Un traité rapidement élaboré
Il est étonnant de constater à quel point l’élaboration de ce traité s’est déroulée de manière fluide et discrète, pendant que les négociations sur des sujets pourtant bien plus essentiels et urgents comme la régulation de la finance mondiale, la lutte pour la préservation de l’environnement et la réforme monétaire mondiale stagnent délibérément. S’agit-il uniquement de protéger les droits d’auteurs ? Depuis les révélations de Wikileaks, l’organisation des révolutions arabes, le mouvement Occupy Wall Street et le réveil de la jeunesse espagnole, il serait naïf de le penser. On mesure justement le poids d’un contre-pouvoir par rapport aux craintes qu’il suscite.
Les embûches européennes
La ratification du traité par l’Union européenne n’est pas un parcours sans embûche. Le Parlement européen, agacé par le manque de transparence, a voté en 2010 une résolution à la quasi-unanimité pour contraindre le Conseil et la Commission à rendre les documents préparatoires du traité public. Le Parlement a par ailleurs menacé d’intenter une action devant la Cour de Justice de l’UE.
La vraie remise en question du processus a cependant eu lieu en Pologne grâce à un mouvement spontané. Tout a commencé un matin de janvier avec une attaque coordonnée de plusieurs sites gouvernementaux par des « anonymous » polonais. Ensuite, des manifestations quotidiennes dans les rues des principales villes du pays, d’une ampleur jamais vue depuis l’époque communiste, brandissant le slogan « Nie dla Acta ». Le Parti trublion de Janusz Palikot (Ruch Palikota) a profité de l’occasion pour soutenir le mouvement, en arborant les masques de Guy Fawkes pendant une session du Parlement.
En Pologne, il ne se passe plus un jour sans débats, émissions, coups d’éclats. Un véritable débat public a lieu grâce aux jeunes. Le premier ministre Donald Tusk a été contraint de suspendre temporairement la ratification du traité et d’organiser un débat avec les représentants d’organisations pour la liberté sur Internet, reconnaissant que le texte éveillait des doutes quant au respect des libertés fondamentales. Le bras de fer continue...
L’Union européenne peut être une démocratie
Malgré ses pouvoirs limités, le Parlement européen a réussi à perturber la paisible mécanique de ratification d’un traité international par l’Union européenne. Il s’agit de l’un des rares et heureux bienfaits du traité de Lisbonne qui a institué l’obligation d’informer le Parlement « à tous les stades de la négociation ».
Mais c’est la résistance de la jeunesse d’un seul pays qui a été le moyen le plus efficace de résister. Les manifestations et les négociations avec le gouvernement sont régulièrement suivies par les médias et suscitent la sympathie des autres jeunes européens. Un embryon d’opinion publique européenne est né grâce à cet affrontement. Condition indispensable à la démocratie en Europe. Espérons que ce ne soit pas un cas isolé.
1. Le 16 mars 2012 à 18:27, par Krokodilo En réponse à : ACTA : La belle résistance de la jeunesse polonaise
Bravo pour avoir relayé ce mouvement dont nos grands médias ont si peu ou pas parlé du tout...
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