S’il y en a un qui profite pleinement de la libre circulation au sein de l’Union européenne, c’est bien le trophée de la coupe du monde de football. Passée entre les mains des Italiens, des Espagnols, des Allemands et des Français, la mythique coupe dorée n’a plus quitté le continent depuis 2006. Plus fort encore, sur les 16 qualifiés en demi-finales depuis 2006, 13 sont Européens. S’il est impossible de résumer les résultats sportifs de l’Europe ces quinze dernières années par cette performance footballistique, celle-ci n’en demeure pas moins une preuve de la réussite des équipes nationales du vieux continent.
Ces succès, évidents aussi en ce qui concerne le handball, ne se sont pas vérifiés en revanche dans le cas du rugby. Seules l’Angleterre (en 2007 et 2019) et la France (en 2011) se sont hissées en finale et ont figuré sur le podium d’un mondial sur les 15 années passées, soit trois équipes européennes sur 12. Mais pour de très nombreux sports, comme le tennis, dont les dix meilleurs joueurs mondiaux actuels sont tous européens, ou le championnat du monde des rallyes, qui n’a jamais été remporté par un pilote né hors du sol européen, le vieux continent reste une référence.
Siège de plusieurs instances sportives mondiales, l’Europe a également conservé l’habitude d’accueillir certaines des plus grandes compétitions de la planète. Coupe du monde de football en 2006 en Allemagne, Mondial de rugby en France, Écosse et au Pays de Galles l’année suivante, Jeux Olympiques à Londres en 2012 tandis que Paris remportait le droit d’organiser l’édition 2024, ces quinze dernières années n’ont pas fait exception à la règle, même si cela change doucement.
La coupe du monde de football par exemple s’exporte de plus en plus (Afrique du Sud, Brésil, Qatar ou Canada/États-Unis/Mexique prochainement) et les championnats du monde d’athlétisme s’organisent moins fréquemment en Europe. Huit des dix premières éditions se déroulaient sur les terres du vieux continent, mais depuis 2005, ce rapport s’est inversé, les championnats s’étant déroulés successivement à Osaka (Japon), Berlin (Allemagne), Daegu (Corée du Sud), Moscou (Russie), Londres (Royaume-Uni) et Doha (Qatar). D’autres pays développent ainsi leurs infrastructures et se servent des compétitions sportives pour rayonner à l’international comme le Brésil qui a enchaîné Mondial de foot et JO en deux ans, ou le Japon, qui devrait être le théâtre des JO en 2021, deux ans après la dernière coupe du monde de rugby, également sur ses terres.
L’Europe rayonne à domicile
Mais le vieux continent reste une référence en matière de compétitions sportives. La France notamment vient de recevoir un mondial féminin de football réussi en 2019, huit ans après une édition allemande tout aussi saluée, et s’apprête à organiser le mondial de rugby en 2023, un an avant les JO. Et le continent européen prend garde aussi au bon développement de ses propres compétitions, comme le championnat d’Europe de football 2020, reporté à 2021 mais qui se tiendra dans douze pays différents pour célébrer les 60 ans de la création du tournoi.
Le sport l’a prouvé, il peut réunir le continent et un nouveau tournoi de tennis a même été créé ces dernières années pour opposer l’Europe au « reste du monde ». C’est ainsi que des images de l’Espagnol Rafael Nadal et du Suisse Roger Federer, partenaires d’un jour et tout sourire, se sont répandues après la troisième victoire de « l’équipe d’Europe » en trois éditions de la Rod Laver Cup de tennis. Un événement unique et spectaculaire, qui s’inspire notamment de l’exemple donné par le golf. Désormais des projets plus locaux apparaissent, comme celui de la mise en place d’un championnat de football belgo-néerlandais.
Médiatisation, dopage et dépenses folles dans le football
Ces quinze années écoulées ont été fastes dans le domaine sportif et ont aussi témoigné d’une médiatisation croissante du sport. Si, en 2005, les droits télévisés nationaux du championnat anglais de football avaient déjà dépassé le milliard de livres sterling par an, ils sont aujourd’hui supérieurs à 5 milliards. Et dans cette ère d’exposition croissante, qui débouche aussi sur la révélation de scandales et d’affaires de dopage (Armstrong en cyclisme par exemple), de nombreux athlètes se sont révélés en Europe.
Par ailleurs, les sommes échangées dans le domaine du football, et notamment par les équipes européennes, ont connu une inflation sans précédent sur la période. Seul l’achat de Zinédine Zidane par le Real Madrid en 2001 s’immisce dans une liste des 40 transferts les plus chers de l’histoire, tous établis après 2008. Et mis à part le recrutement du Brésilien Oscar par le club de Shangaï, tous ces investissements sont l’œuvre de club européens. Et dans le tennis, certaines des plus fortes dotations lors d’un tournoi sont celles remises au Master de fin de saison qui se tient à Londres. La somme remise au vainqueur de l’épreuve en 2019 pouvait aller jusqu’à 2 500 000 euros.
Une lente européanisation de la politique sportive
Toujours plus haut, toujours plus fort, le sport est un outil de soft power conséquent. Cependant comme le précise le site Toute L’Europe, « l’Union européenne ne dispose que de compétences d’appui » dans le domaine. Et ce n’est que récemment que ce dernier a pris plus d’ampleur sur la scène politique. En 2004, l’UE se dote de moyens et décide d’une « année européenne de l’éducation par le sport ».
Dimension économique, rôle sociétal, le sport fait ensuite l’objet d’un livre blanc, présenté par la Commission le 11 juillet 2007. Cependant, la politique sportive reste avant tout celles des États et il faut encore attendre deux ans et l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne pour « qu’une référence au sport soit enfin inscrite au sein des traités communautaires », comme le rappelle Sport et citoyenneté.
Deux articles sont particulièrement intéressants, l’article 6 qui indique que « l’Union dispose d’une compétence pour mener des actions pour appuyer, coordonner ou compléter l’action des États membres » et cite nommément le sport dans ses prérogatives, tandis que l’article 165 précise que « l’Union contribue à la promotion des enjeux européens du sport, tout en tenant compte de ses spécificités, de ses structures fondées sur le volontariat ainsi que de sa fonction sociale et éducative ». Lutte contre le dopage, promotion de la formation, inclusion sociale dans le sport, l’UE peut développer de nouvelles perspectives et la Commission européenne publie le 18 janvier 2011 une communication intitulée « Développer la dimension européenne du sport ». Et parmi les actions concrètes, une semaine européenne du sport (European Week of Sport, EWOS) a été introduite par la Commission européenne en 2015 et 15 millions de personnes auraient pris part de près ou de loin à cette initiative en 2019. La prochaine édition se tiendra à partir du 23 septembre prochain.
Le sport, mieux pris en compte à l’échelle de l’Union
Les fonctions, à la fois culturelles, éducatives ou en matière de santé, du sport sont de plus en plus reconnues et les budgets consacrés par l’Union européenne à ce domaine sont en augmentation. Le sport fait ainsi partie intégrante du programme Erasmus+, doté pour la période 2014-2020 d’un montant de 265 M d’euros, en progression annuelle constante (de 22 M € en 2014, à 62 M en 2020). Aujourd’hui, l’activité sportive fait indubitablement partie de la vie des citoyens du continent. L’Eurobaromètre sur le Sport et l’Activité physique publié en 2018 révèle que 40% des ressortissants de l’UE indiquent faire du sport au moins une fois dans la semaine. La même année, d’après Toute L’Europe, « à l’échelle du continent européen, le secteur du sport représente 3,4% du PIB et environ 15 millions d’emplois. »
Le sport reste une compétence subsidiaire de l’Union, et pour Colin Miège, écrivant fin 2018 une fiche publiée par le Comité d’histoire des ministères chargés de la Jeunesse et des Sports, “la publication de dizaines d’études ou de rapports masquent mal un manque de souffle et d’ambition” de la part de l’Union européenne au cours des années 2010. Malgré tout, le Conseil de l’UE n’hésite plus à écrire des recommandations dans le domaine. La dernière d’entre elles, publiée le 22 juin, porte sur les conséquences de la pandémie de coronavirus dans le sport. Le Conseil souligne notamment que le rôle du sport dans la société et “sa capacité à contribuer au bien-être des citoyens dans la crise de la Covid-19 (...) doit être reconnu et mis en avant”. Le sport n’est plus ignoré par les instances de l’Union et désormais, les discours pourraient être suivis par des actes afin de promouvoir des pratiques sportives sans cesse plus populaires.
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