2018 : poursuivre l’élan européen pour une défense commune

, par Julien Lepotier

2018 : poursuivre l'élan européen pour une défense commune
L’élan européen en matière de défense commune, amorcé en 2017, se concrétisera-t-il en 2018 ? CC - European Parliament

Le 11 décembre dernier, 25 états ont approuvé le lancement d’une coopération structurée permanente, comme le prévoit le traité de Lisbonne. Cette initiative fait suite au lancement du fonds européen de défense, qui permettra à l’Union européenne de financer des projets de recherche ou de développement d’équipements militaires. Le Brexit et l’élection de Donald Trump semblent alors avoir été les éléments déclencheurs d’une nouvelle étape de la politique étrangère et de sécurité commune européenne. Au-delà des effets d’annonces, quels sont les ambitieux de ces deux projets ? Et quelles pourraient être les prochaines étapes pour aller encore plus loin ?

L’Europe de la défense, quel constat ?

L’ensemble des pays de l’Union européenne représentent le troisième budget militaire au monde, après les Etats-Unis et la Chine. Pourtant, les capacités de projection des forces européennes sont insignifiantes pour rapport à une force de plus d’un million de militaires, qui possède plusieurs centaines d’avions de chasse ou des dizaines de navires de guerre. En effet, on arrive tout juste à déployer 1000 à 1500 soldats en Lituanie !

Au-delà d’objectifs politiques assez divergents, l’absence de coopérations permanentes et la fragmentation de l’industrie européenne conduit à un constat global d’inefficacité par rapport aux moyens consacrés. Comme le souligne le député européen Michael Gahler, le budget de défense des États membres de l’UE s’élève à 40% du budget de défense des États-Unis, mais ne parvient à générer que 15% des capacités résultant de ces dépenses outre-Atlantique.

La politique de sécurité et de défense commune (PESD) est davantage un outil de réflexion stratégique et de préparation qu’un embryon d’une capacité militaire commune. Même si l’Agence européenne de défense a pour mission de soutenir l’effort de défense des Etats membres, ses moyens financiers l’empêchent d’avoir un rôle significatif.

La CSP et le fonds européen de défense, deux avancées majeures

La coopération structurée permanente (CSP) est un outil introduit par le traité de Lisbonne. Il doit permettre une forte convergence des capacités militaires des différents Etats membres. Chaque année, l’Agence européenne de défense va mener une revue des capacités militaires de l’Union européenne, puis pourra proposer des mesures concrètes aux ministres de la défense des différents pays. La défense n’étant pas une compétence exclusive de l’UE, ses éventuelles recommandations ne sont pas contraignantes. Le Conseil européen a validé le lancement de la CSP le 15 décembre dernier et 17 projets ont été approuvés : un commandement médical européen ; la surveillance maritime ; la guerre des mines…

Le fond européen de défense comprend deux volets. Une première partie comprend le financement de projets de recherche dans le domaine de l’armement, pour permettre à l’Union européenne de conserver des équipements militaires de haut niveau. Le seconde partie prévoit un cofinancement à la hauteur de 20% de la phase de développement (prototype, conception détaillée), si le projet est porté par trois entreprises d’au moins deux états membres différents. Un milliard d’euros est prévu pour ce volet dès le début du prochain budget pluriannuel. Ce fonds est une avancée importante. En effet, c’est la première fois que l’Union européenne va financer des programmes de recherche militaire, pour un montant non négligeable de 500 millions d’euros à partir de 2020, soit l’équivalent des deux tiers du budget des études en amont (recherche) de la France. Deuxièmement, le second volet, en imposant qu’il faut au minimum deux états impliqués, va favoriser un rapprochement des industriels, réduisant progressivement la concurrence intereuropéenne qui nous tire vers le bas.

Plusieurs étapes seront nécessaires pour donner corps à une défense européenne intégrée

La CSP est une nouvelle étape dans le chemin d’une armée européenne, bien que cette armée n’aura de sens seulement quand l’Union sera devenu une fédération. Néanmoins, la CSP va permettre de rapprocher progressivement les différentes armées nationales, ce qui facilitera la mise en commun des capacités, sur le long terme. Bien sûr, la réussite de la CSP est conditionnée à l’engagement des Etats, l’histoire récente ne plaide pas pour l’optimisme. Par contre, le Fonds européen de défense pourra être plus efficace grâce à la carotte financière qu’il constitue.

En ce qui concerne le budget de ce fonds, il est prévu à hauteur de 1,5 milliards d’euros par an en rythme de croisière. Ce qui est insuffisant si on veut vraiment inciter les Etats à travailler ensemble et investir suffisamment pour rester dans la course aux technologies des grandes puissances. Je suis de l’avis qu’il faudrait augmenter le budget de ce fonds à 5 milliards d’euros, annuellement d’ici 2025 : la moitié pour la recherche, l’autre moitié pour le co-financement des phases de développement. Un budget annuel de 2,5 milliards d’euros pour recherche militaire permettra de financer les innovations de rupture, indispensable pour garder notre avance technologique. Cette somme représente cinq fois les dépenses de la France dans la recherche militaire, et permettra donc aux Européens de se mettre progressivement au niveau des Américains, Russes ou des Chinois. Le volet capacités, avec aussi un montant de 2,5 milliards d’euros, permettra de financer 12,5 milliards d’investissements par an (en ajoutant les contributions nationales). Ce montant considérable représente près de 7 à 8 % du budget défense de l’ensemble des pays européens. Il imposera donc au Etats membres de travailler ensemble s’ils veulent bénéficier de ce coup de pouce important.

Au-delà d’une politique européenne globale, l’Europe de la défense avancera seulement si un noyau dure décide de la mise en place d’un embryon d’armée européenne, centré principalement sur les fonctions de soutien dans un premier temps, puis aux unités de combat par la suite. Le commandement européen du transport aérien, qui compte plus de 200 avions, est un exemple d’initiative concrète.

La brigade franco-allemande ou l’escadrille commune de C-130 J sont deux autres exemples d’embryon d’une force de défense européenne. Dans les années qui viennent, notre pays doit proposer des partenariats pour approfondir ces avancées : unité franco-italienne de patrouille en mer Méditerranée (enfin aider nos amis Italiens face au défi migratoire) ; renforcer la brigade franco-allemande (forces blindés ; hélicoptères) et l’ouvrir à nos partenaires ; créer une unité européenne de renseignement constituée de drones MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) Reaper, puis de MALE made in Europe… les idées ne manquent pas.

De plus, si on veut une industrie de défense forte, il faut arrêter l’hypocrisie qui veut de vanter l’Europe de la défense tout en achetant Américain. Je pense à l’exemple de la Suède, qui participe à la CSP tout en privilégiant l’achat de systèmes anti-aériens Patriot au lieu de la solution Franco-italienne de MBDA. La consolidation de l’industrie de défense est un enjeu central dans les prochaines années, la fragmentation de celle-ci étant une des raisons de notre faible efficacité au regard de nos moyens. Le rapprochement entre Naval group et Fincantieri doit de mon point de vue, impérativement réussir.

L’objectif d’une Europe de la défense efficace n’est pas de mener une guerre mondiale, mais bien d’être suffisamment dissuasive pour qu’aucun état du monde décide de s’en prendre à nos intérêts vitaux. Même si l’Europe est en paix depuis plus de 60 ans, un moment unique dans l’histoire, la paix reste un combat et nous ne devons pas baisser notre garde !

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