5ème volet de sanctions pour la Biélorussie : jusqu’où l’UE devra-t-elle aller ?

, par Chérine Zidour

5ème volet de sanctions pour la Biélorussie : jusqu'où l'UE devra-t-elle aller ?
L’eurodéputée Fabienne Keller lors de son déplacement à la frontière Biélorusse le mercredi 1er novembre

“La crise migratoire orchestrée par le régime de Loukachenko doit être combattue par des mesures sévères contre le régime et ses partisans", exhorte Fabienne Keller dans un communiqué de presse le 1er décembre dernier. Accompagnée d’autres parlementaires, l’eurodéputée Renew s’est rendue à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie où des milliers de migrants sont pris en étau. A son retour, elle a appelé les institutions européennes à accroître leurs sanctions à l’encontre du gouvernement de Minsk. Un cinquième paquet de sanctions a été promulgué par la Commission européenne, qui semble être le dernier rempart pour répondre à la crise agencée par Loukachenko.

Une guerre hybride contre l’UE

Le mardi 30 novembre prenait fin l’état d’urgence migratoire promulgué le 2 septembre par le président polonais Mateusz Morawieck. Dès le lendemain il sera réactivé pour une durée de trois mois. Fabienne Keller a profité de cette brèche pour se rendre sur place. Avec une délégation de parlementaires européens, elle est allée examiner la situation à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. L’expédition a très vite été freinée par les gardes frontières : journalistes, parlementaires, associations n’étaient pas autorisés à s’approcher à moins de 15 kilomètres de la frontière problématique. Leurs demandes d’autorisation d’accès restées sans réponse attestent de la volonté de dissimuler l’irrespect des droits humains. “Les migrants vivent dans des conditions inhumaines, dans le froid risquant leurs vies” s’alarme Fabienne Keller.

C’est un jeu d’échecs grandeur nature qui se déroule sous nos yeux, où les migrants sont instrumentalisés comme des pions à des fins politiques. Alexandre Loukachenko, président ou “dictateur” biélorusse, achemine des migrants venus du Proche et du Moyen-Orient jusqu’à Minsk. Moyennant un visa pour quelques milliers d’euros, il leur fait miroiter un passe pour l’Europe. Une fois sur place, un convoi les emmène vers la Pologne où ils tentent désespérément de traverser la frontière mais où ils se heurtent aux barbelés polonais. Pas de retour en arrière possible : les garde-frontières biélorusses les en empêchent par tous les moyens possibles : tirs, gaz lacrymogène, matraques. “C’est immonde, c’est abominable mais politiquement c’est bien pensé” analyse Bernard Guetta, député européen Renew au micro de France Inter le jeudi 11 novembre.

Le lundi 15 novembre, par un communiqué du ministère de l’Intérieur, les autorités polonaises ont annoncé le début de la construction d’un mur entre la frontière bélarusse et polonaise. Ce projet coûtera environ 353 millions d’euros, devrait s’étendre sur 180 kilomètres et prendre fin au premier semestre 2022. L’UE avait donné son feu vert à ce projet gouvernemental le vendredi 29 octobre

Des mesures raffermies contre le régime biélorusse

Le président biélorusse ainsi que 165 responsables du régime proches du pouvoir ont été interdits de visa au sein du territoire européen. Des sanctions financières ont aussi été appliquées à leur encontre par le gel de leurs avoirs. D’autres sanctions économiques ont été imposées aux secteurs de la potasse, du pétrole et du tabac. Le secteur aérien a été fortement touché pour restreindre l’arrivée de migrants, et les compagnies aériennes biélorusses sont prohibées dans la zone aérienne européenne. La pression européenne entamée par Margaritis Schinas, vice-président de la Commission européenne, a eu les effets escomptés sur les compagnies aériennes : Turkish Airlines a suspendu ses vols en direction de Minsk le 12 novembre, suivie par la compagnie Iraqi Airlines.

“Soyons très clair, ces migrants sont trompés par des fausses promesses infâmes. Nous devons lutter contre cela et c’est pourquoi l’UE va établir une liste noire pour tous les moyens et modes de transport sur la base de la législation internationale sur la traite et le trafic de migrants.” Les propos d’Ursula Von Der Leyen Présidente de la Commission européenne du 23 novembre devant les eurodéputés, sont sans ambiguïtés : ils témoignent de la volonté des européens de répondre à cette crise.

Bien que tardives, les sanctions européennes à l’encontre de Minsk ont dès lors pris un tournant à Bruxelles. Constituant le cinquième volet de sanctions adopté par l’UE, depuis la contestée réélection de Loukachenko l’été dernier, la pression politique européenne se veut plus dure et plus efficace.

Svetlana Tsikhanovskaïa, la principale représentante de l’opposition biélorusse en exil, a appelé à un durcissement des mesures devant le Parlement européen le 24 novembre dernier. Elle défend une modification du cadre juridique des sanctions qui permettrait d’élargir le nombre de personnes pouvant être sujettes aux sanctions européennes. Toutes les entités qui organisent ou contribuent aux activités du régime Loukachenko, notamment celles facilitant le franchissement illégal des frontières extérieures de l’UE pourraient ainsi être appréhendées.

Le chantage biélorusse face aux sanctions européennes

Le 9 août 2020,la réélection frauduleuse d’Alexandre Loukachenko était celle de trop pour le peuple biélorusse. De nombreuses manifestations ont été organisées dans tout le pays en réaction à la prise au pouvoir illégitime de Loukachenko. Depuis 1995, le dictateur biélorusse Alexandre Loukachenko se succède à lui-même au pouvoir et dirige son pays d’une main ferme. “La Biélorussie est un pays qui est notoirement non démocratique”, commente la députée européenne Fabienne Keller. On estime qu’il y aurait 900 prisonniers politiques torturés, un chiffre qui atteste de la répression des citoyens qui oseraient s’opposer au régime. Le peuple est quant à lui dans l’insécurité entre le va-et-vient constant de chars blindés et l’intensification des contrôles militaires. Pour les assurer, le gouvernement biélorusse a besoin d’un grand nombre de nouvelles recrues. "16 jours : c’est le temps qu’il faut pour que des miliciens soient formés et armés" explique l’eurodéputée. Quelles sont les motivations du dictateur Loukachenko dans cette guerre hybride contre l’Europe ? Pour certains, ce sont des représailles en réponse aux sanctions de l’Union européenne imposées à son régime, ou une stratégie du président russe Vladimir Poutine pour déstabiliser l’Europe. Pour Fabienne Keller, cela ne fait plus aucun doute, il s’agit d’un coup politique organisé : Loukachenko disposerait du soutien total du Kremlin.

La fin d’un conflit au contours flou dont la seule solution sur le long terme semble être l’investiture d’un régime démocratique en Biélorussie.

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