Élargissement

Début des négociations d’adhésion avec la Croatie et la Turquie

, par Ronan Blaise

Début des négociations d'adhésion avec la Croatie et la Turquie

Ce 03 octobre 2005, l’Union européenne (actuellement présidée par le Royaume-Uni de Grande Bretagne) et ses vingt-cinq États-membres ont décidé d’ouvrir des négociations d’adhésion avec la Turquie et la Croatie.

La Turquie contemporaine a, historiquement parlant, toujours manifesté beaucoup d’intérêt pour l’ensemble du processus de construction européenne.

Ainsi, entrée au Conseil de l’Europe dès 1952, la Turquie avait déjà signé un accord d’association (avec la CEE de l’époque) dès 1963 : il y a quarante-deux ans.

Ayant demandé, par la suite, une adhésion complète à la Communauté européenne (CE) en 1987, la Turquie a officiellement été reconnue par l’Union européenne (et par ses quinze Etats-membres d’alors) comme Etat « candidat à l’adhésion » à l’UE au moment du « sommet européen » d’Helsinki (en décembre 1999).

La Croatie, État indépendant issu du démembrement de l’ex-Yougoslavie (et reconnue comme telle par l’ONU, en 1992) a, pareillement, toujours manifesté son intérêt pour une adhésion -à terme- à l’Union européenne.

Longtemps tenue à l’écart du processus d’intégration européenne par l’état de guerre prévalant dans cette région des Balkans occidentaux (la guerre de Bosnie ayant duré au moins jusqu’en 1995...) (N.B. : décembre 1995 : Accords de Dayton : paix en Bosnie-Herzégovine), la Croatie a néanmoins posé officiellement sa candidature à l’adhésion à l’UE en janvier 2003.

Et, malgré toutes les difficultés soulevées par l’existence d’un passé plus ou moins récent mais, dans les deux cas, pas si simple que cela à « gérer », Turquie et Croatie souhaitent néanmoins toujours - toutes deux - aujourd’hui adhérer à l’UE.

Et, depuis hier-soir, ces perspectives d’adhésions semble être plus réalistes que jamais...

Critères d’adhésion

Mais, on n’entre pas comme ça dans l’Union européenne : il faut d’abord « montrer patte blanche » et adhérer pleinement aux fameux « critères de Copenhague » tels qu’ils ont été définis par l’UE et par ses États-membres lors du fameux sommet européen du même nom (juin 1993).

Pour mémoire, ces critères sont : l’adhésion formelle à un certain système de valeurs politiques (Respect des Droits de l’Homme, Démocratie et pluralisme politique, etc.), ainsi que l’adoption effective et concrète d’un certain nombre de « modes opératoires » éminemment démocratiques (représentation populaire, indépendance de la Justice, respect des Droits de l’Homme, mise en place d’un État de Droit impartial, etc.).

Sans parler de la seule mise en place, chez tout postulant à l’adhésion, de toutes les normes juridiques et économiques liées à l’économie de marché et à l’acquis communautaire.

Et juste souligner que l’adhésion de tout État postulant fait donc l’objet d’enquêtes précises quant à sa capacité effective de pouvoir digérer et de pouvoir appliquer toutes ces normes qui sont - pour ainsi dire - le pilier fondamental du « vouloir vivre ensemble » européen et de l’« efficience » communautaire.

C’est donc sur un chemin exigeant que ce sont, depuis hier-soir, engagées la Turquie et la Croatie.

Chemin d’autant plus exigeant, sinon difficile, que ces deux pays ont tous deux un lourd passé historique à assumer et beaucoup de réformes à accomplir pour pouvoir véritablement remplir positivement tous les critères qui sont attendus d’eux.

Chemin d’autant plus exigeant et d’autant plus difficile que les opinions publiques de certains des États-membres de l’UE à vingt-cinq d’aujourd’hui, s’interrogent ouvertement sur la pertinence de tels nouveaux élargissements.

Et ce, à l’heure où l’Union européenne à vingt-cinq est, dans le contexte difficile que l’on sait (en l’absence de tout cadre constitutionnel stable et véritablement démocratique...) extraordinairement fragilisée par le flou institutionnel qui entoure, aujourd’hui, son avenir en tant que structure politique...

En tout cas, il est clair qu’un futur élargissement véritablement réussi de l’Union européenne à ces deux pays serait celui qui combinerait à la fois sincérité dans les réformes entreprises par les deux nouveaux « postulants » et adhésion effective des citoyens des États déjà membres de l’Union européenne à ce nouveau processus d’élargissement.

Cela passe par une information sincère quant à la situation initiale des uns et des autres et par une reconnaisance objective des difficultés rencontrées et des authentiques efforts fournis par chacune des parties.

Et cela passe sans doute, aussi, par une réforme « drastique » des actuelles institutions de l’Union : dans le sens de la recherche d’une Europe plus démocratique et dans le sens d’une plus grande efficience pratique.

Et, à ce titre, on ne peut donc que regretter l’absence d’un cadre constitutionnel authentiquement démocratique pour cette fameuse Union européenne à laquelle Turquie et Croatie souhaitent aujourd’hui adhérer.

Car il en va ainsi de ces deux nouvelles candidatures à l’UE : si elles ne posent pas toujours de très bonnes questions, elles ont néanmoins le mérite de mettre en valeur l’urgence de définir, ensemble, de bonnes réponses pour essayer de remédier à la crise politique que nos sociétés, nos pays et l’Union européenne traversent aujourd’hui.

Comme chaque élargissement, celui qu’on nous propose -ici- nous demande de nous interroger à nouveau sur la pertinence du projet politique européen et sur sa plus profonde raison d’être : redéfinir ensemble un nouveau départ, pour nous tous.

Et il nous donne ainsi l’occasion de mieux reformuler encore notre « vouloir vivre ensemble » européen : pour la Paix (une paix sans rancune...), pour la Liberté (sous une même Loi, identiquement respectée par tous...) et pour la Démocratie véritable (dans le respect de chacun et dans l’ouverture à autrui...).

 Photo : médiathèque Commission européenne

Vos commentaires
  • Le 5 octobre 2005 à 09:53, par Valéry-Xavier Lentz En réponse à : Début des négociations d’adhésion avec la Croatie et la Turquie

    à signaler : un excellent « Rebonds » de Sylvie Goulard dans le Libération du 5 octobre au sujet des résultats de la réunion du conseil des ministres des affaires étrangères à Luxembourg.

  • Le 12 octobre 2005 à 18:14, par Thomas Walckenaer En réponse à : Début des négociations d’adhésion avec la Croatie et la Turquie

    La fuite en avant

    Le « rebonds » paru dans Libération à ce sujet me fait froid dans le dos. L’objectif secret serait de vouloir faire aboutir le projet d’union européenne en un gigantesque capharnaüm ingouvernable et soumis aux vents contraires que l’on ne s’y prendrait pas autrement.

    Pourquoi est-ce qu’oser l’affrontement sur des sujets aussi sensibles et oser un « niet » serait-il nécessairement le signe d’une crise insurmontable ? Il faut pourtant bien avouer que l’ouverture officielle des négociations avec la turquie marque plutôt l’aboutissement d’une fuite en avant sans projets.

    Au nom de quels principes ?

    Il y’a quelque chose qui cloche si les chefs d’Etat et de gouvernement qui arbitrent en dernier recours au sein du conseil n’écoutent pas la voix de parlements nationaux eux-même anémiés, incapbles de répercuter les aspirations de leurs peuples.

    L’Europe ne saurait se faire sans ceux qui y vivent. L’Europe n’est pas une aspiration de technocrates et de gouvernants !

    Tout semble converger pour nous laisser penser que l’opinion des partis au pouvoir est systématiquement dictée par les rapports de force au sein de l’union ! Comme si l’objectif principal était de ne pas perdre la face sur des sujets où on ne dominera pas et où les intérêts nationaux ne sont pas immédiatement en cause.

    La carotte contre le bâton, la turquie contre la Croatie, des promesses contre l’absence de démocratie, le sanctuaire de la PAC contre le rabais britannique... Tout cela est pathétique !

    Au nom de quels principes ces marchandages ? de quel avenir commun ? A t-on oublié l’intérêt collectif ? Celui-ci n’est-il plus le vecteur de la mise en valeur de tous les membres de l’Union ?

    Comment renforcer l’Europe ?

    Qu’obtient l’Europe en échange ? Quel renforcement des liens ? Quelle démocratisation ?

    Nous constatons tous empiriquement qu’un élargissement désordonné de l’Europe ouvre la voie au délitement d’un lien peu solide !

    Si les fondations ne sont pas solidement établies les murs de la maison ne portent rien, les étages construits en dernier s’écroulent en premier.

    Je crois très fortement à l’intégration progressive et par palliers. Tous les Etats n’avancent pas au même rythme. L’idée d’un premier cercle ou noyau dur qui avanceraient vers plus d’intégration. Ce premier cercle aurait dans son antichambre les états avancés démocratiquement qui auraient ratifiés tous les traités mais qui ne souhaiteraient pas aller plus loin. Enfin, dans un purgatoire déjà enviable pour le reste du monde se situeraient les états moins avancés, moins solides, moins stables ou ceux qui ne recherchent qu’une alliance économique.

    A chacun selon son besoin et son désir.

    Pour que ce schéma se dessine encore faudrait-il que le noyau dur fasse vraiment envie par son haut niveau de vie démocratique, social, culturel, économique.

    Pour cela nous avons encore beaucoup de chemin.

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