Carton rouge à Libertas, et paix à son âme

, par Inglorious Bulls, Waël Salem

Carton rouge à Libertas, et paix à son âme

C’est avec grand plaisir que nous, les Inglorious Bulls, nous attaquons aujourd’hui à Libertas, chantre de l’euroscepticisme dont les leaders rivalisent de mauvaise foi, de démagogie et de populisme lorsque vient le temps de critiquer l’Union européenne. Attention, entendons-nous bien : cela ne saurait signifier que nous nous contentons d’une satisfaction béate et niaise face à l’Union, ne souffrant aucune critique à son endroit. Nous ne sommes pas les derniers à fustiger ses instances ou ses politiques lorsque nous le jugeons nécessaire...

Mais Libertas ne s’encombre pas des gardes-fou nécessaires à tout débat un tant soit peu sain et constructif, et le groupe s’est à plusieurs reprises distingué par la bassesse et la médiocrité de ses attaques, n’hésitant pas à verser allègrement dans le mensonge, voire la calomnie. Nous ne sommes pas contre le débat, au contraire nous le pensons comme vital à notre démocratie européenne, néanmoins lorsque nous nous appliquons à répliquer à ceux qui ne partagent pas nos vues, nous le faisons toujours dans le respect le plus total des personnes et des opinions, via un argumentaire solide illustré par des faits vérifiés et vérifiables par tous. Or, en l’espèce, nous sommes confrontés à un vrai-faux parti dont la conception du « débat » ne s’embarrasse guère de telles considérations éthiques et morales, aussi nous avons la ferme intention de ne faire aucun cadeau à Libertas, tout en veillant à ne jamais dépasser les limites que nous nous sommes toujours fixés. Question d’éducation.

L’histoire du parti qui désirait s’imposer comme la voix des eurosceptiques au Parlement européen

Les origines de Libertas se trouvent en Irlande : fondé le 30 octobre 2008 par M. Ganley, homme d’affaire irlandais et entrepreneur de talent, ce groupe de pression (ou lobby) a tardé à être reconnu comme un parti européen à part entière par les instances européennes, et il lui faudra attendre février 2009 pour devenir un véritable parti politique européen, avant de perdre quelques jours plus tard son tout nouveau statut avec le départ de plusieurs membres du groupe, ramenant le nombre d’Etats représentés au sein de Libertas à moins de 7, la limite légale d’un parti européen.

Libertas a donc été mis au monde dans la douleur, et demeure un objet politique fort mal identifié, une structure bâtarde à mi-chemin entre le lobby et le parti, ce qui n’aide pas vraiment à cerner une ligne politique intelligible. D’ailleurs, seule son opposition face au traité de Lisbonne ne souffre d’aucune ambiguïté, et l’on pourrait presque parler de ligue, tant Libertas semble obnubilé par ce traité, quitte à délaisser les autres aspects de la vie européenne. Or, cela pose un problème de taille : un parti digne de ce nom se doit de traiter la société dans son intégralité en proposant un projet qui englobe l’Union européenne et l’ensemble de ses problématiques. En effet, un parti représenté au Parlement est amené à se prononcer sur une multitude de sujets pouvant avoir un impact sur la vie quotidienne des citoyens que nous sommes, et Libertas nourrissait de telles aspirations tout en se contentant d’une seule ligne politique véritablement claire : son opposition au traité de Lisbonne...

Toujours est-il que Libertas remporta son premier fait d’arme sur ses terres natales, en menant une campagne virulente pour le non au premier référendum portant sur la ratification du traité de Lisbonne par l’Irlande en 2008. Campagne qui se révéla efficace puisque le non triompha, bloquant un peu plus une Union européenne déjà bien embourbée et faisant de Libertas l’une des entités eurosceptiques les plus puissantes de l’époque... Mais force est de constater que la victoire du non dépend autant de la vigueur des nonistes, Libertas en tête, que de la mollesse des défenseurs du oui. Il arrive parfois que la frontière entre alliés et ennemis soit très ténue... C’est alors que Libertas, enhardi par sa victoire irlandaise, s’engagea dans ce qui allait devenir l’une des illustrations les plus retentissantes de l’échec en politique : les élections législatives de 2009. Chapeau bas à Libertas.

Une ligne politique pour le moins contestable

L’échec de Libertas est d’autant plus grand que ses ambitions étaient grandiloquentes, car le presque parti revendiquait pas moins d’une centaine de sièges au Parlement européen, et Libertas avait bien l’intention d’y mettre le prix : de l’ordre de 30 millions d’euros engloutis dans une campagne aussi ambitieuse dans les moyens mis en oeuvre que dans ses objectifs. Ainsi, en plus du militantisme traditionnel, nous avons eu droit à une campagne virale sur Internet plutôt bien relayée, avec entre autres quelques détournements de films assez bien réalisés, avouons-le, même si le contenu s’accommodait plutôt bien de quelques raccourcis démagogiques et autres caricatures à la limite de l’honnêteté intellectuelle. On notera pour l’anecdote que, dans la vidéo tirée de Star Wars, la pauvre petite productrice de fromages de chèvre malmenée par le « Grand Abstrait » (charmante allégorie de l’Union) a pour avocat... Palpatine. Retrouver de la sorte le discours de Libertas dans la bouche de celui qui deviendra, dans le film, l’empereur sith maléfique, ne laissait rien augurer de bon pour l’Union. Ni pour Libertas d’ailleurs... On en rit encore...

Toutefois, Libertas ne se contenta pas de quelques vidéos un peu « borderline » et nous pûmes apprécier toute la mesure de son fair-play politique par le biais des déclarations de plusieurs de ses responsables, et en premier lieu M. de Villiers. Celui-ci s’est ainsi fendu d’attaques très en dessous de la ceinture parfaitement diffamatoires. On citera son coup de gueule en règle contre le personnel politique européen qui, tout le monde le sait, s’en met plein les poches via l’exploitation fallacieuse d’un pseudo scandale à propos d’une prétendue piscine avec toboggan et mousse de 9,6 millions d’euros réservée aux parlementaires et payée sur le dos du contribuable. Il s’agissait en réalité d’un projet de rénovation des installations sportives du Parlement ouvert à l’ensemble du personnel des instances européennes et non aux élus seuls. Un projet qui n’était pas encore voté et dont le prix s’élevait à 5,6 millions d’euros en réalité, soit presque deux fois moins que le coût avancé par Libertas via M. de Villiers. Notons enfin que la moitié des bénéfices générés par ces installations iront à l’Union, si le projet est validé.

La version de Libertas est donc assez éloignée de la vérité, et on peut parler de mensonge éhonté destiné à discréditer ceux qui occupaient les sièges parlementaires tant enviés. Mieux, histoire de faire peur aux travailleurs français et d’exploiter leurs angoisses, M. de Villiers soutenait sur BFM TV qu’un camionneur bulgare travaillant en France mangeait 2 fois par semaine et roulait 20 heures sur 24. Un bel exemple de politique de caniveau reposant sur un populisme de bas étage et saupoudré d’une pincée de xénophobie et de désinformation. Pour être honnêtes, nous ne sommes pas très friands de la cuisine politicienne de Libertas : elle nous donne la nausée... D’ailleurs, voir M. de Villiers rejoindre les rangs de la majorité présidentielle en France, qui est censée être pro-européenne, nous laisse perplexes...

Un échec magistral, peut-être même fatal

Cependant, malgré une campagne très agressive, ou peut-être grâce à elle, Libertas connu un véritable camouflet électoral, avec un seul siège remporté par l’inénarrable M. de Villiers, sur les cent escomptés au départ. Un véritable bide bien parti pour devenir un cas d’école, et nous nous en félicitons. Dans la foulée de l’annonce de l’immense défaite de son pseudo parti, M. Ganley annonça son retour à la vie civile et la fin de son engagement politique, promettant qu’il resterait à l’écart du second référendum irlandais. Mais même là, il ne sut rester digne dans la défaite et revint à la charge quelques mois plus tard en apportant son soutien aux opposants au référendum, avec le succès que l’on connaît... Autre humiliation : Libertas est aujourd’hui dans une situation financière catastrophique, le non-remboursement de ses frais de campagne découlant directement de son cuisant échec, et ses cadres se voient contraints de faire la manche en sollicitant l’obole chez ceux qui les ont soutenus par le passé. Pas sûr qu’ils aient pitié avec l’ECR qui leur fait de l’oeil...

Car Libertas est aujourd’hui confronté à un concurrent direct : l’ECR de M. Cameron qui a bien l’intention de s’imposer comme la principale faction eurosceptique au Parlement, et qui semble réussir son pari puisqu’il dispose d’un véritable groupe parlementaire, un groupe fragile et sans vice-président, certes, mais un groupe quand même, face à un unique député étiqueté Libertas ! Humiliation suprême que de s’être fait coiffer au poteau par un rival de dernière minute... Libertas semble aujourd’hui bien mal en point, et nous conseillons à ses cadres d’achever la bête mourante qu’est devenu leur parti. En effet : l’ECR occupe les devants de la scène eurosceptique, l’unique député de Libertas se rapproche lentement mais sûrement de la droite europhile traditionnelle, les caisses sont vides ou presque et, dernière déconfiture, et de taille celle-là, le peuple irlandais a dit oui à la nouvelle version du traité de Lisbonne, ôtant par là même à Libertas son unique victoire, son unique fierté.

Espérons que l’histoire tragique de Libertas serve de funeste présage à ceux qui espèrent capitaliser sur les peurs citoyennes pour véhiculer leur haine de l’Europe. Si ce n’est pas le cas, nous nous chargerons de leur conter cette épopée formidable autant de fois que nécessaire, car cette petite fable nous fait toujours grand plaisir et nous donne le sourire en toute circonstance.

Illustration : photographie d’une pierre tombale. Source : Flickr

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