15 ans de prison pour l’opposante Bélarusse Tsikhanouskaya : qu’est ce que cela change ?

, par Corentin Vinsonneau, Jérôme Flury

15 ans de prison pour l'opposante Bélarusse Tsikhanouskaya : qu'est ce que cela change ?
Une des manifestations anti-Loukachenko en 2020, on y voit des manifestants brandissant le drapeau du Bélarus démocratique. ©Homoatrox. CC BY SA 3.0

Une nouvelle salve de sanctions et condamnations, fréquemment données en l’absence des jugés, est tombée en Biélorussie ces dernières semaines. Un semblant de procès provoquant la réaction des instances européennes, loin de décourager l’opposition.

Août 2020 : Sviatlana Tsikhanouskaya, opposante au président Alexandre Loukachenko fraîchement réélu, se réfugie en Lituanie. Mars 2023 : Sviatlana Tsikhanouskaya, dont le mari Sergueï Tikhanovski a été condamné fin 2021 à 18 ans de prison, est toujours en Lituanie, toutefois, elle aussi fait, désormais, l’objet d’une très lourde peine, longue de quinze années de détention, étant accusée entre autres de haute trahison. La réaction de celle qui se présente comme “national leader of Belarus” n’a pas tardé. « Cela ne va pas m’empêcher de poursuivre ma lutte », a clamé l’opposante dans une interview donnée au Huffington Post.

« Je dois continuer mon travail, attirer l’attention sur la crise humanitaire dans mon pays. Je comprends que je suis menacée. Je l’ai été constamment depuis 2020 mais vous ne pouvez pas arrêter de faire ce que vous faites à cause de cette sentence. Cela semble fou pour le monde démocratique, mais au Bélarus, c’est notre réalité. »

Des centaines de prisonniers politiques

Cette nouvelle vague de condamnations par contumace (en l’absence de l’accusé) ne devrait pas faire fléchir l’opposition qui tient le choc depuis déjà trois ans. Cela, même si les sentences sont rudes. D’autres personnalités du Conseil de coordination du pays ont aussi reçu des peines de prison. Le journaliste Andrzej Poczobut, le lauréat du prix Nobel de la paix Ales Bialatski, l’ancienne rédactrice en chef du média Zerkalo, Marina Zolatava, ainsi que l’ancienne directrice Ludmila Chekina, Aksana Zaretskaya, les chercheuses Valeria Kasciuhova et Tatsiana Kuzina, l’entrepreneur Bahdan Karavets, l’ancien ministre de la culture Pavel Latushko, parmi d’autres.

Les prisonniers se comptent par centaines au sein de la Biélorussie de Loukachenko. Mais cela ne stoppe pas les opposants. Le discours de Sviatlana Tsikhanouskaya reste ferme. « Les gens se battent pour leur pays, leur indépendance, leurs droits. Et bien sûr, ils sacrifient leur liberté, certains même y perdent leur vie, mais c’est le prix à payer pour vivre dans un Bélarus libre et nous avons vu que deux ans et demi plus tard, les Bélarusses restent prêts à consentir ce sacrifice. »

La dirigeante, qui ne cesse de rencontrer les personnalités politiques majeures du Continent, appelle les autres pays à hausser le ton. La guerre en Ukraine a eu des conséquences négatives sur le Belarus, dont la situation est, aujourd’hui, presque passée au second plan. Une victoire de l’Ukraine face à la Russie pourrait être en revanche bénéfique pour un pays où l’armée russe n’hésite plus à déployer des armes nucléaires ‘tactiques’ et qui est chaque jour de plus en plus dépendant du Kremlin.

Le Parlement européen demande des sanctions

Les députés européens ont réagi à cette nouvelle salve de condamnations, qui «  montrent les efforts du régime pour éliminer tout engagement civique dans la défense des droits humains et pour supprimer tous les médias indépendants du pays.  » Le Parlement européen a ainsi publié un communiqué de presse le 15 mars. « L’Union européenne (UE) doit élargir ses sanctions à l’encontre de Minsk. Les pays de l’UE doivent préparer des procédures judiciaires contre les fonctionnaires bélarusses impliqués dans des violations des droits humains. »

Il faut passer des paroles aux actes et bien que les dirigeants du Continent soient déjà aux prises avec la guerre en Ukraine, la situation bélarusse ne doit pas être oubliée. Surtout qu’encore une fois, les deux événements sont liés. Le déploiement d’armes nucléaires tactiques en Biélorussie a provoqué une vive réaction de Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne. « L’accueil par la Biélorussie d’armes nucléaires russes constituerait une escalade irresponsable et une menace pour la sécurité européenne. La Biélorussie peut encore arrêter cela, c’est son choix. L’UE se tient prête à réagir par de nouvelles sanctions. »

La présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, a également dénoncé les peines de prison adressées aux opposants bélarusses dont celle de Tsikhanouskaya. « Le régime de Loukachenko sera tenu pour responsable. Nos efforts pour un Bélarus libre se poursuivent. » La Maltaise a réitéré son soutien à Sviatlana Tsikhanouskaya le 25 mars, lors de la “journée internationale de solidarité avec le Bélarus” : « Le Bélarus sera libre.  » Ce 25 mars, plusieurs marches solidaires se sont déroulées dans divers pays. C’est le cas à Varsovie, comme le montre une vidéo filmée par EuroRadio et relayée par Sviatlana Tsikhanouskaya.

Ainsi, si le président Loukachenko et son régime pensaient définitivement décourager leurs opposants avec les dernières condamnations prononcées, cela ne se vérifie pas dans les faits. Au contraire. La dernière résolution du Parlement européen appelant à une intensification des sanctions a été approuvée par 557 voix pour, 25 contre et 40 abstentions. Un lieu a aussi symboliquement vu le lieu à Bruxelles, la “mission pour le Bélarus démocratique” qui va accueillir des événements culturels, des expositions et des réunions politiques.

Parmi d’autres demandes concrètes, plus de 100 députés dont Viola von Cramon (Groupe des Verts/Alliance libre européenne) ont demandé à Aleksander Ceferin, président de l’UEFA, d’exclure la Biélorussie des qualifications pour l’Euro 2024 de football. La sélection a tout de même disputé un premier match sur terrain neutre, en Serbie, contre la Suisse le 25 mars. Aleksander Ceferin assure que la question sera à l’ordre du jour des prochaines réunions de l’organisation européenne.

Les opposants à Loukachenko se battent depuis des années alors que le dirigeant en est à son sixième mandat. La lutte bat son plein et les condamnations n’effraient plus les Bélarusses en quête de liberté. Elles n’en sont pas moins injustes et doivent être dénoncées avec toujours autant de vigueur.

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