Après l’euro : faire converger les économies et les modèles sociaux

, par Jonathan Leveugle

Après l'euro : faire converger les économies et les modèles sociaux

Dans le cadre d’un forum organisé à Bruxelles le 25 mars dernier, le groupe Spinelli s’est penché sur les grands défis européens. La crise de la zone euro a pointé du doigt les disparités économiques importantes entre les 17 Etats et la nécessité d’aller vers une plus grande convergence. C’est autour de cette question que ce sont réunis Daniel Cohn-Bendit, Guy Verhofsddat, Roberto Gualtieri et Paul de Grauwe.

A cause de la crise de la zone euro on a tendance à mettre de côté le contenu social des politiques économiques. Les marchés financiers ont obtenu un tel pouvoir sur les pays du sud, qu’ils peuvent les pousser vers la faillite. Le Portugal et l’Espagne n’ont pas le choix de détricoter leurs systèmes sociaux.

Avant d’avoir l’euro, les pays dévaluaient régulièrement leur monnaie. Entraînant par là une perte de pouvoir d’achat de tous les citoyens. Avec l’euro, ce n’est plus possible, ce qui pousse les Etats à se réformer. Mais pour que cela soit efficace, il faut que ce soit au travers d’une politique européenne coordonnée. C’est le seul moyen d’éviter une compétition entre Etats entraînant une politique anti-sociale.

En effet, le gouvernement espagnol n’a plus le contrôle de sa dette. Ce qui a pour conséquence de pousser les marchés financiers à spéculer contre la dette espagnole. On a donc besoin, au sein de la zone euro, d’une véritable politique commune. La dévaluation règle certains problèmes mais en crée beaucoup d’autres. Ne pouvant plus dévaluer, les Etats sont obligés faire de la dévaluation interne. Ce qui entraine de nombreux politiques sociaux.

De la nécessité d’avoir un budget européen

Chaque union monétaire doit avoir une base commune avec une véritable autorité étatique. Au Japon, la dette est de 213 % du PIB et ils ne payent pourtant que 1,25% de taux d’intérêt sur 10 ans. Les Japonais peuvent le faire car ils ont un Etat puissant. Dans la zone euro, il n’y a pas d’Etat. Les Etats nationaux sont donc obligés d’avoir une discipline de fer pour faire face à leur dette.

En l’absence de budget européen conséquent comme aux Etats-Unis, nous avons besoin de politiques économiques convergentes d’un point de vue fiscal et budgétaire. Pour cela nous devons avoir des critères de convergence sous le contrôle du Parlement européen.

Nous n’avons pas besoin de convergence sociale dans la zone euro pour sortir de la crise. Ce sont deux problèmes différents. En revanche, d’un point de vue fiscal cette convergence est plus nécessaire. Certains pays, disposant d’une fiscalité attrayante, comme l’Irlande, ont connu une croissance économique incontrôlable, à l’origine de la déstabilisation de leur économie.

Aux Etats-Unis, le fait que le budget fédéral soit important entraine une redistribution importante entre les Etats. Au vu du budget de l’UE, cela est irréalisable. Il y a néanmoins des choses qui peuvent être faites. Nous pouvons réaliser la mutualisation partielle des dettes. De plus, nous pouvons mettre en place un système d’assurance entre les Etats. Cela revient à dire que nous mettrions en place un fond où les Etats ayant une croissance forte redistribueraient aux Etats ayant une faible croissance.

Avec un budget européen, nous pourrons mettre en place une armée européenne. Nous avons actuellement 27 budgets de défense nationaux, ce qui fait que nous gaspillons de nombreux milliards. En effet, nous n’avons même pas 10% des capacités militaires des américains.

Pour que le budget européen augmente, il faut qu’il dispose de ressources propres. Nous l’avons vu lors des dernières négociations sur le budget, les Etats ne discutent pas du budget européen, ils ne veulent qu’une seule chose, c’est réduire leur contribution au budget de l’UE.

A cela s’ajoute le problème que le prochain Parlement européen n’aura pas été consulté sur le montant du budget. C’est pourquoi nous demandons que dans deux ans, le PE puisse avoir son mot à dire sur le budget. S’il refuse le budget voté, de nouvelles discussions devront avoir lieu.

De la nécessité de coordonner les politiques économiques

Aujourd’hui chaque pays mène sa propre politique industrielle. Il y a pourtant de nombreuses externalités témoignant de la nécessité d’avancer ensemble. Arcelor Mittal, par exemple, enlève ses usines une à une dans les pays européens. Sans politique industrielle européenne, nous assistons au démantelage de la sidérurgie européenne comme celle de l’automobile.

L’Europe a besoin d’une industrie, elle ne peut se contenter d’une économie de services.

La mobilité future dans les villes se fera grâce au tramway. Pourquoi l’UE ne décide-t-elle pas de soutenir un consortium européen ? Au vu de la modernisation nécessaire dans certains pays d’Europe centrale et Orientale et de la politique actuelle des transports dans beaucoup d’Etats européens, cela serait nécessaire. La Commission européenne annule certaines fusions d’entreprises empêchant l’émergence de véritables leaders industriels. Cette politique est contre-productive et empêche l’émergence de leaders européens.

L’Europe est nécessaire pour résoudre un certains nombres de problèmes dans la mondialisation dans laquelle nous vivons. A Copenhague, ce sont les Etats-Unis, la Chine et l’Inde qui ont décidé de la politique climatique. L’Europe en était absente.

Le sens de ce forum était de définir un sens à l’UE de demain. Les prochaines élections seront l’occasion d’un combat très dur avec les eurosceptiques. Les Spinellistes doivent se rassembler pour rafraîchir le rêve européen. Sinon nous serons submergés par les populistes avec leur « il n’y a qu’à » : « Il n’y a qu’à sortir de l’UE et tout ira bien, il n’y a qu’à sortir de l’euro et tout ira bien… »

Nous avons besoin de redéfinir le rêve européen.

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Vos commentaires
  • Le 5 avril 2013 à 22:27, par Xavier C. En réponse à : Après l’euro : faire converger les économies et les modèles sociaux

    Les pays scandinaves ont mis de l’ordre dans leur budget sans abandonner leur généreux modèle social. Ils ont su mener des politiques libérales (flexibilité du marché du travail, privatisations de services publics, décentralisation), tout en maintenant un fort niveau de redistribution. Et regardez dans quel état ces pays étaient dans les années 80-90. Idem pour la Nouvelle-Zélande, qui a été encore plus loin.

    Pour que les taux d’intérêt baissent comme ceux du Japon, cela supposerait que l’État européen prenne en charge les dettes des actuels États souverains. Ces pays ne se sont pas endettés pour l’Europe, ni pour un projet commun, mais pour eux-même. Il n’y a pas de raison que leurs dettes soient assumées par leurs voisins.

    De plus, si le taux d’intérêt est élevé, c’est que le créancier rémunère un risque, c’est qu’il a évalué celui-ci et qu’il l’assume. Pourquoi le contribuable européen devrait-il assumer ce risque ? Pourquoi ?

    Pour info, les USA ne remboursent pas la dette de la Californie. Ce sont les Californiens qui se débrouillent. La Californie (8ème puissance mondiale) pèse bien plus que la Grèce.

    Aux USA il y a une grande diversité fiscale : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/69/19237_TaxFoundation_v2.gif

    +1 pour la défense. Et n’oublions pas les représentations diplomatiques. Cela confine au ridicule d’avoir 27 représentations dans certaines villes...

    Ca consiste en quoi une « politique industrielle » ? Quelle serait la solution pour maintenir l’industrie automobile ?
     L’Europe se caractérise par ses politiques anti-auto (à tort ou à raison), favorisant les transports collectifs, les petits trajets, etc. Peut-on s’étonner dès lors que les ventes d’auto ne progressent pas ?
     On ne cesse d’imposer des normes environnementales et autres (à tort ou à raison), peut-on s’étonner que les industries décampent ?
     On fait la guerre au nucléaire et on refuse les gaz de schiste (là encore à tort ou à raison). Peut-on s’étonner que nos industries énergivores se développent aux US où on assiste à une prodigieuse chute des prix de l’énergie, alimentant le renouveau industriel du pays ?
     On ne cesse de vouloir des normes de qualité du travail élevés, pleins d’avantages sociaux et de protections en tout genre. Peut-on s’étonner du dynamisme des marchés étrangers versus la léthargie presque généralisée en Europe ?

    A l’opposé, on constate que les États qui se sont bornés à fournir aux acteurs économiques un cadre stable (fiscal, légal), où la propriété privée est défendue (ce qui est de moins en moins le cas en Europe), ce sont ceux qui ont vu leur sort s’améliorer. Et pas seulement économiquement, mais également environnementalement et socialement sur le long terme.

    Parce qu’on peut faire confiance en la société civile, vous savez, celle qui ne siège pas, celle qui n’est pas experte, celle qui n’a d’autre prétention que de savoir ce dont elle a besoin.

  • Le 7 avril 2013 à 14:32, par Bernard Giroud En réponse à : Après l’euro : faire converger les économies et les modèles sociaux

    "Nous n’avons pas besoin de convergence sociale dans la zone euro pour sortir de la crise. Les États ayant une croissance forte redistribueraient aux États ayant une faible croissance. Pourquoi l’UE ne décide-t-elle pas de soutenir un consortium européen ?"

    Affirmation bien péremptoire ;

    Souhait bien peu étayé ;

    Interrogation sans réponse.

    Que veut-on dans cette juxtaposition d’états, qui n’est pour l’instant qu’une zone facilité de libre échange ? Le tout et son contraire, en plus du mensonge ; A moins que ce ne soit la débrouille, le chacun pour son compte, le plus malin qui mangera l’autre ? Il faut vous réveiller les gars, sinon les circonstances vont s’en charger !

    Exemple : Dans l’agroalimentaire, la politique dévastatrice de grandes enseignes de distribution allemandes. En contraignant leurs fournisseurs à payer des emplois 3 ou 4€ de l’heure, elles garantissent des marges qui permettent des implantations qui sans cela leur seraient impensables chez des concurrents meilleurs qu’eux, en France.

    Donc, Madame Merkel, peut-on encore longtemps travailler ainsi, ensemble, ou faudra-t-il que l’on renvoie les camions frigo chez vous par la force, comme cela c’est passé auparavant, en d’autres circonstances ?

    voir les (montants compensatoires monétaires)

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