Biélorussie

Alexander Milinkevich : la voix de la démocratie biélorusse

Interview réalisée par la JEF-Europe

, par Traduit par Sophie Gérardin, Ecaterina Matcov

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Alexander Milinkevich : la voix de la démocratie biélorusse

Il parle avec un calme, une sérénité et une sagesse qui donnent à ses mots l’honnêteté qui le distingue. Il écoute toutes mes questions avec attention comme si j’étais l’un des siens lui expliquant mes problèmes quotidiens. Ensuite, il me regarde avec cette sorte de bienveillance et d’espoir que seul un combattant courageux de la liberté, de la démocratie et des droits de l’homme peut avoir. Et je pense naïvement que tous les hommes politiques devraient être comme cela !

JEF-Europe : M. Milinkevich, vous mentionnez toujours dans vos discours le mot « solidarité ». Quel genre de soutien attendez-vous ou avez-vous besoin de la part de vos voisins ou des autres pays européens ?

Alexander Milinkevich : Nous entendons la solidarité comme un soutien mutuel qui apparaît lorsqu’il existe une conscience d’avoir des buts communs, des valeurs communes et des idées communes. Nous souhaiterions que de plus en plus de gens en Europe prennent conscience que les démocrates biélorusses luttent pour la propagation de l’espace de paix, de démocratie et de bien-être car l’identité européenne est construite sur ces valeurs.

JEF-Europe : Pensez-vous que les acteurs mondiaux majeurs, en particulier l’Union européenne, en ont fait assez pour aider l’opposition ou le peuple biélorusse à lutter contre le régime ?

Alexander Milinkevich : Alors que nous apprécions beaucoup le soutien des pays européens en faveur des forces démocratiques de Biélorussie, nous devons admettre que cela n’est toujours pas suffisant. Le problème biélorusse n’a pas été, jusqu’à présent, une priorité majeure des Etats membres de l’UE.

Montrer à la société biélorusse qu’il peut exister une véritable alternative au régime autoritaire de Lukashenka et à ses modèles économiques, doit être le rôle commun des gouvernements européens et des forces démocratiques de Biélorussie. Une telle alternative ne peut se concevoir que dans l’espace commun européen de paix et de prospérité. La société biélorusse a besoin d’autant de contacts directs que possible avec l’Europe unie. Il existe un énorme potentiel pour entamer une coopération entre la Biélorussie et les sociétés civiles européennes. Les Biélorusses ont besoin de mieux connaître la démocratie, les droits de l’homme et l’économie de marché.

Ensemble, avec nos partenaires européens, nous pouvons promouvoir la coopération dans les domaines des échanges éducatifs et étudiants. Le régime des visas ne devrait pas être une barrière au développement des contacts. Les coûts pour obtenir un visa ne devraient pas être augmentés, au contraire ils devraient être abaissés, voire supprimés. L’Europe unie ne devrait pas retirer aux Biélorusses des opportunités d’emploi.

Chaque Biélorusse devrait percevoir les avantages de vivre dans une société ouverte et dynamique, intégrant l’économie de marché et le respect des droits politiques et sociaux. Nous attendons des pays de l’UE et des Etats-Unis d’Amérique qu’ils développent une approche globale envers la Biélorussie, basée sur les valeurs universelles de démocratie et non pas sur des échanges commerciaux avec le puissant voisin biélorusse, fournisseur d’énergie à l’Europe.

JEF-Europe : Avez-vous entendu parler de l’action des Jeunes Européens Fédéralistes en faveur de la Biélorussie qui ont eu lieu en mars dernier, dans soixante villes à travers l’Europe ? Et que pensez-vous de ce genre d’initiatives ? Sont-elles un message d’encouragement pour le peuple biélorusse et aident-elles à s’approcher d’une transition démocratique ?

Alexander Milinkevich : Nous sommes très reconnaissants envers les JEF pour leur campagne d’action dans de nombreuses villes européennes en faveur de la Biélorussie. Le fait qu’on se rappelle et qu’on attend les Biélorusses en Europe donne certainement de la force à tous nos citoyens qui s’opposent au régime autoritaire. C’est un plaisir particulier de prendre conscience qu’il s’agissait d’une organisation menée par des jeunes qui a porté ces actions.

La solidarité dont fait preuve la jeunesse d’Europe est très importante pour celle de Biélorussie qui résiste au régime. Nous espérons beaucoup que le 14 octobre, lorsque nous organiserons la Marche Européenne à Minsk, les JEF continueront leur action de soutien à la future Biélorussie libre et européenne.

JEF-Europe : Quelle est la situation politique là-bas ? L’opposition est-elle toujours aussi forte et unie ? Quelle est l’ampleur du soutien accordé à Lukashenka de la part du peuple ? Et comment expliqueriez-vous sa popularité alors qu’il n’est même pas membre d’un parti politique ?

Alexander Milinkevich : La situation en Biélorussie a profondément changé depuis la campagne électorale de 2006. Le régime perd de son autorité ; le nombre de ses opposants grossit. Beaucoup de gens ont surpassé leur peur et sont prêts à agir davantage. Ils ont fait la preuve de leur capacité à s’organiser. Nous avons bâti le système de solidarité avec les gens opprimés. La foi dans la stabilité du régime a été ébranlée parmi ses adeptes et bureaucrates. La communauté internationale a vu une nouvelle image de la Biélorussie et de ses forces démocratiques. Aujourd’hui, personne dans les capitales européennes ne se pose plus la question de savoir si les Biélorusses veulent vraiment la liberté et l’indépendance. L’opposition a traversé une période de transformation. Nous avons renouvelé les générations. De nouveaux militants et dirigeants sont propulsés sur le devant de la scène.

Ces dernières années, les organes de l’opposition ont souvent échoué à gagner la confiance des tous les citoyens qui n’étaient pas d’accord avec les politiques autoritaires et à fédérer les pro-démocrates de Biélorussie au sein d’actions communes. Le Mouvement pour la Liberté, que j’ai créé, vise à consolider le côté démocratique de la société civile. Notre rôle est de créer des communautés de citoyens libres et coopératifs à travers tout le pays. On verra bientôt à quoi l’opposition biélorusse ressemblera.

Récemment, la pression sur la société démocratique et sur ses militants s’est accrue. Plus le régime rencontrera de problèmes, plus la répression se fera ressentir.

Malheureusement, Lukashenka est encore relativement populaire aux yeux d’une partie significative de mon peuple, grâce à son populisme et à sa propagande. Il essaie de conserver une image de « bon père du petit peuple ». L’Etat contrôle les médias pour qu’ils montrent un Lukashenka seul homme politique de Biélorussie. Le rôle d’un dirigeant de parti ne correspond pas à l’image de Lukashenka. Même si un parti pro-Lukashenka est créé, il deviendra le « parti du pouvoir » typique, entièrement contrôlé par un dictateur qui n’hésitera pas à manipuler les élections.

JEF-Europe : Et pour terminer sur une note optimiste : pour quand pensez-vous à l’avènement d’une Biélorussie libre et démocratique ?

Alexander Milinkevich : La situation en Biélorussie change très vite. Une nouvelle génération émerge. C’est la génération qui ne se souvient pas de l’époque soviétique et qui a grandi sans trop de préjugés sur le communisme. Cette génération veut plus de liberté, liberté de pensée et d’expression. Les règles autocratiques du régime actuel ne rencontrent pas de tels idéaux. Cette génération demande quelque chose de plus que la simple « stabilité ». Ainsi, je suis optimiste. Je crois que la Biélorussie rejoindra bientôt la famille des nations européennes libres.

Cette publication a déjà été publiée à la mi-novembre 2007. L’interview avait été réalisée le 6 juillet 2007, pendant la visite de Milinkevich au Conseil de l’Europe à Strasbourg.

Photographie (de gauche à droite) : Inna Kuley, Alexander Milinkevich, Kate Matcov, Jan Seifert (cc) JEF-Europe

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