Comme le traité de Lisbonne est entré en vigueur au cours de l’actuelle législature du Parlement européen, ces élus supplémentaires siègeront jusqu’à la fin du mandat de l’actuelle assemblée : en juin 2014.
Aussi des modalités concernant la désignation par les 12 États membres concernés des élus européens supplémentaires ont fait l’objet d’un Protocole adopté le 23 juin 2010 par une Conférence Intergouvernementale qui définit les mesures transitoires nécessaires.
Le Protocole permet aux 12 États membres concernés de choisir entre trois options : l’organisation d’élections spéciales au suffrage universel direct ; le recours aux résultats des élections européennes de juin 2009 ; la désignation par le Parlement national du nombre de députés requis.
En France, il est clair que le recours à l’organisation d’élections spéciales au suffrage universel direct – qui ne concernerait que les deux euro-circonscriptions concernées – ne serait pas une bonne idée car de fait l’élection ne se ferait pas à la proportionnelle. D’autre part, le recours à une élection au niveau national serait par ailleurs compliqué à organiser et viendrait chevaucher un agenda électoral chargé avec la préparation de l’élection présidentielle de 2012 et des élections législatives qui viendront ensuite.
Le 5 avril en première lecture, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi relatif à l’élection de ces deux députés européens supplémentaires en choisissant leur désignation en son sein. Cette désignation se ferait au scrutin de liste (4 candidats – 2 titulaires et 2 suppléants) à la représentation proportionnelle et à deux tours (l’élection au premier tour n’est acquise que si le nombre de votants est supérieur à la moitié du nombre de députés). Après cette désignation, les 2 élus cesseraient leur activité à l’Assemblée nationale pour aller siéger au Parlement européen.
Même s’il s’inscrit dans le cadre de l’une des options définies par le Protocole du 23 juin 2010 (encore que partiellement – voir plus bas), ce choix fait par la France (sous réserve de l’adoption définitive du texte) est contestable pour plusieurs raisons :
Le Protocole du 23 juin 2010 parle de la désignation par le Parlement national du nombre de députés requis. Hors, la France a un système bicaméral, avec 2 chambres : l’Assemblée nationale et le Sénat. De fait, pourquoi le projet de loi ne fait faire la désignation des deux députés européens supplémentaires que par la seule Assemblée nationale ?
L’élection des députés européens tous les 5 ans se fait à un seul tour de scrutin et ce quel que soit le taux de participation des électeurs. Il est tout de même surprenant que le projet de loi parle de 2 tours de scrutins, le second étant nécessaire si au premier tour le nombre de votants n’a pas atteint la moitié des Députés. Cela signifie que l’Assemblée Nationale estime que pour la désignation de ces 2 élus, il y aurait un risque d’absentéisme des électeurs, c’est-à-dire des Députés eux-mêmes ! Surprenante disposition qui acte l’absentéisme… des législateurs ; comment alors encourager le devoir civique des électeurs lorsque l’exemple n’est pas donné !
Depuis l’entrée en vigueur du traité de Maastricht, les citoyens européens qui résident dans un autre État membre que le leur ont la possibilité de voter et d’être candidats aux élections européennes. En France, par exemple, Ari Vatanen, citoyen Finlandais, avait été élu dans l’Eurocirconscription Sud-Est en 2004. Par contre les citoyens européens ne votent pas pour l’élection des députés et ne peuvent donc pas être candidats et être élus. De fait, le projet de loi n’est-il pas en contradiction avec les dispositions concernant l’exercice de la citoyenneté européenne en éliminant de fait la faculté donnée aux ressortissants européens inscrits sur les listes électorales complémentaires pour les élections européennes de pouvoir désigner mais aussi de se porter candidats à la désignation de ces deux députés européens supplémentaires ?
Pour toutes ces raisons, la France devrait opter pour l’option restante : le recours aux résultats des élections européennes de juin 2009.
Comment alors désigner les élus supplémentaires ?
En premier lieu il faudrait définir quelles sont les deux eurocirconscriptions qui obtiennent un député européen supplémentaire.
Ensuite, reprendre les résultats de juin 2009 dans ces deux eurocirconscriptions et appliquer simplement la règle de la proportionnelle afin de savoir quelle liste de candidats obtient le siège supplémentaire. Cela permettrait tout simplement de prendre réellement en compte le choix fait par les électeurs. Il est possible que ce soit une liste qui n’avait pas obtenu de l’élu qui obtienne le siège supplémentaire mais n’est ce pas le respect de la démocratie ?
1. Le 11 mai 2011 à 09:16, par Valéry-Xavier Lentz En réponse à : Contre le projet de loi de l’Assemblée nationale sur les modalités permettant la désignation de 2 Députés européens supplémentaires
Concrètement ne s’agit-il pas d’une manoeuvre pour faire élire un UMP et un PS là où potentiellement il y aurait pu avoir des élus Europe Ecologie ou autre ?
2. Le 11 mai 2011 à 09:44, par Aymeric L En réponse à : Contre le projet de loi de l’Assemblée nationale sur les modalités permettant la désignation de 2 Députés européens supplémentaires
Tout à fait d’accord, cette loi est une insulte à l’intelligence.
Ce débat sur des broutilles (18 députés sur 754) renforce l’idée d’une Europe inutile, et qui fait même la preuve qu’elle peut être antidémocratique dans son inutilité.
On pourrait comme vous le dites décider d’attribuer ces 2 sièges en fonction des résultats de 2009. Cela paraîtrait beaucoup plus logique.
Mais je suis partisan d’une autre option : laisser tomber tout bonnement ce débat sans objet, ne pas élire ces 18 députés supplémentaires, dont la contribution au parlementarisme européen ne valent pas 3 années d’atermoiement. Il y a plus urgent, non ?
3. Le 11 mai 2011 à 12:13, par Valéry-Xavier Lentz En réponse à : Contre le projet de loi de l’Assemblée nationale sur les modalités permettant la désignation de 2 Députés européens supplémentaires
@Aymeric L : tout à fait d’accord avec vous. Cette micro-affaire est le fruit du mode de négociation intergouvernemental des traités où la modification du nombre d’élus était un des aspects du marchandage. Du coup les diplomates ont voulus forcer sa mise en place sans attendre les prochaines élections ce qui aboutit à cette situation absurde (sachant notamment que on ajoute les nouveaux députés prévus dans le traité mais que l’on ne retire pas les députés là où le traité le prévoit). Un bricolage sans grand intérêt.
Toutefois dès lors que l’on a décidé de procéder à la création de ces mandats, c’est bel et bien le résultat des élections qu’il faut prendre en compte et non pas se livrer à des manipulations comme le fait le gouvernement UMP.
4. Le 11 mai 2011 à 12:40, par Aymeric L En réponse à : Contre le projet de loi de l’Assemblée nationale sur les modalités permettant la désignation de 2 Députés européens supplémentaires
En matière institutionnelle, la règle en vigueur est bien « nothing is over until it’s over ». On peut soit accepter ce débat et continuer à ergoter sur la forme et la couleur de ces 18 nouveaux députés, soit refuser ce débat inutile et demander au Parlement de ne pas voter cette loi et de ne pas ratifier la modification des traités qu’elle accompagne. Comme nous l’ont montré les nonistes, il suffit d’un non pour que le joli château de cartes s’écroule. En l’occurrence, je trouverais cela plus que justifié.
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