De la politique budgétaire de l’UE

La grande absente

, par Aric Wizenberg

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De la politique budgétaire de l'UE

Dans un précédent article, il a été question de se pencher sur la politique monétaire appliquée par l’Union Européenne (plus précisément par la Banque Centrale). Or, en économie, il est communément admis qu’une politique économique complète (ou ’’policy mix’’) se compose d’un volet monétaire d’une part, et d’un volet budgétaire de l’autre. C’est de cette deuxième partie qu’il sera question ici.

Comme cela a été dit, cette politique monétaire peut être améliorée, mais elle reste, au vu d’une comparaison internationale, correcte. Si déficience de la politique économique de l’UE il y a, et c’est le cas je pense, elle doit donc se situer au cœur de ce second volet.

Avant tout, il est primordial de comprendre qu’il n’existe de ’’policy mix’’ ni pour l’UE, ni pour la zone euro.

Dans le premier cas, l’UE dispose d’une politique budgétaire mais pas de politique monétaire, cette dernière ne s’appliquant qu’à la zone euro. Dans le second, la zone euro a une politique monétaire mais pas de politique budgétaire spécifique. On voit donc une dichotomie fondamentale qui ne peut à priori que faire problème.

Le budget de l’UE

Le budget européen, si on le regarde à travers le prisme fédéraliste, est, disons-le, ridiculement maigre : il s’élève à 112 G€(milliards d’euros) pour l’année 2006 autant du côté des recettes que des dépenses, le budget européen étant dans les textes nécessairement en équilibre (ou en excédent).

Les autres budgets fédéraux sont difficilement comparables : les dépenses s’élèvent à 181 G€ pour le Canada, 262 G€ pour l’Allemagne, 2010 G€ pour les Etats-Unis... En part du PIB les différences sont encore plus fortes : 1.05% du PIB pour l’UE, 19.9% pour les Etats-Unis et 11.4% pour l’Allemagne ! Les dépenses du budget national français, quant à elles, s’élèvent à 300 G€.

Ce budget est élaboré par le Conseil qui dispose d’un avant-projet de la Commission. Il doit ensuite être voté dans les mêmes termes par le Conseil et le Parlement (qui peut proposer des amendements). En règle générale, le Conseil tire le budget vers le bas (en valeur), le Parlement, vers le haut.

Recettes...

En ce qui concerne les recettes, elles se divisent en 3 catégories principales (auxquelles s’ajoutent les réserves reportées d’une année sur l’autre en cas de budget excédentaire et d’autres postes moins importants...) :

=> Les ressources « RNB », sont les contributions apportées par les pays membres et calculées sur la base de 0.5% du Revenu National Brut (RNB) de chaque pays membre, c’est-à-dire, pour faire simple, le PIB, a quelques transferts internationaux près.

=> Les ressources « TVA », sont aussi apportées par les pays membres, cette contribution est calculée pour l’essentiel sur la base de la TVA prélevée par chaque Etat.

A ces deux taxes, ponctionnées directement sur la fiscalité nationale [1] s’ajoutent les droits de douane perçus sur certaines importations en provenance de régions du monde situées en dehors même de l’union douanière européenne (sur les produits agricoles, par exemple...).

...et dépenses

Pour ce qui est des dépenses, notons d’abord que l’administration fonctionne avec un peu moins de 7 G€, soit moins de 6% du budget européen. Belle efficacité si l’on compare aux 45% du budget qui ont cours en France !

« J’ai eu honte lorsque j’ai entendu l’un après l’autre tous les nouveaux pays membres - tous plus pauvres les uns que les autres - dire que dans l’intérêt d’un accord, ils seraient prêts à renoncer à une partie de leurs exigences financières »

Sic, Jean-Claude Juncker (premier ministre du Luxembourg) : au sommet européen de Bruxelles de juin 2005.

Ces coûts englobant les salaires, retraites de fonctionnaires, déplacements (entre Bruxelles et Strasbourg par exemple)...

Il y a, en dehors de ces dépenses de fonctionnement, cinq autres postes importants : l’agriculture (51 G€), [2], les actions structurelles (36 G€) [3]. Quant aux politiques internes (9 G€), c’est un peu... tout le reste ! [4].

Les actions extérieures (5 G€) couvrent la gestion des relations hors-UE [5], ce poste comprenant aussi l’aide humanitaire (0.7 G€).

Les aides de préadhésion (3 G€), participations au développement des candidats à l’adhésion et des futurs entrants (la Croatie a pu ainsi reconstruire un réseau autoroutier d’excellente qualité avec l’aide de ces fonds...). [6]

Les outils de la politique budgétaire

L’encadrement de la gestion budgétaire s’appuie sur un certain nombre d’outils. Le plus important est une contrainte : le Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC). Accord selon lequel les Etats-membres doivent limiter leur déficits budgétaires nationaux à 3% de leur PIB pour éviter que certains ne profitent, dans le cadre de l’Union Economique et Monétaire, de la possibilité d’être en déficit en en faisant assumer les conséquences financières à l’ensemble de l’Union...

Sa récente réforme a rendu cette limite un peu plus pertinente en introduisant l’analyse des causes du déficit. Car il est bien différent d’être en déficit en raison de trop forts coûts administratifs que de l’être en raison d’investissements à plus long terme dans la recherche, les infrastructures, etc. D’ailleurs, au Royaume-Uni, le gouvernement prend souvent en compte plutôt le chiffre du déficit hors dépenses d’investissement pour établir ses politiques.

Il faut aussi noter le rôle dans la politique budgétaire du Conseil Ecofin, réunion formelle des ministres des finances des 25. C’est le ’’bras économique’’ du Conseil, il a donc un rôle premier dans l’élaboration du budget et la définition des orientations économiques.

Il est a distinguer d’un autre regroupement, informel, l’Eurogroupe. Celui-ci est le regroupement de ces mêmes ministres mais pour les seuls 12 états actuellement dans la zone euro. Son avis, au point de vu législatif n’a aucune valeur. Il reste, étant donnée l’importance des pays qui composent la zone euro, que son poids est décisif, même si cet avis reste non contraignant.

Des critiques

De nombreuses critiques peuvent être portées à l’encontre de la politique budgétaire, d’autant plus si l’on se place dans une vision fédéraliste. En premier lieu, comme cela a été dit, la taille du budget est largement trop dérisoire. Ce budget est incomparable avec ce que l’on rencontre dans les systèmes fédéraux actuellement existants.

Il est même choquant de constater que le niveau du budget est encore loin de la limite qui a été décidée par le Conseil en 1999 et 2000 (1.24% du RNB au lieu des 1.05% actuels) et toujours au-dessous de la limite préconisée par Margaret Thatcher lorsqu’elle était Premier Ministre !

De nombreuses critiques peuvent aussi être faites en ce qui concerne la répartition des dépenses de ce budget, par exemple celles en faveur de l’agriculture (45% du budget), alors que de nombreux postes à l’inverse devraient être bien plus développés : infrastructures, pôles de recherche et développement de dimension européenne, investissements dans l’éducation, financements de projets tels que le Service civil européen...

En ce qui concerne les recettes de l’Union Européenne des choses pourraient aussi être changées. On pense tout de suite à la question du « chèque britannique » que tout le monde connaît, mais que dire lorsqu’on voit que l’Irlande (qui dispose maintenant d’un niveau de PIB par habitant supérieur à la France) ou le Luxembourg disposent d’une « assiette TVA écrêtée » alors que la Slovaquie où la Hongrie n’en bénéficient pas... (Ce terme de jargon signifie tout simplement une réduction de la part de TVA que chacun doit donner à l’UE...).

Deux grands problèmes de fonctionnement

Cela met d’ailleurs en lumière deux grands problèmes de fonctionnement. En premier lieu il y a un véritable manque de transparence. En effet, peu d’européens savent quelque chose au sujet du budget européen !

Ensuite, dans la même optique, il serait beaucoup plus démocratique que l’élaboration du budget soit confiée au parlement et doive être finalement validée par le Conseil (à l’inverse de ce qui existe). De même en ce qui concerne les recettes il serait mieux pour les Européens qu’elles soient issues de quelque chose qu’ils voient, qu’ils puissent bien comprendre.

D’où l’idée d’instaurer un impôt européen qui viendrait remplacer le système actuel dans lequel tout se fait dans les couloirs des institutions européennes et nationales. Cet impôt remplacerait bien sûr le système actuel de transferts entre Etats et institutions européennes.

Enfin, il serait nécessaire d’introduire des outils de redistribution entre pays, voire, mieux, entre régions qui permettraient d’atténuer l’hétérogénéité des situations au sein de l’Union et d’éviter certains décrochages. De plus, l’UE devrait pouvoir avoir un budget en déficit sous certaines conditions et strictement encadré. Actuellement cela est tout simplement impossible.

En conclusion, la politique budgétaire est bien un domaine dans lequel beaucoup pourrait être fait, avec des conséquences importantes sur l’ensemble de l’Union.

Mais le problème est toujours le même : il y a un manque de volonté et de courage politique (quand ce n’est pas de l’égoïsme nationaliste), tant du côté des dirigeants européens que de celui des dirigeants nationaux (et tout particulièrement de certains...).

- Illustrations :

Le visuel d’ouverture de cet article (i. e : ’’many coins’’) est tiré de l’Encyclopédie en ligne wikipédia.

- Sources :

Pour ceux qui voudraient en savoir plus et avoir des approfondissements économiques sur la question, lire les articles de Pierre Jacquet sur son site, section Europe :.

Et, pour le détail du budget et la projection 2007 (La section « Commission » regroupe les principales politiques du budget).

Notes

[1Ce prélèvement s’élevant, en 2005, à un peu moins de 17 G€ (moins de 5% des rentrées) sur le budget français.

[2Avec, entre autres, 35 G€ sous formes d’aides directes, 9 G€ sous formes d’interventions directes sur les marchés agricoles et 12 G€ consacré aux politiques de développement rural.

[3Avec, entre autres, les fonds de développement régional, à hauteur 22 G€ ainsi que les fonds de cohésion pour 6 G€.

[4En particulier, la recherche (près de 4 G€), l’énergie et les transports (1.4 G€), l’éducation et la culture (1 G€)...

[5En particulier avec le voisinage direct (Russie comprise) de l’UE (1,2 G€) d’un côté, et les relations avec le reste de l’Asie (1G€) de l’autre.

[6N.B. : Les chiffres totaux par secteurs et les postes particuliers ne suivent pas le même découpage, d’où les différences entre les totaux et les sommes de politiques particulières.

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