( Suite de l’article) En dépit des progrès substantiels accomplis par l’UE depuis le début de la crise, les louanges chantées à la gloire de ces « grands européens » ne sont pas pléthores. Au contraire, les efforts consacrés en faveur du « Bon Gouvernement » se heurtent au scepticisme des populations et des marchés. En somme, ils ne convainquent pas. Pourquoi ?
« Gouvernement économique » : un objectif juste, une méthode erronée
Sur la base du Traité de Lisbonne, la Commission a lancé voici un an une réforme de la gouvernance économique, qui prévoit un renforcement du Pacte de Stabilité et une surveillance macroéconomique beaucoup plus poussée.
Pourtant, en proposant la création d’un « gouvernement de la zone euro » constitué des chefs d’Etats et de gouvernement des Etats membres, Merkel et Sarkozy organisent un véritable phagocytage du processus de réformes démocratique auquel prennent part le Parlement européen, les Ministres des Finances et les Parlements nationaux (via le semestre européen).
Accroître la crédibilité de la zone euro relève d’une juste ambition, mais sera marquée du sceau de l’inefficacité. Pourquoi ? Car la méthode adoptée met en cause une question essentielle : la légitimité.
En effet, comment l’Europe, berceau de la démocratie, pourrait-elle se contenter d’un « gouvernement » qui ne serait pas élu en tant que tel, qui échapperait à tout débat public et ne serait contrôlé par aucun contre-pouvoir ? Un tel ersatz ne mérite sûrement pas ce nom. Si chaque gouvernement de la zone euro est légitimement élu et responsable devant le Parlement national pour sa politique nationale, il n’a aucun mandat européen explicite suffisant pour porter l’intérêt général.
Ainsi, le "gouvernement de la zone euro" pourrait bien être soit inefficace, s’il adoptait encore un catalogue de bonnes intentions, soit illégitime et dangereux, s’il instaurait un directoire. Le risque d’injustice serait d’autant plus grand que le Conseil européen obéit de plus en plus à une logique censitaire : ce sont les Etats les plus riches - voire les mieux classés par les agences de notation - qui imposent leurs vues aux autres. Dernier exemple en date : le Parlement d’Helsinki exigeant d’obtenir des garanties bilatérales de la part de la Grèce. Le contraste est symptomatique : la Finlande, hier acquise à l’idée européenne, fut l’un des fers de lance de la méthode communautaire !
Laisser le temps aux institutions communautaires
Sous couvert d’agir à l’échelle européenne, le décret d’un tel recul démocratique est inacceptable. Il est le ferment du ressentiment et d’une division exacerbée au sein des pays de la zone euro. Dès lors, il n’est guère surprenant d’assister au pessimisme grandissant de l’opinion publique et des investisseurs, sans parler des spéculateurs, en proie à la confusion.
Plutôt que d’aggraver le divorce entre les citoyens et l’UE à force de sempiternels projets, accordons le temps nécessaire aux institutions communautaires de mettre en œuvre leurs réformes en faveur d’une meilleure gouvernance économique. Ce dont la zone euro a besoin, c’est de développer progressivement la démocratie par-delà les frontières, en se fondant sur des institutions supranationales et des règles du jeu transparentes. Tel était le projet des pères fondateurs de l’euro. Et même des pères et mères du traité de Lisbonne, en vertu duquel la gouvernance économique européenne ne relève plus désormais de la seule compétence des Etats mais de la codécision (PE, conseil des ministres et Commission).
Cela exige quelques années, souligne la députée. Et à l’inverse d’un « gouvernement de la zone euro », ne repose pas sur un progrès illusoire. Il en va, fondamentalement, de la crédibilité de l’Union Européenne.
Face à cette méthode erronée, impossible n’est pas européen ! Au bord de l’abyme, l’ancienne présidente du ME-F décline cinq propositions.
1- Restaurer la compétitivité et les finances publiques
La restauration de la compétitivité et des finances publiques constitue une priorité, notamment en France et en Italie. La « règle d’or » : nouvelle panacée ? L’intérêt ne réside pas tant dans l’édiction de règles que dans leur respect formel assorti d’un volontarisme politique significatif.
Or, à quelle attitude irresponsable se livre des élus censés incarner l’intérêt global ? Alors que l’Europe est au bord de l‘abyme, un ancien premier ministre pousse des cris d’orfraies face à une TVA sur les parcs à thème. L’addition de revendications locales à l’Assemblée nationale participe ainsi du hiatus grandissant entre les déclarations et l’absence criante de jeu collectif.
2- Européaniser les pensées
Il est urgent d’ériger le collectif en mode d’action des dirigeants. De manière consternante, y compris au Parlement européen, chacun immole l’intérêt global à des débats de politique intérieure.
Dans ce dialogue de sourd, la France, en tant qu’interface Nord/Sud, est souvent sollicitée afin de porter ses revendications jusqu’à Berlin. De manière évidente, il est urgent d’offrir une perspective européenne à ces responsables du Sud, qui précisément, sont les premiers consternés par la corruption et les difficultés affectant leurs pays.
Or, mettre au pilori ces Etats, c’est annihiler tout espoir de voir émerger une équipe capable de les sortir de l’ornière.
3- Accroître la légitimation démocratique de l’UE
L’arrêt de la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe a jugé légales, mercredi 7 septembre, les aides promises en 2010 par l’Allemagne pour lutter contre la crise de la zone euro, mais elle exige que le gouvernement implique davantage le Parlement.
A l’évidence, une première lecture consisterait à voir un renforcement incontestable des droits du Bundestag. En réalité, une deuxième lecture révèle un raisonnement digne d’intérêt quant à la légitimation démocratique.
La plus haute instance judiciaire du pays a raison de rappeler que nous possédons un acquis majeur en Europe : la démocratie. Et que cette dernière, à tout le moins en Allemagne, est parlementaire. En son sein, "le droit budgétaire est le joyau de la couronne" du Parlement et un pilier de la démocratie contre l’arbitraire de l’Etat.
Cependant, il démontre par l’absurde la nécessité d’une légitimation démocratique à l’échelle européenne : il est quasi-impossible de demander l’avis du Bundestag – et des seize autres Parlements nationaux concernés – avant, par exemple, une décision du Fonds européen de stabilité financière (FESF) sur le rachat d’obligations d’Etats en difficulté sur le marché secondaire. Bien qu’une consultation systématique du Parlement ne soit exigée, l’existence de 17 droits de véto aboutira inéluctablement à une paralysie du système.
Là réside tout le travail et l’intérêt du Parlement européen – et au premier chef du groupe Spinelli : asseoir la légitimité démocratique de l’UE et mieux définir les compétences respectives des Parlements nationaux, non sur un modèle de concurrence mais de complémentarité ! Est-il en effet légitime que les parlementaires européens soient dessaisis de la question du FESF ? Autant est-il concevable que l’aval des parlements nationaux soient nécessaire lors de la création d’un fond, autant devons-nous exiger, dans l’usage et le contrôle, que la prérogative ne demeure pas aux seules mains des Parlements nationaux.
En définitive, nous cahotons dangereusement au milieu du gué. Au sein d’un système commun, l’entente bilatérale signée entre la Finlande et la Grèce l’atteste une fois de plus.
Plus que jamais, la légitimité démocratique à l’échelle de l’UE est une nécessité impérieuse.
4- L’Allemagne aux rennes de la Commission
La stagnation d’une Commission gagnée par la nécrose exige, enfin, un remaniement immédiat. L’équipe actuelle, avec la bénédiction des Etats membres, a perdu toute crédibilité dans la défense du projet communautaire.
Plutôt que de s’engager avec Mr. Sarkozy dans l’édification d’une seconde bureaucratie, la chancelière doit exercer son influence à l’intérieur même du système, en plaçant à la tête de la Commission un Allemand réinstaurant le respect des principes établis.
D’abord parce que le germe d’un « gouvernement économique de la zone euro » fait directement ombrage aux compétences de la Commission européenne. Ensuite, parce que l’unique solution réside dans un communautaire amélioré composé d’un arbitre neutre (la Commission) et d’un organe de légitimation (le Parlement européen). Enfin, parce que ce cadre institutionnel épouse précisément la volonté des Allemands depuis 50 ans.
La proposition de « gouvernement économique », selon la députée, est aussi novatrice qu’un Plan Fouchet - d’inspiration gaulliste (1962) et combattu par Walter Hallstein – désormais passé sous le sceau de la modernité.
De manière intangible, la légitimation démocratique doit primer. C’est la pierre angulaire du discours de Joschka Fischer en 2000, et l’objet de propositions émises dès 1994 par Karl Lamers (ancien président de la Commission des affaires de l’UE du Bundestag) et Wolfgang Schäuble, actuel Ministre des Finances Allemand.
Jeunes Européens : le devoir d’agir
La légitimation des politiques européennes que Sylvie Goulard appelle de ses vœux passe par une exigence accrue des citoyens à l’endroit de leurs représentants européens. Il est de notre impérieux devoir d’y prendre part.
Parce que "l’Europe n’est pas seulement une idée-force. Elle est à hauteur d’homme. Elle a des visages et des voix". (Jean Monnet).
La crise n’est pas finie. L’Union a montré une lenteur de réaction mais aussi une incroyable souplesse. Rien n’est joué ! Impossible n’est pas européen.
1. Le 7 octobre 2011 à 16:22, par Jean-Guy GIRAUD En réponse à : Crise de la dette souveraine : « Du Bon et du Mauvais gouvernement », d’après Sylvie Goulard (deuxième partie)
Sans doute faudrait-il rappeler aux MPE que le Traité de Lisbonne leur donne le droit - et, le cas échéant, le DEVOIR - de prendre l’initiative d’une révision des traités, seule solution pérenne au problème de la gouvernance économique de l’UE.(voir la « lettre ouverte » de l’UEF F à ce sujet "www.uef.fr") Trop d’entre eux hésitent encore à franchir ce pas, par crainte des commentaires condescendants des bureaucraties nationales. Le « Groupe Spinelli » pourrait utilement s’inspirer du volontarisme et de la clairvoyance de son illustre mentor - en initiant, au sein du PE, une telle réforme . Mme Merkel leur a ouvert la voie - et peut-être fait un appel du pied - en déclarant que « le tabou de la révision est tombé » . Ce ne sera certes pas une entreprise facile ni exempte de risques de dérapages - et cela nécessitera un délai de plusieurs années. Mais c’est précisément la raison pour laquelle l’exercice doit être conduit par le PE et lancé sans plus attendre. Cela ne règlera donc pas les problèmes urgents liés à la crise ni la dérive intergouvernementale, à juste titre dénoncée par Mme Goulard . Mais cela donnera aux citoyens - et aux marchés - une raison d’espérer qu’il existe une solution sûre, durable et communautaire pour asseoir enfin l’union économique et monétaires sur des bases solides et solidaires. Dans la perspectives des élections européennes de 2014 (et du renouvellement concomitant de la Commission), le Parlement européen aurait tout intérêt à se lancer rapidement dans cette entreprise de salut public. Mais, surtout, il DOIT à ses électeurs de remplir sa mission première : la défense de leur intérêt collectif par le dépassement de la confrontation stérile des intérêts électoraux des Gouvernements nationaux .
Jean-Guy GIRAUD / Président / UEF FRANCE
2. Le 4 novembre 2011 à 20:55, par chou En réponse à : Crise de la dette souveraine : « Du Bon et du Mauvais gouvernement », d’après Sylvie Goulard (deuxième partie)
Si seulement tous les eurodéputés pouvaient être aussi consciencieux et fédéralistes que cette femme politique admirable...
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