Commission Barroso II : le coup de gueule de Daniel Cohn-Bendit ne réveille pas l’information européenne

, par Fabien Cazenave

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Commission Barroso II : le coup de gueule de Daniel Cohn-Bendit ne réveille pas l'information européenne

La Commission Barroso II a reçu l’investiture officielle des eurodéputés. Après six mois de procédure, le collège a été approuvé par 488 votes pour, 137 votes contre et 72 abstentions. La séance a été marquée notamment par le coup de gueule de Daniel Cohn-Bendit.

José Manuel Barroso doit avoir le sourire : sa Commission européenne a été mieux élue que la précédente en 2004. En effet, il a eu plus de votes pour (488 contre 413, soit 70,01% contre 58,33%) et beaucoup moins de votes contre (137 contre 251, soit 19,66% contre 35,45%). Pour rappel, l’élection de M. Barroso le 16 septembre dernier avait été beaucoup plus serrée : 382 vote pour contre 219 (soit 53,2% contre 30,5%).

Ce qui est assez marquant, c’est que les trois grands groupes se sont accordés pour voter ensemble en faveur de la Commission proposée. Le PPE (la droite), S&D (la gauche) et l’ADLE (le centre) ont voté de concert. Les souverainistes se sont abstenus. Seuls les Verts, l’extrême-gauche et l’extrême-droite ont voté contre. C’est dire combien ils pèsent aujourd’hui au Parlement européen.

Daniel Cohn-Bendit : le bal des hypocrites ?

Le chef de file des Verts au niveau européen a fait un discours qui a marqué à l’occasion de cette investiture. Il a dénoncé « le bal des hypocrites », notamment le groupe S&D et le groupe ADLE qu’il accuse pour le premier de viser la présidence du Parlement (dans un accord de polichinelle avec le PPE) et le second de ne pas voter contre ses membres qui sont Commissaires auprès de M. Barroso. Il est à noter que les socialistes français et les modem ont voté contre leur groupe, en accord avec leurs engagements de campagne. Ils ne doivent pas peser assez au sein de leur groupe.


Dany Cohn-Bendit-Investiture de la Commission Barroso II
envoyé par EurodeputesEE. - L’info video en direct.

A-t-il raison ? Oui et non. Comme d’habitude, la réalité est complexe.

Oui, nous voudrions que cela soit plus clair. Oui, nous voudrions une Commission politisée et qui soit le reflet du choix démocratique des citoyens pour mieux comprendre les futures décisions. Après tout, si les citoyens votent en majorité à droite, c’est à droite que doit se gouverner l’Union européenne alors. Oui, nous aimerions qu’on arrête de voir des socialistes faire campagne contre Barroso pendant les élections européennes pour finalement le soutenir au moment de la validation de « son » équipe.

Non, Daniel Cohn-Bendit a tort de jouer à la vierge effarouchée alors que son groupe est le seul qui soit important au Parlement européen sans avoir de Commissaire dans cette Commission (avouons que c’est quand même bien plus facile dans ce cas-là). Non, dans la construction actuelle, même avec le traité de Lisbonne, les Commissaires sont choisis par les États et le Parlement européen n’est pas assez fort pour réussir à faire front face au Conseil européen qui lui demandera des comptes si la Commission n’était pas validée. Non, ce n’est pas la faute de Barroso si Catherine Ashton ne semble pas être la personne qu’il nous faudrait au poste de Haute-Représentante aux Affaires étrangères. Non, ce n’est pas la faute des Commissaires si Barroso n’a pas su faire preuve de panache même si sa Commission n’était pas encore validée alors que les affaires européennes ne se sont pas arrêtées pour autant (Grèce, etc).

Alors panache vert (teintée de fédéralisme ?), stratégie de groupe mobilisatrice tout en étant clivante dans un parlement trop complaisant, voilà ce qu’on retiendra de la sortie du leader des écologistes. Cela fera date et touchera quelques consciences, espérons-le !

Était-ce un évènement ? Les médias français disent non...

La vidéo de Daniel-Cohn Bendit a fait parler sur la toile, mais seulement ceux qui étaient concernés par les affaires européennes. Le tonitruant « TA GUEULE ! » lancé à M. Schultz, le président du groupe S&D, aurait pu faire le buzz. Mais voilà rien. Lorsqu’on s’amuse à regarder les home-page des grands sites d’informations français le jour du vote à 19h30 et le lendemain à 11h, c’est terrifiant de manque d’informations.

Alors non-évènement ? Les médias avaient tout pour mettre en avant l’Europe :
 l’information institutionnelle claire,
 le coup de gueule,
 des images « en français » ou traduites directement via la chaine du Parlement européen,
 des explications à donner sur le vote des socialistes français et modem qui ont voté contre la Commission Barroso II et donc contre leur groupe

Et après on s’étonne qu’on ne connaisse pas les députés européens... Pourtant, il y avait des articles, pour la plupart des reprises de dépêches AFP ou Reuters, mais pas en première page. Or l’un des enjeux de l’information sur internet est sa hiérarchisation.

En revanche, nous aurons des reportages en Une du Conseil européen puisque le président français y sera. Enfin, nous saurons ce que la conférence de presse de Nicolas Sarkozy nous dira. Il est très difficile pour des journalistes de savoir ce qu’il se passe réellement lors d’un Conseil européen, sans compter le fait que toutes les conférences de presse des dirigeants ont lieu en même temps...

Aux citoyens donc de demander l’information car les actes de la Commission Barroso II risquent de ne pas être beaucoup plus suivis que son investiture dans nos médias. Aux parlementaires européens aussi de nous faciliter la tâche en créant de véritables groupes politiques qui rendent les votes plus claires, même si comme aux États-Unis la discipline de groupe n’est pas respectée. Le Parlement européen y gagnera en lisibilité et donc en liens avec les citoyens qu’il représente au sein des institutions européennes.

Illustration : photo de famille de la nouvelle Commission Barroso pour la période 2009-2014 issue du site de la Commission européenne.

Vos commentaires
  • Le 11 février 2010 à 13:56, par Valéry-Xavier Lentz En réponse à : Commission Barroso II : le coup de gueule de Daniel Cohn-Bendit ne réveille pas l’information européenne

    Du beau Cohn-Bendit en effet. Il est satisfaisant que les élus français de l’opposition démocratique (Socialistes, Écologistes et Démocrates) aient tenus leurs promesses de campagne. Dommage en revanche que le PSE n’ait pas eu d’attitude plus revendicative.

    Certes ce n’est pas Barroso qui nomme les commissaires (même si le nouveau traité lui donne plus de marge de manoeuvre si mes souvenirs sont bons, il aurait pu tenter de se faire entendre s’il avait souhaité peser) ; il n’est en particulier responsable de Mme Ashton mais l’intérêt d’avoir celle-ci au sein de la Commission c’est aussi de permettre à nos élus de contrôler son action (là où ils n’en ont pas, ce qui est normal, sur le président du Conseil européen). Cette nomination est assez contestable pour qu’il eut été légitime de la contester notamment via ce vote.

  • Le 11 février 2010 à 13:57, par Cédric En réponse à : Commission Barroso II : le coup de gueule de Daniel Cohn-Bendit ne réveille pas l’information européenne

    Très bonne analyse.

    Tout était là pour une médiatisation facile de l’événement... mais où était l’enjeu ? Comme le dit si bien J4M, le suspens était insoutenable. Et l’opposition caricaturale et surjouée de DCB était à l’image de la caricature de vote d’investiture à laquelle on a assisté -car les 488 « ouiistes » ne sont pas convaincus par Barroso II, et le disent (Spiegel, Gazeta, El Pais).

    Pendant ce temps se tient un Conseil européen qui passionne réellement l’Europe. Et, contrairement à ce que vous annoncez, Van Rompuy ne se laisse pas éclipser par les dirigeants nationaux. Les capitales nationales veulent lui donner du champ. A ce stade, les média le montrent, le citent, l’affichent bien plus que Sarko (on verra le JT de 20h…), car Van Rompuy n’hésite pas à faire des annonces fortes. Ce qui n’est pas le cas de Rosé Manouel qui appelle, avec sa propension habituelle aux lieux communs, « la zone euro à préserver sa stabilité ».

    La France a réussi : le président du Conseil européen devient le centre d’impulsion politique de l’UE, un vrai concurrent à Barroso, celui que les média identifient effectivement comme le Président de l’Europe. Est-on en train de préparer le terrain pour que le premier président élu de la Commission européenne, en 2014, soit cantonné à l’inauguration des chrysanthèmes ?

  • Le 11 février 2010 à 14:14, par Cédric En réponse à : Commission Barroso II : le coup de gueule de Daniel Cohn-Bendit ne réveille pas l’information européenne

    Barroso n’a pas juste « une marge de manoeuvre » pour influencer la formation de la Commission, il a un droit de véto sur ces nomination, y compris sur celle du HR/VP pour les affaires étrangères. Il a par ailleurs, en droit, une liberté quasi-intégrale dans l’attribution des portefeuilles, sous contrôle du PE. Tout cela était déjà en place avec Nice (hors HR bien sûr).

    Barroso aurait donc pu refuser Ashton et mettre Barnier au multilinguisme, s’il l’avait voulu.

  • Le 11 février 2010 à 14:44, par Cédric En réponse à : Commission Barroso II : le coup de gueule de Daniel Cohn-Bendit ne réveille pas l’information européenne

    La Commission n’est pas seulement le secrétariat du Conseil. Elle est aussi devenu le secrétariat du Président du Conseil européen.

    Un illustration : Déclaration de Van Rompuy "Tous les membres de la zone euro doivent mener des politiques nationales saines conformes aux règles agréées. Ils ont une responsabilité partagée pour la stabilité économique et financière dans la zone.

    Dans ce contexte, nous soutenons pleinement les efforts du gouvernement grec et son engagement pris aujourd’hui de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris l’adoption de mesures additionnelles, pour garantir que les objectifs ambitieux définis dans le programme de stabilité pour 2010 et les années suivantes soient atteints.

    Nous appelons le gouvernement à mettre en œuvre l’ensemble de ces mesures de façon rigoureuse et déterminée, afin de réduire effectivement le déficit budgétaire de 4 % [du PIB] en 2010.

    Nous invitons le conseil écofin à adopter lors de sa réunion du 16 février les recommandations à la Grèce sur base de la proposition de la Commission et des mesures additionnelles annoncées par la Grèce.

    La Commission surveillera étroitement la mise en œuvre de ces recommandations en liaison avec la BCE et proposera les mesures additionnelles nécessaires en s’appuyant sur l’expertise technique du Fonds monétaire international. Une première évaluation serait faite en mars. Les Etats-membres de la zone euro prendront des mesures déterminées et coordonnées, si nécessaire, pour préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble. Le gouvernement grec n’a demandé aucun soutien financier."

  • Le 11 février 2010 à 14:49, par Fabien Cazenave En réponse à : Commission Barroso II : le coup de gueule de Daniel Cohn-Bendit ne réveille pas l’information européenne

    Vous avez raison de souligner que les partis européens et donc les parlementaires en elur sein ne font pas ce qu’il faut pour non plus. mais au-delà de ce vrai problème, les médias ne font pas leur job non plus, de fait. Comment faire ? C’est le serpent qui se mord la queue.

    Pour Van Rompuy, je suis bien moins optimiste que vous. Il agit sur ce que les Etats veulent bien lui laisser comme marge de manoeuvre.

    C’est systémique, mais vous avez raison de souligner que la personnalité de nos deux présidents auront une influence certaine.

  • Le 11 février 2010 à 15:02, par Cédric En réponse à : Commission Barroso II : le coup de gueule de Daniel Cohn-Bendit ne réveille pas l’information européenne

    Justement, les Etats sont très heureux de laisser une marge de manoeuvre importante à Van Rompuy. En 2 mois, Van Rompuy en a fait plus que Barroso en 6 ans. Ce n’est pas un hasard ou une providence. C’est le fruit du mandat que Van Rompuy a reçu des Etats. La France notamment (l’administration française le dit ouvertement) pousse pour qu’il soit au coeur de l’agenda communautaire, à la place de la Commission.

    Attention, intergouvernementalisme ne veut pas forcément dire immobilisme. Dans le cas de Barroso, on est face à une logique intergouvernementale paralysatrice, car les Etats ont choisi Barroso pour ringardiser la Commission. Mais dans le cas de Van Rompuy, l’intergouvernementalisme est très actif et conquérant.

    Je ne suis pas optimiste, au contraire. Cette évolution me préoccupe car elle écarte de fait toute parlementarisation de l’Europe.

  • Le 11 février 2010 à 17:32, par Laurent Leylekian En réponse à : Commission Barroso II : le coup de gueule de Daniel Cohn-Bendit ne réveille pas l’information européenne

    pas forcément d’accord : on va vers un tandem PE - Conseil et la Commission trouve le rôle qui aurait dû être le sien depuis le début, celui d’un organe technique.

    C’est par horreur du vide - quand le PE n’avait pas les prérogatives qu’il a - que la Commission était devenue une source de souveraineté antidémocratique.

    Combien de fois ai-je vu des « desk officer » susurrer avec un petit sourire méprisant « ah oui ! les résolutions du parlement » en pensant tellement fort « cette bande d’irresponsables ! ».

    Espérons que la technocratie anonyme périsse !

  • Le 11 février 2010 à 22:36, par Cédric En réponse à : Commission Barroso II : le coup de gueule de Daniel Cohn-Bendit ne réveille pas l’information européenne

    Mais bien sûr.

    Sans la Commission, le Parlement n’est rien. La réciproque est tout aussi vraie.

  • Le 12 février 2010 à 22:36, par Européen En réponse à : Commission Barroso II : le coup de gueule de Daniel Cohn-Bendit ne réveille pas l’information européenne

    A ce propos, je constate que l’ex-candidate aux présidentielles françaises, Ségolène Royal exprime ses désirs fédéralistes à travers son site : http://www.desirsdavenir.org/segolene-royal/les-actualites/face-aux-attaques-speculatives-contre-leuro-et-la-grece-a-besoin-dun-m

    Cette déclaration non plus ne sera pas relatée par les médias je suppose. Aucun débat au sein de la population du coup.

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