Présidentielle 2007 et Europe

Débat Nicolas Sarkozy - Ségolène Royal : « Est-ce que vous nous permettez de parler d’Europe ? »

Moins de 10 minutes ont été consacrées aux questions européennes lors de ce débat de l’entre-deux tours !

, par Pierre-Marie Giard

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Débat Nicolas Sarkozy - Ségolène Royal : « Est-ce que vous nous permettez de parler d'Europe ? »

« Est-ce que vous nous permettez de parler d’Europe ? », c’est ainsi que Patrick Poivre d’Arvor a essayé de lancer au bout de deux heures de discussions franco-françaises le sujet européen (classé dans la rubrique "relations internationales"). Le débat sur l’Europe mériterait d’être autrement traité. Le vrai enjeu actuel pour l’Europe est pourtant clair : l’Europe fédérale ou l’Europe des Nations. Et Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal ne se sont pas exprimés dessus...

Une place insignifiante pour l’Europe dans le débat entre Sarkozy et Royal

Deux ans après un débat passionné sur le projet de traité constitutionnel européen, la campagne présidentielle était attendue par tous les militants de la cause européenne comme un moment de vérité, une occasion pour les candidats à la magistrature suprême de dévoiler leur ambition pour une France européenne.

Le débat de l’entre-deux tours a été très décevant en la matière. Les questions n’ont occupé qu’une toute petite place du temps de parole des candidats. Il est tout à fait regrettable que cette question ait été encore traitée comme une simple question internationale.

Si l’Europe n’a jamais été au cœur de ce débat, les candidats ont pourtant multiplié les propositions et déclarations concernant la politique sociale d’autres pays européens (les pays nordiques notamment). Ils nous ont parlé d’une croissance française comme si celle-ci n’était pas liée à la croissance européenne. A aucun moment, ils n’ont dit ce qu’ils iraient défendre au Conseil européen en tant que représentant français. Alors que 70% des lois françaises résultent d’une transposition des directives européennes, cet aspect a été (volontairement ?) occulté.

Les questions énergétiques ont été, par exemple, évoquées sans rappeler qu’un Livre Vert de la Commission européenne propose aujourd’hui un cadre de réflexion et des structures techniques afin de mieux définir les problèmes et opportunités des différentes énergies en Europe. La seule dimension raisonnable et utile pour cette question cruciale ne serait-elle pas européenne ?

Les propositions pour l’Europe des deux candidats

Sur le principe d’un futur traité à caractère institutionnel, les deux candidats qualifiés pour le second tour se distinguent concernant le mode d’adoption de ce texte. Le "traité simplifié" que Nicolas Sarkozy appelle de ses vœux serait ratifié par voie parlementaire. Ségolène Royal promet pour sa part l’organisation d’un référendum sur un texte qu’elle souhaite voir complété d’un "protocole social".

Pour les Jeunes Européens France, l’organisation d’un référendum répond aux attentes de la population européenne... à condition que celui-ci soit pan-européen.

Ségolène Royal a rappelé son souhait de relancer l’Europe à travers la politique, mais cela ne doit pas se réduire uniquement aux questions institutionnelles. Elle souhaite une « Europe par la preuve ». Elle propose notamment de négocier avec les autres partenaires européens une TVA pour tout ce qui concerne les énergies renouvelables.

Nicolas Sarkozy souhaite que l’Europe ne soit pas « le cheval de Troie de la mondialisation » et réhabilite la préférence communautaire, notamment dans les négociations à l’OMC.

Sur l’élargissement, Nicolas Sarkozy a rappelé son hostilité à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Cet état fait partie de l’Asie mineure et doit avoir sa place au cœur d’une Union méditerranéenne. Ségolène Royal demandait de ne pas lui claquer la porte au nez et a rappelé que les français seront consultés par référendum, comme le prévoit la Constitution française, sur ce sujet.

Les médias n’ont pas joué leur rôle

Les questions européennes n’ont été traitées qu’à la fin des thèmes du débat. Malheureusement, celles-ci ont été reléguées dans une sous-rubrique des questions internationales à côté de la question du nucléaire en Iran et du développement de l’Afrique. C’est consternant ! A l’aune d’un Conseil européen capital pour l’avenir de l’Union européenne, comment peut-on oser encore traiter ce sujet comme une question internationale ?

Au cours du débat, les présentateurs auraient dû interroger les candidats sur les réponses que l’Union européenne apporte dans les domaines de l’environnement et de la croissance. Au lieu de cela, ils se sont contentés de distribuer la parole, voire d’être simplement un spectateur privilégié.

Quelle honte pour notre pays que se soient les extrêmes qui se soient les plus mobilisés sur les questions européennes tout au long de la campagne !

Suite à ce débat, le citoyen français et européen en reste sur sa faim. L’ambition européenne des candidats ne passe pas.

Nous ne pouvons que regretter que la solution d’une Europe fédérale soit encore une nouvelle fois mise de côté.

Cet article a été écrit par Pierre-Marie Giard, en collaboration avec Sophie Gérardin et Fabien Cazenave.

Illustration : visuel d’ouverture fait de deux photographies de Ségolène Royal (à la Halle Carpentier de Paris en février 2007) de Jastrow et de Nicolas Sarkozy (à Toulouse en avril 2007) de Guillaume Paumier.

A lire : Touteleurope.fr nous fait un premier bilan de l’Europe dans la campagne présidentielle.

Vos commentaires
  • Le 3 mai 2007 à 11:20, par unionsbuerger En réponse à : Débat Nicolas Sarkozy - Ségolène Royal : « Est-ce que vous nous permettez de parler d’Europe ? »

    SARKOZY, en réponse à ROYAL, a proposé comme Source de Financement les Droits de Douanes. Il sait pourtant bien que notre Tarif Exterieur Commun est géré par l Union Européenne. SARKOZY veut il que la France sorte de l Europe COMME LE FRONT NATIONAL ?

    Comme 28 % des Francais residents en Allemagne, j ai voté BAYROU au premier Tour pour barrer la route au renouveau du Nationalisme Français et je suis fier que SARKOZY n ait fait que 25 % en Allemagne.

    Dimanche je voterai avec les 37 % qui veulent la FRANCE PRESIDENTE dans une UNION EUROPEENNE libérée des Démons Nationalistes.

  • Le 3 mai 2007 à 14:06, par valery En réponse à : Débat Nicolas Sarkozy - Ségolène Royal : « Est-ce que vous nous permettez de parler d’Europe ? »

    Bravo : tous les mots-clés qui vont bien dans le titre :-)

    Si je ne m’abuse aux États-Unis les électeurs ont droits à trois débats thématiques dont l’un entièrement consacré à la politique extérieure...

    Je sais bien que notre pays n’est qu’une puissance moyenne mais là c’est abuser. Sans compter que l’Europe ce n’est pas de la politique extérieure puisque les lois européennes s’appliquent en France. Il serait légitime que les candidats s’expriment sur les orientations qu’ils auront en tant que représentant de notre pays au niveau du Conseil européen, sur leurs orientations.

    Cette situation est parfaitement consternante et on ne peut pas s’étonner de voir la méfiance chez nos concitoyens et un résultat négatif au référendum lorsqu’une question aussi essentielle est écartée ainsi du débat public.

    Si seule les questions européennes étaient en jeu je n’irais pas voter mais comme ce n’est pas le cas j’irais bien sur barrer la route à Sarko.

  • Le 3 mai 2007 à 18:07, par Ronan En réponse à : Débat Nicolas Sarkozy - Ségolène Royal : « Est-ce que vous nous permettez de parler d’Europe ? »

    A propos de la Turquie :

    Il est maladroit de dire que la Turquie ’’fait partie de l’Asie mineure’’ alors que - géographiquement parlant - 4% de son territoire (i. e : la Thrace orientale, dont Istambul) n’en n’est absolument pas. Et alors que, plus exactement, c’est donc plutôt l’Asie mineure (i. e : la seule Anatolie...) qui fait partie de l’actuelle République de Turquie (et en représente effectivement 96% du territoire).

    Cela dit, encore utiliser cette dénomination ’’Asie mineure’’ (plutôt propre à désigner des réalités de l’Antiquité et du Moyen âge...) au début du XXIe siècle, ça fait tout de même un petit peu désuet... Aujourd’hui, les Géographes préfèrent plutôt parler d’Anatolie (mot grec). Quant à l’Asie mineure, faut avouer qu’hormis les polémiques récentes (et intéressées) sur le sujet, on n’en parle quand même aujourd’hui pas plus ni moins que de l’ancienne « Grèce d’Asie ». M’enfin, ce n’est qu’un détail...

  • Le 3 mai 2007 à 18:43, par Ronan En réponse à : Débat Nicolas Sarkozy - Ségolène Royal : « Est-ce que vous nous permettez de parler d’Europe ? »

    Que dire, que dire... sinon que c’est effectivement extrémement triste et extraordinairement décevant que nos chers politiques se soient ainsi débrouillé - durant toute cette campagne électorale présidentielle - pour en dire absolument le moins possible (et dans les termes les plus vagues et les plus imprécis possibles...) sur ce sujet européen qui nous tient à coeur.

    Et pour cause : pour se faire élire à la magistrature suprême, au suffrage universel, autant ne pas se facher avec toute cette part du pays encore aujourd’hui profondément insatisfaite du débat européen ; soit qu’elle ait carrément voté « Non » en mai 2005, soit qu’en soit restée encore très profondément déçue du funeste résultat de ce fameux référendum.

    Bref, il semblerait que nos chers politiques aient donc décidé de ne ’’pas prendre de risques’’ et d’en faire, d’en dire le moins possible sur cette - aujourd’hui encore - douloureuse thématique. Et ce, quels qu’aient pu être les louables efforts des associations ’’européistes’’ pour essayer de les traîner ’’par la peau des fesses’’ dans cette arène que nos chers politiques avaient décidément délibérément décidé de déserter...

    Car, certes, les formations politiques ayant appellé au vote NON en mai 2005 ont effectivement fait des scores lamentables lors du premier tour de ces élections présidentielles (c’est mathématiquement indéniable...). Mais n’ont-elles alors tout de même pas été victimes d’un certain ’’vote utile’’ (ultime séquelle d’un certain 21 avril 2002...) et d’un scrutin aujourd’hui devenu - hormis émergence (éphémère ?!) d’un nouvel ’’extrême centre’’ UDF - singulièrement bipolarisant ? (Nb : même les Verts, pro-européens notoires en très grande majorité, ont été laminés lors du premier tour...).

    En tout état de cause, attendons donc le résultat de la ’’finale’’ de dimanche prochain (et les prochaines élections législatives...) pour y voir enfin (peut-être) un petit peu plus clair...

  • Le 3 mai 2007 à 21:13, par Emmanuel Vallens En réponse à : Débat Nicolas Sarkozy - Ségolène Royal : « Est-ce que vous nous permettez de parler d’Europe ? »

    encore plus fort : Sarko veut utiliser les droits de douane, mais il ne veut plus de douaniers ! Qu’on m’explique...

  • Le 4 mai 2007 à 14:42, par ? En réponse à : Débat Nicolas Sarkozy - Ségolène Royal : « Est-ce que vous nous permettez de parler d’Europe ? »

    Ce qui est le plus costernante envers tous les Européens est encore une fois le fait de dire : « Les FRANçAIS ont dit non, ce n’est pas question d’aller voter encore une fois sur ce sujet... » Sarko dixit. Est ce que la démocratie prevoit de ne discuter et de voter qu’une fois sur les sujets politiques ?? La politique ne serait-elle l’art de conduire les changements et de gerer l’impossible ?! Certes, une Europe tout à fait démocratique est ancore à batir ; il n’en reste que notre campagne sur le REFERENDUM PAN EUROPEEN a l’avantage d’aller dans la bonne direction et de dire des choses courageuses.

    C’est une vraie deception d’entendre certaines phrases par vos candidats..Heureusement, il y a le Taurillon !

    Ciao d’Italie ! et bon courage ! Marta

  • Le 17 mai 2007 à 12:08, par Fabien Cazenave En réponse à : Débat Nicolas Sarkozy - Ségolène Royal : « Est-ce que vous nous permettez de parler d’Europe ? »

    Voici le point de vue de Robert Toulemon sur la campagne qu’il nous a autorisé à reproduire ici :

    L’Europe absente de la campagne

    Paris 8 mai 07 En cette veille de la fête de l’Europe, il faut se demander pourquoi l’Europe a occupé une aussi faible place dans la campagne présidentielle. Manque d’intérêt des Français ? Sans doute mais surtout désir des candidats, notamment des finalistes, de ne mécontenter ni ceux du oui, ni ceux du non.

    La grande tromperie est d’avoir fait croire que l’Europe compterait pour peu de choses dans la solution de nos problèmes. Prenons trois exemples. 1. Comment relever le défi climatique sans l’Europe et sans qu’une Europe unie entraîne le monde ? 2. Comment répondre au défi du terrorisme sans une coopération beaucoup plus poussée des polices et des tribunaux ? 3. Comment moderniser nos Universités et valoriser notre recherche sans les ouvrir plus largement sur l’Europe et le monde ?

    Notre nouveau Président s’est limité à des critiques envers la Banque centrale qui, en suscitant la méfiance, réduisent nos chances d’obtenir une meilleure coopération des politiques éonomiques. Il va devoir se découvrir sans nous avoir dit comment il comptait participer à la nécessaire relance.

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