2018 : l’Europe doit se doter d’une politique fiscale autonome

, par Sergio Camachetty

2018 : l'Europe doit se doter d'une politique fiscale autonome
Le siège de la Banque centrale européenne à Francfort-sur-le-Main CC Jurjen van Enter, via Flickr

Le rapprochement des politiques économiques des différents Etats membres ainsi que la mise en place du marché intérieur ont conduit l’Union européenne à s’intéresser aux questions relatives à la fiscalité.  La multitude de régimes fiscaux au sein des 28 états membres ne permet pas une harmonisation effective. En effet, l’organisation différenciée des systèmes fiscaux des Etats est à la base d’une politique fiscale non aboutie et ne permet pas à l’Union de consacrer du budget à la hauteur de ses ambitions.

La difficile harmonisation fiscale en Europe

Lors que nous parlons de fiscalité, il est important de définir deux grands domaines : celui de la fiscalité directe et celui de la fiscalité indirecte.  La fiscalité directe est de loin celle qui est la plus compliquée à harmoniser et pour cause, chacun des états dispose de son propre système fiscal. Coexistent ainsi au sein de l’Union, une motor tax en Irlande, permettant de financer certaines routes, une taxe spéciale de 5% sur la location de film à Chypre et une taxe sur les voitures de luxe en Grèce...  La législation qui se rapporte à ce pan de la fiscalité ne peut être adoptée que dans le cadre des traités européens (article 115 du Traité sur le Fonctionnement de l’UE) qui prévoit une procédure à l’unanimité du Conseil sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen et du Conseil économique et social européen. Dans ces conditions, toute législation parait très compliquée à être mise en place. 

La fiscalité indirecte est probablement la plus simple à comprendre, car elle est essentielle à la libre circulation des marchandises et à la libre prestation de services. A la base de la fiscalité indirecte s’inscrit la neutralité fiscale qui est un jalon essentiel à la mise en place du marché intérieur. En effet, dans le cadre des échanges intracommunautaires, il est nécessaire que le traitement fiscal soit équivalent afin de permettre une libre circulation des marchandises.  De plus, le chapitre « dispositions fiscales » du TFUE consacre dans son article 113 l’harmonisation fiscale en matière d’impôt indirect. L’article dispose que « le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission (et après consultation du Parlement européen et du comité économique et social européen (CESE)), arrête les dispositions touchant à l’harmonisation des législations relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, droits d’accises et autres impôts indirects dans la mesure où cette harmonisation est nécessaire pour assurer l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur ».

L’harmonisation du volet indirect de la politique fiscale est ainsi plus aboutie dans la mesure où il est intrinsèquement lié au fonctionnement du marché intérieur. 

Les enjeux d’une politique fiscale européenne

La politique fiscale doit permettre de réglementer un certain nombre de situations et de s’assurer du bon fonctionnement du marché commun. Au-delà des considérations nationales, le citoyen, qui se trouve au cœur de la réalisation du marché intérieur, est aussi concerné par cette question puisqu’il a aujourd’hui la possibilité de travailler et/ou de s’installer à l’étranger. La question de la fiscalité devra alors être réglée notamment dans le cadre des travailleurs transfrontaliers (potentiel lien vers un autre article) dont l’essor est fulgurant. Ce sont les conventions fiscales qui permettent de réglementer la fiscalité entre état et de s’organiser afin qu’un travailleur transfrontalier ne soit pas imposé deux fois. 

De plus, la question de la fiscalité, au-delà du simple aspect financier, soulève la question de la souveraineté des Etats par la maitrise de leur système fiscal.  Ainsi, certains Etats ont fait le choix d’une fiscalité plus attractive qui a pu mener à des tensions entre les Etats membres. L’Irlande, par exemple, a mis en place un système fiscal avantageux pour l’installation des entreprises sur son territoire grâce notamment à un taux d’Imposition sur les sociétés. La fiscalité directe constitue un instrument au service de la compétitivité économique et financière des États. 

Enfin, la question de la fiscalité au sein de l’Union est récurrente, car elle pourrait être un élément essentiel pour la mise en place d’une ressource financière distincte des contributions des états. Ainsi l’Union pourrait se doter d’une ressource propre lui permettant de financer certaines politiques. La taxe sur les transactions financières que le Président Français, Emmanuel Macron, avait évoquée afin de financer l’aide au développement, pourrait être un premier pas vers une fiscalité directe commune. 

Compte tenu du mode d’adoption de la législation relative à la politique fiscale, on comprend donc que le rôle de l’Union soit très limité puisqu’elle n’a qu’un rôle de supervision des politiques fiscales nationales dans une optique de cohérence avec certaines politiques de l’Union. 

La politique fiscale, moteur de la politique sociale en Europe ? 

Pour autant, l’avenir de l’Union européenne pourrait bien reposer sur cette politique qui serait au service d’autres politiques d’envergures. A la vue des différents éléments cités précédemment, il devient évident qu’une politique fiscale adéquate au service de la politique sociale serait un atout de taille pour l’Union. Il lui a souvent été reproché l’absence d’une politique sociale forte tant les disparités entre les états sont grandes. Bien que différents instruments financiers existent déjà, ils ne suffisent pas à réduire assez rapidement les fractures entre les territoires. Plus que jamais, l’Union européenne doit trouver des réponses à ces problèmes et offrir aux citoyens une vraie politique sociale permettant ainsi de regagner leur confiance. 

La politique sociale est de loin la plus difficile à mettre en œuvre puisqu’elle repose sur les volontés des états et n’entre donc pas dans le champ des compétences exclusives de l’UE.  L’approche financière d’une politique fiscale d’envergure permettrait ainsi de piloter une politique sociale au service des citoyens européens. Il s’agirait ainsi d’une réelle ressource européenne, propre à l’existence même de l’Union et dont les leviers financiers pourraient être librement décidés par les décideurs européens. 

La mise en place de la ressource financière sous-entend l’organisation, le pilotage, mais aussi les contrôles. Actuellement, c’est la Commission européenne qui est garante de l’exécution du budget. En cas de budget propre, ne faudrait-il pas repenser le contrôle et l’exécution de cette ressource ? Il semble nécessaire qu’une ressource propre, au service d’une politique sociale, soit supervisée par une institution représentant les citoyens européens, par conséquent, le Parlement européen. De même, le rôle du Conseil économique et social européen devrait être réaffirmé dans l’exécution de ce budget particulier. En l’occurrence, il s’agirait de repenser ces institutions et de faire évoluer le modèle institutionnel actuel.

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