Le Taurillon : Après l’échec de Copenhague il y a un an, le Sommet de Cancun n’enthousiasme pas vraiment. Y a-t-il des raisons d’espérer ?
Catherine Soullie : Si cette conférence des parties attire moins l’attention, c’est tout simplement parce que le contexte est différent. Il ne s’agit pas d’un sommet de l’ONU et aucun chef d’Etat n’est présent. Justement, nous sommes là pour préparer un accord entre les gouvernements qui se réuniront à Johannesburg en 2011. L’avantage, c’est que la faible pression populaire et médiatique est facteur d’efficacité dans les négociations. On a d’ailleurs pu le constater dès la première semaine, pendant laquelle le travail a été beaucoup plus serein qu’à Copenhague, où je m’étais également rendue.
Les pays de l’UE se sont distingués il y a un an par leur ambition pour l’environnement, mais aussi par leur incapacité à s’entendre et à peser sur les négociations face aux premiers pollueurs, Chine et Etats-Unis. Ce scénario ne risque-t-il pas de se reproduire ?
Catherine Soullie : Je ne le pense pas. Cette fois-ci, la Commission, le Parlement européen et les Etats membres se sont mis d’accord dès le départ sur ce qu’ils voulaient pour l’environnement en tant qu’Européens. Que ce soit sur les objectifs ou sur les conditions. Il n’est pas question que nous portions seuls la responsabilité de la lutte contre le changement climatique. Nous devons au contraire impliquer nos partenaires, en particulier les Etats-Unis et la Chine, qui comme vous l’avez souligné comptent parmi les plus gros pollueurs au monde. Espérons maintenant que les chefs d’Etat poursuivront dans la même lignée à Johannesburg.
Que pensez-vous de la résolution commune du Parlement européen proposant une voie de négociation pour Cancun, adoptée à quelques voix près seulement le 25 novembre à Strasbourg ?
Catherine Soullie : Cette résolution ne me semble pas aller dans la bonne direction. L’absence de conditionnalité associée à l’objectif de réduction de 30% de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020 est complètement aberrante. Nos efforts en vue de réaliser cet objectif doivent au contraire tenir compte à la fois de la conjoncture économique et de la participation des autres pays. Avec mon groupe, j’ai donc voté contre ce texte.
Que penser du rejet par les pays africains d’une déclaration commune avec l’UE sur le changement climatique ?
Catherine Soullie : Ce qu’il faut bien voir ici, c’est que les pays africains ont des impératifs de développement politiques, économiques et sociétaux que nous n’avons plus. Une déclaration incluant l’Afrique aurait constitué un signal fort, mais il aurait été irréaliste pour elle de s’accommoder des mêmes objectifs que nous. Je crois plutôt que nous avons besoin de mécanismes internationaux capables d’encourager et d’aider ces pays à se développer « proprement ».
Quelle est pour vous la première urgence environnementale devant faire l’objet d’un point d’ accord international ?
Catherine Soullie : Difficile de n’en choisir qu’une... La première serait de maintenir l’accord sur les REDD+, achevé dans le cadre de l’ONU. Sous cet acronyme anglais se cachent les programmes de réduction des émissions provenant de la déforestation et de la dégradation des forêts. Grâce à eux, nous pourrions empêcher la libération des gaz contenus dans ces arbres, préservant par là-même leur rôle d’absorption du CO2. Les atteintes aux forêts sont tout de même à l’origine de 20% des émissions de gaz à effet de serre !
Ensuite, j’ai envie de vous parler de la nécessité de revoir le fonctionnement des mécanismes de développement propre, dont l’utilisation a progressivement été corrompue. Au début, ces mécanismes visaient à promouvoir les initiatives industrielles propres dans les pays en développement. Or on s’aperçoit aujourd’hui que de nombreuses usines très polluantes, rejetant des gaz tels que le très toxique HFC23, sont construites grâce à ce système. Nous devons d’ailleurs absolument intégrer la question du stockage du carbone dans les mécanismes de développement propre. Pour finir, je tiens à exprimer tout mon soutien au Fonds mondial de reboisement et d’adaptation au changement climatique récemment proposé par la France.
Le Taurillon : Comment voyez-vous votre rôle d’eurodéputé à Cancun ?
Catherine Soullie : Sachez tout d’abord qu’à Cancun, les députés européens n’ont pas accès au fond des négociations. Malgré tout, notre présence ici est à mon avis essentielle. Cette situation nous permet de travailler les sujets plus en profondeur, notamment en rencontrant nos homologues au sein des différents pays présents. En tant que membres d’une institution communautaire, nous soutenons également la Commission européenne lorsqu’elle exprime la voix de l’UE dans les discussions. Surtout, il est important que les personnes représentant les citoyens européens assistent aux conférences de cette envergure, en plus des ONG. D’autant que les mécanismes internationaux destinés à lutter contre le changement climatique sont largement financés par l’argent des contribuables. Enfin, un député européen ne saurait saisir tout l’enjeu et la complexité d’une COP en restant à Bruxelles. Vous voyez, nous n’hésitons pas à mettre la main à la pâte !
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