30 ans après l’adhésion de l’Espagne et du Portugal à l’Union européenne : quel bilan ?

, par Robin Alves

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30 ans après l'adhésion de l'Espagne et du Portugal à l'Union européenne : quel bilan ?
Le pont international sur le Guadiana, qui relie l’Espagne et le Portugal, a été en partie financé par l’Union européenne. - © Calapito (CC/Wiki)

Troisième élargissement de la construction communautaire, l’entrée de l’Espagne et du Portugal en 1986 a renforcé la réalité européenne. 30 ans plus tard, si les deux pays sont bien intégrés, leur adhésion a marqué trois décennies de changements structurels avec de nouveaux défis en perspective.

Entre dictature et négociations difficiles, une entrée tardive

Si l’Espagne et le Portugal ont intégré le projet européen uniquement en 1986, c’est en raison de la dictature qui prévalait jusqu’à la fin des années 1970. Après la mort de Franco et la chute de Salazar, la transition démocratique a pu s’opérer. A cette époque, la communauté européenne n’était pas assez représentée par des pays du sud. La France était un des rares pays à s’y opposer par crainte de l’ETA (Euskadi Ta Askatasuna) et de la concurrence sur sa production agricole.

Les négociations furent également difficiles en raison des débats portant sur la gestion des fonds européens, sur la pêche, le lait ou encore sur l’intégration de la TVA (IVA) remplaçant les 24 anciennes taxes espagnoles. Ainsi, les deux pays ont dû procéder à des réformes structurelles conciliant Etat-providence et démocratie avec un changement en profondeur de l’industrie, de l’agriculture et du commerce. Des mesures difficiles pour le citoyen et les syndicats à l’image de la région des Asturies au Nord de l’Espagne.

Mais les considérations politiques ont pris le dessus, l’adhésion étant voulue par les citoyens. 30 ans plus tard, le bilan est mitigé.

L’Espagne, le Portugal et l’Union européenne : Une histoire de confiance et de défiance

Dès leur entrée, les deux pays se sont montrés actifs. L’Espagne a contribué au développement de la citoyenneté européenne instaurée en 1992. Felipe Gonzalez, Premier ministre de 1982 à 1996 s’est démené pour l’intégration de son pays. Défenseur d’une Europe économique et sociale, il fut le promoteur du fonds de cohésion créé au Conseil européen d’Edimbourg de 1992. Essor sans précédent, l’Espagne a procédé à la réalisation de grands travaux (routes, etc.), à la montée en puissance d’Iberia (compagnie aérienne), fut une vitrine à l’étranger (notamment avec les Jeux olympiques de Barcelone en 1992), a participé au projet Airbus, a pris en main le groupe Seat et a axé son économie sur l’agriculture et le tourisme. Toutefois, ces changements ont impacté les éleveurs qui ont réduit leur production face à la concurrence et à la saturation du marché.

Au Portugal, les responsables politiques se sont affirmés tout aussi européistes que leur voisin, défendant l’approfondissement par l’adhésion à l’espace Schengen, à l’euro et l’élargissement en favorisant l’intégration des démocraties post-communistes. Le pays a profité des fonds structurels et de cohésion finançant plus de 35 000 projets. Le PIB par habitant est passé de moins de 7 000 euros en 1986 à 19 000 euros en 2008. Toutefois, la reconversion économique du pays n’est pas évidente, des secteurs ont même régressés.

En Espagne, la victoire d’Aznar en 1996 a marqué un tournant. Atlantiste et défenseur d’une Union européenne du commerce et du progrès économique, il se tourna vers les Etats-Unis dans la guerre en Irak en 2003 et laissa de côté la volonté diplomatique européenne. Au Portugal, le pays craignait au fil du temps de devenir « une périphérie dans la périphérie ». En 2004, la victoire de Zapatero en Espagne a remis le projet européen au centre des priorités, notamment par l’approbation du TECE (Traité Etablissant une Constitution pour l’Europe). Malgré tout, la crise économique de 2008 a frappé de plein fouet les deux Etats. L’euro-enthousiasme des années 1980 a laissé place au scepticisme.

L’Espagne et le Portugal face à la crise

La crise économique a déçu les espoirs des jeunes générations. Les fonctionnaires, producteurs et commerçants ont également subi la cure d’austérité. En partie la faute en Espagne à une spéculation immobilière incontrôlée et à une négligence bancaire. Depuis 2000, le pays bâtissait 700 000 habitations chaque année et possédait les taux de propriétés les plus élevés d’Europe. Les ménages se sont aussi surendettés par l’obtention de crédits à risque.

Au Portugal, l’Escudo a été surévalué lors du passage à l’euro, entraînant un problème de compétitivité des produits fabriqués au Portugal. De fait, le PIB a progressé faiblement, les taux d’intérêts ont grimpé, la balance commerciale est devenue déficitaire, la dette publique et l’endettement privé ont cru.

De sorte que l’Europe est davantage devenue un bouc émissaire plutôt qu’un rempart face aux difficultés socio-économiques. Au Portugal, la crise a amené le pays à modifier son approche en matière de politique extérieure et européenne. Aucune formation politique ne remet en cause l’appartenance à l’Union européenne, mais elles reconnaissent la contrainte de s’adapter à une nouvelle donne internationale. En Espagne, de nouveaux partis, issus ou renforcés par, mouvement des indignés, surgissent pour briser le clivage traditionnel, surprenant par leurs scores aux élections et leur capacité à s’imposer sur l’échiquier politique.

Finalement l’adhésion de 1986 pointe un paradoxe. Si elle a permis de stabiliser ces jeunes démocraties, elle a en même temps accru les incertitudes sur leur croissance économique à moyen terme. Ce fut un pari osé pour les deux pays, un pari qui tient encore en 2016. Pour Martin Schulz, président du Parlement européen, « tous les espoirs du moment historique de 1986 n’ont pas été atteints, mais l’Espagne a gagné de la stabilité ».

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