Copenhague : l’Europe sourde aux appels de la sirène ?

, par Elodie Marc

Copenhague : l'Europe sourde aux appels de la sirène ?

Du 18 au 22 janvier s’est tenue la première session parlementaire au Parlement européen après le Sommet de Copenhague. A la veille d’évoquer le sujet au sein de l’hémicycle européen, les deux eurodéputées Sandrine Bélier (Europe Ecologie) et Corine Lepage (ADLE) sont venues débattre en avant-première des perspectives européennes possibles pour peser davantage sur les enjeux climatiques.

Organisée le 19 janvier au Club de la Presse de Strasbourg avec pour thème « Après l’échec de Copenhague, l’Union Européenne peut-elle (encore) agir en faveur de l’environnement », cette conférence fut animée conjointement par deux membres des Jeunes Européens et de Café Babel.

Entre forte mobilisation et manque criant d’organisation

Les deux députées européennes se rejoignent sur l’ambiance générale du sommet. La mobilisation de la société civile s’est révélée « incroyable », « les gens étaient plein d’espoir ». Cet engouement s’est en outre manifesté dans le débat politique à l’échelle internationale et a notamment permis une certaine transparence sur l’accord signé. En effet, les chefs d’Etat et de gouvernement auraient tenté de faire croire à l’opinion publique que les clauses de l’accord signé étaient contraignantes. Cependant les ONG, la société civile, les médias et différents organismes se sont bien vite emparés du sujet pour souligner les limites de l’accord préalablement signé.

Ce sommet s’est par ailleurs caractérisé par un important manque d’organisation, comme en témoigne la réduction drastique des accréditations, à mesure que les négociations avançaient. Ainsi, seulement 90 personnes sur les 22 000 accréditations initialement allouées aux ONG furent habilitées à participer aux négociations finales. Outre les questions d’organisation, les deux parlementaires y voient des raisons politiques. Corine Lepage décrit un « climat de quasi guerre civile ». En effet des manifestations se sont tenues en marge du sommet, ce à quoi les autorités danoises n’ont pas toujours su faire face, se soldant par des arrestations.

L’issue climatique conditionnée par l’évolution des rapports de force géopolitiques

A l’intérieur du Bella Center, les négociations se sont révélées chaotiques. En imposant unilatéralement son texte comme solution, la présidence danoise aurait mis à mal le travail effectué en amont par les délégués internationaux en vue d’un accord. La votation qui suivit fut ensuite entrecoupée de nombreuses motions d’ordre, dans le but d’empêcher la procédure, expliquant notamment les nombreux points non tranchés par les négociateurs avant l’arrivée des chefs d’Etat. Leur apport n’a pas été décisif, en raison d’un manque de volonté politique palpable de leur part, chacun ayant pour objectif de défendre ses propres intérêts.

Ces négociations ont par ailleurs reflété la naissance d’une nouvelle organisation géopolitique du monde, caractérisée par la montée en puissance des pays en voie de développement et la fin de l’hégémonie occidentale. Ainsi, au-delà des engagements sur le climat, un certains nombre de pays ont souhaité bénéficier de cette brèche pour se repositionner économiquement et politiquement et redéfinir les règles du jeu en application depuis le siècle dernier. Ces aspects se sont notamment traduits par la capacité de l’Afrique à se positionner clairement et à constituer une force de blocage, ou encore de la résistance de la Chine à signer tout accord contraignant, et enfin de la faiblesse de l’Union européenne dans les négociations.

Le manque de poids de l’Europe à l’occasion de ce sommet s’explique notamment par ses limites institutionnelles. Son absence de personnalité juridique d’alors ne lui permettait pas d’être représentée dans les négociations internationales, comme ici au COP15. En outre, le système onusien privilégie le poids des Etats. Ce manque de visibilité n’a pas permis à l’Union européenne de peser politiquement dans les négociations, alors même qu’elle avait travaillé en amont du sommet. Enfin, le Conseil, le Parlement européen et la Commission ne partageaient pas les mêmes références, concernant entre autres les engagements sur la réduction des gaz à effet de serre et sur la contribution de l’Union à l’aide à l’adaptabilité des pays du Sud. La négociation finale a parfaitement illustré le faible poids de l’Union européenne, puisqu’elle s’est déroulée uniquement entre les Etats-Unis, la Russie, le Brésil, le Soudan (pour représenter les pays pauvres), l’ Afrique du Sud et l’Inde.

Quels outils et solutions pour l’Union européenne ?

La déception consécutive à l’accord à Copenhague doit encourager l’Union européenne à maintenir ses efforts dans la lutte contre le changement climatique. Les deux parlementaires comptent notamment sur Connie HEDEGAARD, nouvelle commissaire au Climat, pour coordonner la transition des Vingt-Sept vers une économie plus sobre en carbone, ainsi que sur les nouveaux outils qu’offre le Traité de Lisbonne avec l’extension de la procédure de codécision. Le Traité confère la capacité d’initiative de la révision constitutionnelle au Parlement européen, pour donner la possibilité à l’Union d’acquérir plus de poids politiquement. Ce nouvel instrument juridique permet aux citoyens de prendre part à l’élaboration de la politique européenne grâce au droit d’initiative citoyenne.

L’Union européenne a aussi un rôle important à jouer au travers du modèle économique qu’elle peut proposer. Tant que l’essentiel de l’emploi en Europe repose sur la production de voitures à essence, sur les énergies fossiles et la chimie traditionnelle, il paraît difficile de s’orienter vers une diminution du taux de carbone. Il s’agirait au contraire d’investir dans une économie « décarbonée » et de donner plus de moyens aux industries « dématérialisées » (ex : télécommunications) et aux énergies renouvelables. L’Europe doit donc promouvoir une vision moins dissociée des questions industrielles et climatiques. Des solutions sont aussi à entrevoir dans la mise en place d’une taxe sur les flux financiers, mais aussi dans l’application d’une taxe carbone à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union européenne, afin que les produits européens restent concurrentiels avec ceux du reste du monde.

Enfin, les deux députées européennes ont évoqué l’intérêt de travailler dans le cadre d’entités géographiques plus restreintes (par grandes régions du monde) et le bien-fondé d’une collaboration plus intensive entre différentes ONG ou associations.

Illustration : photographie d’une sirène d’alarme. Source : Wikimedia.

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