Bilatéral

À propos des relations franco-polonaises…

Un choix d’ouvrages sur la question

, par Ronan Blaise

À propos des relations franco-polonaises…

A l’heure où, sous la direction de son nouveau premier ministre Donald Tusk [1], la Pologne ’’revient en Europe’’ - prenant là de nombreuses décisions ouvertement pro-européennes, longtemps restées en suspens sous la législature et sous le gouvernement précédants [2] - il revient de s’interroger sur l’Histoire de ce grand pays d’Europe centrale et sur les relations tumultueuses qu’il a longtemps entretenues avec ses voisins.

Avec une superficie voisine de celle de l’Allemagne réunifiée et avec une population égale à celle de l’Espagne [3], la Pologne occupe, depuis la restauration de son indépendance, à la charnière des années 1989-1990 (et, plus encore, depuis son adhésion à l’UE : en mai 2004…) une position clef dans l’architecture géopolitique de l’Europe nouvelle.

Des relations millénaires

Et si la Pologne a environ 1000 ans d’histoire il en va à peu près de même des relations franco-polonaises, millénaires également [4]. Des relations franco-polonaises qu’on peut ainsi faire démarrer dès l’an 1000, environ : quand Hugues Capet fondait la monarchie nationale française des rois Capétiens [5], quand Mieszko - Duc (Piast) des Polanes - fondait également, à peu près au même moment [6], la monarchie nationale polonaise.

Des relations franco-polonaises qui existent ainsi dès le Moyen âge avec, déjà, de nombreux contacts passés à l’occasion des Croisades ou encore - sans relever toutefois de relations d’Etat à Etat [7] - avec de nombreux échanges économiques et culturels : avec la contribution de nombreux moines (clunisiens, bénédictins, cisterciens, dominicains…) et lettrés français partis pour la Pologne… ou prélats et clercs polonais venus étudier en France (à la Sorbonne, voire à la faculté de médecine de Montpellier).

Parmi lesquels on compte, à la charnière des XIe et XIIe siècles, des personnalités éminentes comme le célèbre évêque de Cracovie Saint-Stanislaw de Szczepanów (prélat martyr, défenseur de l’Eglise et des libertés face à l’arbitraire du pouvoir : à tort exécuté par l’autorité royale et sorte de « Thomas Becket » à la polonaise...) ou encore un certain « Gallus anonymus » : clerc provençal de l’abbaye de Saint-Gilles (située en région nîmoise) venu en Pologne pour y devenir l’historiographe de cour attitré du roi polonais de l’époque (et, ainsi, le premier historien de l’histoire polonaise…).

Deux histoires contrastées avec la lente marche de la France vers son unité, parfois arrêtée mais jamais fondamentalement remise en question et le destin contrarié de la Pologne : pays autrefois brillant et puissant - modèle de tolérance et de monarchie libérale aux Temps modernes, dans cette Europe des guerres de religion et des monarchies absolues - mais une Pologne dont fut, par la suite, longtemps remise en question jusqu’à l’existence, dans l’aube révolutionnaire et nationaliste des temps contemporains.

Des relations plus ou moins amicales, mais jamais antagonistes

Depuis lors, ces deux pays - ces deux peuples et leurs deux Etats - n’ont cessé d’entretenir de solides liens d’amitié. Non pas tant que celle-ci ait véritablement été linéaire et sans histoire, problème, mésentente ni conflit… mais force est de constater néanmoins que, dans leurs longues histoires, aucun de ces deux pays n’auront finalement été ouvertement en guerre l’un contre l’autre.

En tout cas, quelques soient les aléas de leurs histoires nationales respectives, ces deux pays ont toujours eu des relations amicales suivies, toujours affectives voire passionnelles et s’accommodant donc mal de la médiocrité du quotidien (ce qui peut expliquer bien des malentendus...).

Se procurant réciproquement des souverains [8], voire des épouses ou des favorites à leurs princes [9] et des refuges à leurs ressortissants proscrits, menacés dans leurs biens voire jusque dans leur existence ou seulement inquiets pour leur avenir [10].

Tels le célèbre patriote et révolutionnaire polonais Tadeusz Kosciuszko [11], le grand compositeur classique ’’national-romantique’’ Frédéric Chopin, l’historien ’’révolutionnaire’’ (et politiquement engagé...) Joachim Lelewel (un admirateur et émule de notre Michelet...), le grand poète ’’national-romantique’’ Adam Mickiewicz ou encore la future prix nobel de physique (en 1903) et chimie (en 1911) Marie Sklodkowska (effectivement plus connue pour les français sous le nom de Marie Curie, après son mariage avec le chercheur français Pierre Curie).

Des relations amicales qui se sont traduites par de nombreux échanges culturels et par de nombreuses vagues d’émigration : ’’grande émigration’’ aristocratique du XIXe siècle composée d’aristocrates, de patriotes et d’intellectuels de haut niveau fuyant l’occupation et le despotisme russe après les insurrections manquées de 1794, 1830 et 1863 (Cf. plus haut)... ou émigration ’’économique’’ de ces fameux mineurs et travailleurs agricoles polonais de l’entre-deux-guerres, venus contribuer au redressement économique de la France, dévastée et cruellement meurtrie par les terribles destructions de la « Grande guerre ».

Amitié historique, inimitiés et incompréhensions…

Mais voilà des relations amicales franco-polonaises - cordiales voire chaleureuses depuis plusieurs siècles - qui n’ont cependant pas été sans fâcherie momentanée voire mésentente parfois persistantes. Ainsi, les deux pays (liés par un siècle de combats [12] menés ensemble ’’pour votre liberté et pour la notre’’ et - depuis 1921 - par un pacte d’alliance et d’assistance mutuelle) ont-ils toujours été, l’un envers l’autre, vraiment fidèles à leur alliance ?

Ainsi les Polonais gardent le souvenir ambiguë de cette France qui, en 1830, accueille effectivement les réfugiés polonais sur son sol mais les place alors sous surveillance policière ; cette même France dont Sébastiani, le ministre des affaires étrangères de l’époque, salue en pleine Assemblée nationale (en septembre 1831), l’ordre tsariste ’’enfin’’ restauré à Varsovie. Cette même France qui instrumentalise ces fameuses ’’Légions’’ de patriotes polonais [13] lors des guerres de la Révolution et de l’Empire pour la défense de la révolution, l’exportation des principes révolutionnaires mais aussi l’expansion de l’Empire de la « Grande nation » (en Italie, en Egypte, à Saint-Domingue, en Espagne ; contre la Prusse, l’Autriche et la Russie...) mais qui, le moment venu, omet finalement de restaurer l’indépendance de la Pologne [14].

De même, les Polonais ont longtemps estimé que l’Occident en général, la France en tout particulier, les avait lâché : en 1934-1935, quand la Pologne du maréchal Pilsudski envisageait (?) de lancer une guerre préventive contre l’Allemagne nazie ; ou en 1939-1940, quand la Pologne est écrasée par les armées de l’Allemagne nazie et que le gouvernement polonais en exil [15] se retrouve alors dans une situation des plus précaire en France, etc.

Des questions qui reste là posées de même qu’on peut également encore s’interroger aujourd’hui sur les responsabilités des pays d’Occident face à la satellisation de la Pologne, entre 1945 et 1989 : notamment quand, en 1945-1947, les soviétiques mettent la main sur la Pologne avec l’approbation tacite (?) de certains gouvernements occidentaux ; ou encore, en 1981-1989 et plus récemment encore, quand certains dirigeants français semblent parfois ne pas comprendre les aspirations du peuple polonais à la liberté et son insistante demande d’intégration à l’Europe…

Et l’on se souvient de ces nombreuses fâcheries encore récentes comme - en pleine crise franco-euro-américaine de 2001-2002 à propos de l’Irak - ces propos malheureux d’un ancien président de la république française sur ces pays d’Europe centrale (dont la Pologne) qui auraient alors manqué ’’une occasion de se taire’’. Sans même parler de ces polémiques sur des achats d’avions de chasse américains plutôt que français, de ces polonais dont on déplore si souvent en France qu’ils soient décidément trop catholiques et aient aimé leur pape polonais si ostensiblement... ou encore de ces fameux ’’plombiers polonais’’, décrits lors de la campagne référendaire de 2005 comme tout autant de prédateurs sociaux potentiels.

Des mésententes historiques qui viennent là animer une amitié pourtant presque exemplaire : autant d’incidents de parcours qui sont aujourd’hui pour beaucoup dans certains réflexes et certaines réactions des polonais d’hier et d’aujourd’hui, souvent mal comprises en France et parfois ici jugées comme étant épidermiques (car nationalistes ?! ombrageuses ?! cléricales ?! par trop libérales ?! atlantistes ?!).

Or, contribuer à une meilleure compréhension des relations franco-polonaises par un récit aussi neutre que possibles des événements et tout en dédramatisant ces sujets de discorde, telle est précisément l’ambition de ces quelques ouvrages que nous vous présentons, ci-dessous...

- Illustration :

Le visuel d’ouverture de cet article est la couverture (édition polonaise) de l’un des deux ouvrages dont il est question ci-dessous...

- Références :

 « De tout temps amis : Cinq siècles de relations franco-polonaises » : Un ouvrage collectif d’Andrzej Nieuwazny, Christophe Laforest (Auteurs), Béatrice Crane-Mikolajczyk et Joanna Ekiert-Zastawny (Traductions) ; document publié au « Nouveau Monde éditeur », en 2004 (443 pages).

 « Les relations franco-polonaises, de Hugues Capet à Lech Walesa » : Un ouvrage de Jean Sékutowicz ; document publié en ’’Autoédition’’, en 1995 (220 pages).

- Pour approfondir :

 « Histoire de la Pologne » : Ouvrage de Norman Davies ; document publié aux éditions « Arthème Fayard » (en 1986), 542 pages (25 euro).

 « La Pologne : Histoire, société, culture » : Ouvrage de Daniel Beauvois ; document publié aux « éditions de la Martinière » (en 2004), 522 pages (39 euro).

 « Le Roman de la Pologne » : Ouvrage de Béata de Robien, publié - sous la direction de Vladimir Federowski - dans le cadre de la collection « Le roman des lieux et destins magiques » ; document publié aux « éditions du Rocher » (en 2007), 495 pages (19.90 euro).

 « Pologne » : Roman de James A. Michener ; document paru aux « éditions du Seuil » (en 1984) et disponible, en livre de poche, dans la collection « Point Seuil », 790 pages (8,50 euro).

 « Géopolitique de la Pologne » : Un ouvrage de Christophe Dwernicki ; document publié à Bruxelles (en 2000) aux Editions « Complexe » (145 pages) dans la collection « Géopolitique des Etats du monde ».

Notes

[1Donald Tusk, nouveau premier ministre polonais (’’Plateforme civique’’ / ’’Platform Obywatelska’’, Libéral) suite aux élections législatives de novembre dernier.

[2i. e : annonce de la volonté d’accepter la « Charte européenne des droits fondamentaux », d’entrer dans la zone euro, de préparer également le retrait de ses forces militaires présentes en Irak, etc.

[3Avec 40 millions dhabitants, soit une population égale à celle de l’Espagne (ou égale à celle des neuf autres Etats ’’néo-adhérants’’ à l’UE du 1er mai 2004…).

[4Voire plus anciennes encore s’il on veut bien admettre une bonne fois pour toutes que le mot polonais ’’Król’’ (i. e : roi, en langue polonaise) serait en fait un terme dérivé - puisque tout à la fois allusion, hommage et référence - à l’Empereur franc d’Occident ’’Karl der Große’’ : soit notre ’’sacré’’ Charlemagne...

[5(puisque élu roi de France, en 987).

[6(vers 963-992).

[7Le premier traité d’alliance entre les deux royaumes - contre l’Empereur « Habsbourg » - étant été signé en 1500, à Buda, entre Louis XII de France et le prince polonais Vladislas II Jagellon, roi (polonais, et dynaste ’’jagellon’’) de Bohême (en 1471-1516) et de Hongrie (en 1496-1516).

Un premier Traité d’alliance franco-polonais complété, en 1519, par une tentative d’alliance matrimoniale entre le roi de France François 1er et le roi de Pologne Zygmunt 1er Stary (i. e : Sigismond 1er dit l’Aîné, prince ’’jagellon’’ également).

[8Notre Henri III de France ayant d’abord été roi de Pologne - durant quelques mois (quelques deux cent jours environ) de l’année 1574 - sous le nom d’Henryk Walezy (i. e : Henri de Valois)… et le roi de Pologne Stanislaw Leszczynski, déposé du trône polonais, étant par la suite venu régner (de 1737 à 1766) sur la Lorraine : duché indépendant, incorporé au royaume de France à sa mort. Sans même parler, tout au long du règne de Louis XIV de toutes ces tentatives de princes français pour se faire élire au trône de Pologne, tels le Duc d’Enghien (fils du Grand Condé), le prince Charles-Pâris de Longueville, ou encore François-Louis de Bourbon-Conti...

[9Telles Louise-Marie de Gonzague-Nevers (épouse des rois de Pologne Ladislas IV Vasa puis Jean II Casimir Vasa, en 1946-1667) puis Marie-Casimire Louise de la Grange d’Arquien (fille illégitime de la précédente, maîtresse puis épouse du grand roi polonais Jan Sobieski, en 1676-1716) ; telle Marie Leszczynska (fille du roi de Pologne Stanislaw, devenue épouse du roi de France Louis XV) ; telle Maria Walewska (célèbre maîtresse de l’empereur Napoléon 1er), etc.

Sans même parler des amours ’’franco-polonaises’’ de Frédéric Chopin (l’amant de l’écrivain française George Sand), de la Comtesse Hanska (la maîtresse d’Honoré de Balzac) ou encore des scientifiques (et prix Nobel) Pierre et Marie Curie.

[10Tel un certain Nicolas Chopin (lorrain de l’entourage du roi Stanislaw Leszczynski) qui, parti en mission en Pologne en 1789, préféra - devant la tournure prise par les événements dans la France révolutionnaire - rester en Pologne... où il devint le précepteur de la jeune Maria Walewska puis s’y maria, avant d’être le père du futur illustre compositeur...

[11Tadeusz Kosciuzko : héros de la guerre d’indépendance des Etats-Unis aux côtés de la Fayette, célèbre révolutionnaire polonais de la fin du XVIIIe siècle et ’’ascendant’’ de l’actuelle ministre français Nathalie Kociusko-Morizet (secrétaire d’état à l’écologie, depuis mai 2007).

[12Un siècle de combats menés ensemble : depuis l’insurrection nationale polonaise de 1794 à la guerre ’’polono-soviétique’’ de 1920-1921, en passant par les combats de 1797-1798, 1807-1809, 1812-1815, 1830-1831, 1848-1849, 1855-1856, etc.

[13Comme en témoignent, gravés sur l’Arc de Triomphe de la place de l’Etoile (Paris), les noms de ces nombreux généraux et colonels polonais de ces fameuses ’’Légions polonaises’’ et/ou de la ’’Grande armée’’ impériale napoléonienne : Jan Henryk Dombrowki, Jozef Wybicki, Jozef Zajaczek, Karol Kniaziewicz, Jozef Sulkowski, Ladislas Jablonowski, Jan Kozietulski, etc. sans même parler du célèbre maréchal d’Empire Jozef Poniatowski, héroïquement décédé les armes à la main, lors de la fameuse bataille (perdue) de Leipzig, en 1813.

[14Sait-on seulement, en France, que l’actuel hymne national polonais - la « Marche de Dabrowski » (chant révolutionnaire de ces légions polonaises : forces auxiliaires des armées françaises menées par le général Bonaparte lors de cette fameuse campagne d’Italie de 1797) est, aujourd’hui, le seul hymne au monde à célébrer le courage physique et les valeurs militaires d’un certain... Bonaparte ?!

[15« Gouvernement polonais en exil » alors - pendant la « Drôle de guerre » - provisoirement installé en France : à Paris (en septembre 1939) puis à Angers (en octobre 1940), avant de devoir partir pour Londres (en juin 1940), au moment de l’effondrement du front français (puis de l’armistice conclu par le gouvernement français...).

Un « gouvernement polonais en exil » alors dirigé par le général Wladyslaw Sikorski (Président du Conseil, de sensibilité chrétien-démocrate), sous l’autorité du Président de la République Wladyslaw Raczkiewicz, ancien ’’pilsudskiste’’ (Droite nationaliste et autoritaire) et aux côtés desquels on retrouvait le président du « Parlement polonais en exil » Ignacy Jan Paderewski, patriote polonais remarquable (démocrate) et pianiste renommé (auteur-compositeur alors mondialement connu, interprête réputé de l’oeuvre de Frédéric Chopin...).

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