Perspective européenne : référendum d’indépendance en Catalogne

, par Gesine Weber, Juuso Järviniemi, Laura Mercier

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Perspective européenne : référendum d'indépendance en Catalogne

Après plusieurs jours de tensions et violences policières et une Espagne qui se déchire, les rédacteurs en chef des éditions anglophone, germanophone et francophone du Taurillon partagent leurs réflexions et opinions sur le sujet.

Rester dans l’Europe ?

Juuso Järviniemi – Rédacteur en chef du magazine thenewfederalist

"Il est délicat pour un étranger de commenter des sujets d’identité nationale et en particulier lorsqu’il est question d’indépendance. Pour un finlandais qui suit les débats politiques en Ecosse, c’est une expérience déjà vécue, et de ce point de vue, le cas de la Catalogne n’est pas différent. Pour ce qui est en grande partie une question d’identité – se sentir davantage Catalan qu’Espagnol -, on peut se demander en quoi un étranger a droit à un avis sur le sujet. Pour ce que ça vaut, en voici tout de même un...

La principale inquiétude d’un pro-européen par rapport à l’Ecosse est de savoir si sa population pro-européenne peut rester ou non dans l’Union. Au vu de la réponse du gouvernement espagnol face au référendum d’indépendance, la question de rester ou non dans l’Europe est encore plus compliquée. Tout comme pour l’Ecosse, il est question de savoir si une Catalogne indépendante serait acceptée en tant qu’Etat membre de l’Union européenne. Mais pour de nombreuses raisons, le chaos provoqué par ce référendum a repoussé cette question. En revanche, sur le long terme, la question sera inévitable pour tous ceux concernés par l’indépendance de la Catalogne.

Suite aux événements de ce dimanche, on ne se demande finalement pas si Barcelone va rester dans l’Union européenne, mais si Madrid le restera. Que l’on considère ou non ce référendum illégal ou politiquement injuste, un gouvernement européen ne réagit pas par la violence et par la force. Les dirigeants politiques en Espagne et partout ailleurs ont appelé à des négociations et à un retour au calme. Sur le blog Europp, Domenico Giannino considère que les querelles légales sont futiles dans ce qui est en fait un conflit politique, qui nécessite une solution politique. Le but initial du projet européen était de remplacer la violence par les négociations. La rhétorique de confrontation dont nous avons été témoins jusqu’à présent ne constitue pas un dialogue qui pourrait mener à des solutions mutuellement acceptables par les deux parties. Il est temps de ramener la police anti-émeutes à la maison, d’arrêter les plans de sécession unilatérale, et de s’asseoir pour parler. Ce qu’il faut, ce sont des négociations où personne ne s’attend à ce que toutes ses demandes soient satisfaites. Le projet européen est basé sur le compromis, non sur la force."

Le dialogue, plutôt que le limiter par la violence

Gesine Weber, co-rédactrice en chef du magazine treffpunkteuropa

"Ce dimanche, la Catalogne a essayé de donner l’exemple en organisant le référendum sur son indépendance. Les pères fondateurs de l’Europe ainsi que les partisans de l’Union ont beau avoir cru en la fin du morcellement d’un territoire de petits Etats, le référendum en Catalogne montre qu’ils étaient dans l’erreur. L’appartenance d’une région à un Etat faisant partie de la confédération européenne ne peut ni nier ni refouler une forte identité nationale.

En effet, c’est le gouvernement espagnol qui vient de statuer un exemple en essayant de supprimer le referendum sur l’indépendance de la Catalogne avec tous les moyens à disposition, y compris l’usage de la violence par des forces de sécurité pour empêcher les électeurs de participer au référendum. En agissant ainsi, le gouvernement espagnol s’est fait tort à soi-même avec des conséquences non évaluables à ce moment.

Or, il aurait d’ores et déjà été nécessaire que le gouvernement espagnol agisse prudemment d’un point de vue de la politique européenne – et ce n’est pas ce qu’il a fait aujourd’hui. Sans aucun doute, un succès au referendum serait un échec considérable pour le gouvernement Rajoy, et il pourrait susciter un effet d’imitation chez d’autres mouvements séparatistes européens. Néanmoins, l’indépendance de la Catalogne ne mettrait pas en danger l’Europe en tant que projet de paix. En revanche, un référendum bien organisé aurait le potentiel de contribuer de manière très positive au discours européen concernant l’identité régionale et l’Europe des Régions. Le gouvernement devrait non seulement faire face à ce dialogue sur l’identité régionale en Catalogne, mais aussi le promouvoir activement dans toute l’Europe. Or, cela nécessite la volonté de dialoguer – des deux côtés."

L’UE doit-elle intervenir ?

Laura Mercier – Rédactrice en chef du magazine Le Taurillon

"La question de l’indépendance de la Catalogne est un sujet interne à l’Etat espagnol – cependant, nous ne pouvons pas ignorer l’escalade de tensions et les violences policières envers des manifestants pacifistes qui ont eu lieu ces derniers jours. Il n’est pas question ici de donner tort ou raison à l’une des parties : la situation est bloquée depuis plusieurs années, et l’escalade de tensions n’était que prévisible, car rien n’a été fait dans le sens du dialogue. Le gouvernement central espagnol et les autorités catalanes ne sont pas parvenus à s’entendre sur une sortie de crise, ce qui a mené à des violences policières inacceptables au dépend des citoyens catalans qui souhaitaient voter. Que ce référendum soit considéré illégal au regard de la Constitution espagnole, ou qu’il soit au contraire légal au regard du droit international, le gouvernement espagnol et les autorités catalanes auraient dû renouer le dialogue afin d’éviter un tel chaos.

L’Union européenne aurait-elle dû agir, intervenir ? Le silence des dirigeants européens sur cette question est gênant et pesant. Il ne faut pas nier l’impasse qui s’est formée en Espagne. Que les dirigeants européens soient en faveur ou non de l’indépendance n’importe pas dans l’immédiat : en revanche, en l’absence de dialogue entre les deux parties, l’Union européenne aurait pu avoir un rôle de médiateur dans le but d’apaiser les tensions, de régulariser la situation et de restaurer le dialogue. C’est peut-être là ce qui manque à l’Union européenne : une capacité de médiation, qui ne signifie pas pour autant une ingérence dans la souveraineté nationale. Et c’est probablement l’une des raisons pour lesquelles les dirigeants européens préfèrent ne pas s’aventurer sur le sujet, au risque de compliquer la situation.

L’impasse catalane révèle l’absence de force de médiation de l’Union en son sein et son ambiguïté vis-à-vis des Etats membres et de leur souveraineté. Une question se pose alors : quelle institution serait la plus appropriée pour intervenir et favoriser une résolution du conflit en accord avec les attentes au niveau national et avec le droit européen et international ?"

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