’aura pas lieu dans le champ économique, il est donc curieux que la question principale autour du référendum ait porté sur les conséquences économiques d’un Brexit tant à Bruxelles qu’à Londres. Cette transformation aura lieu dans la société  : le Royaume-Uni, tant par la politique publique de Theresa May et son gouvernement que par la faible résistance de l’opposition et de la société civile, pourrait devenir un Etat xénophobe s’il continue sur cette voie.

Dans les prochaines années, le Royaume-Uni va nous en apporter la preuve  : quitter l’Union Européenne, c’est plus que quitter une zone économique  ; c’est quitter l’idée de qui nous sommes, comme êtres humains, tous égaux.

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