Diagnostic de l’hôpital en Europe

, par Mathilde Marmier

Diagnostic de l'hôpital en Europe

Alors que l’on prend pleinement conscience de la crise que traverse l’hôpital public en France, il peut être utile d’étendre l’état des lieux de ce secteur aux Etats Européens.

Au sein de l’Union Européenne, malgré les origines du traité de Rome établissant l’objectif de « promouvoir une collaboration étroite entre les Etats membres dans le domaine social », l’idée d’une harmonisation des systèmes sociaux est rapidement mise de côté.

Le domaine de la santé ne fait son entrée à l’échelle européenne qu’en 1987 avec l’application de l’Acte Unique européen. Il sera confirmé par les traités de Maastricht en 1992 puis d’Amsterdam en 1997 qui fixe dans les objectifs de l’Union Européenne d’« améliorer la santé publique, prévenir les maladies, favoriser la recherche et d’informer le public ». L’article 137-1 stipule que « la Communauté soutient et complète l’action des Etats membres » en matière de protection sociale. L’organisation des systèmes de santé, à laquelle s’applique le principe de subsidiarité, relève des Etats membres.

L’influence de la législation communautaire

Il n’empêche que les hôpitaux des différents systèmes évoluent dans un environnement empreint de législation communautaire : libre circulation des professionnels de santé, application du principe de libre circulation des biens et services appliqués aux dispositifs médicaux, autorisation de mise sur le marché des médicaments, tendance à l’unification des procédures d’achat, etc.

Afin d’effectuer un tour d’horizon des différents systèmes de santé européens plus particulièrement axé sur leur secteur hospitalier, il convient de rappeler que les comparaisons s’avèrent ardues, tant les politiques hospitalières sont liées aux systèmes eux-mêmes et à l’environnement sanitaire général, tous deux très variables d’un Etat à l’autre. De même, les résultats obtenus sont très hétérogènes. Cependant, il est possible d’observer les tendances qui se dégagent.

Les politiques hospitalières des Etats de l’Union européenne diffèrent en plusieurs points

Les modalités de financement et de direction des établissements dépendent du caractère fédéral, décentralisé ou centralisé des Etats. En effet, les compétences relevant des hôpitaux sont très hétérogènes d’un Etat à l’autre. Elles consistent au minimum à appliquer la législation nationale, au maximum à établir la politique gestionnaire, financière et sanitaire. On constate également d’importantes différences dans la répartition de l’offre entre les secteurs public et privé, ce dernier comprenant les établissements à but lucratifs et non lucratifs. Alors que le secteur privé lucratif est interdit aux Pays-Bas, de nombreux Etats (Allemagne, Italie, Grande-Bretagne, Autriche) ont de plus en plus recours au secteur privé.

Vieillissement de la population, évolutions scientifiques : des défis communs

Les modalités d’accès à l’hôpital sont également variables. Alors que l’accès est libre en France, l’accès hors urgence est soumis à prescription par un médecin en Grande-Bretagne et en Espagne. Ces divergences rendent difficiles les comparaisons de dépenses affectées à l’hôpital entre Etats.

Aussi divers qu’ils soient, tous ces systèmes font face à deux défis dont les conséquences sur les systèmes de santé sont majeures : le vieillissement de la population et les évolutions scientifiques. La croissance des dépenses de santé dans l’Union européenne ces dernières années s’est révélée supérieure à la croissance économique.

Ces défis communs engendrent des convergences dans les politiques hospitalières. Le financement de l’hôpital étant principalement public, des politiques de restriction des coûts se sont avérées nécessaires.

Une tendance à la rationalisaiton des coûts

Trois principaux types de mesure sont mis en œuvre afin de juguler les dépenses de santé. Une régulation qui s’effectue au niveau des prix et du volume de l’offre de soins : instauration d’un numérus clausus pour les médecins, développement des solutions alternatives à l’hôpital mais également réduction des capacités hospitalières par la suppression de plusieurs milliers de lits en France (707 lits d’hôpitaux pour 100 000 habitants en 2007,850 en 1996), en Allemagne, aux Pays-Bas.

Les coûts sont dorénavant encadrés et maîtrisés, avec l’objectif pour les établissements de réduire leurs dépenses globales en appliquant une gestion plus efficace. Ces mesures ne sont pas sans entraîner de dérives, notamment la recherche de productivité.

Le transfert au secteur privé se développe également, générant une participation croissante des patients à leurs dépenses de santé : consultations, médicaments, et désormais séjours hospitaliers. Par ailleurs, à l’heure actuelle, l’objectif d’efficience guide l’ensemble des politiques.

Une exigence croissante de résultats sous l’influence du secteur privé

Elle est encouragée par le mode de financement des établissements (paiement à la performance en Grande-Bretagne, tarification à l’activité en France) et menée de façon parallèle à une exigence de qualité. On constate une généralisation progressive des procédures de certification (contrôle et validation des pratiques).

De façon générale, cette exigence de résultats s’accompagne d’une prise en compte accrue de l’usager via des enquêtes de satisfaction et la diffusion d’indicateurs de mesure de la qualité des établissements.

Ainsi dans l’ensemble des Etats de l’Union Européenne, les systèmes de santé évoluent dans un contexte général démographique, scientifique et économique à l’origine d’une absolue nécessité de mutation. Ce secteur, et particulièrement l’hôpital, est touché par d’importantes contraintes budgétaires et une recherche accrue d’efficience. Bien que s’applique le principe de subsidiarité, on constate de nombreuses convergences dans les solutions apportées. Le Comité permanent des hôpitaux de l’Union Européenne (HOPE) joue un rôle de partage et d’échange de bonnes pratiques en Europe.

Plus de qualité, plus d’inégalités ?

De façon générale, on observe une obligation croissante de contrôle et de qualité des soins dispensés. Cependant, la place centrale attribuée à l’usager participe sans doute à le rendre intransigeant face aux éventuelles erreurs. De façon parallèle à ce niveau de soins que l’on veut maximal, le recours à la privatisation du secteur va à l’encontre d’une facilitation de l’accès au système. Il semblerait que l’on évolue vers plus de qualité… mais au prix de nouvelles inégalités dans l’accès aux soins.

L’hétérogénéité des systèmes rendant difficile une harmonisation, une Europe sociale pourrait, par exemple, trouver toute sa place dans la définition des objectifs et l’évaluation des politiques de santé.

Vos commentaires
  • Le 4 février 2009 à 20:56, par Martina Latina En réponse à : Diagnostic de l’hôpital en Europe

    Merci pour cet article précis et lucide : la santé n’est-elle pas le bien le plus précieux, mais également le plus fragile, d’une personne comme d’une collectivité ? Sa protection mérite donc en priorité de mobiliser et de fédérer les efforts de l’Union Européenne : car l’harmonisation dans ce domaine est exigeante autant qu’urgente. C’est dire combien je suis d’accord avec votre conclusion ; j’y ajoute même la proposition de Walter Cerfeda, Secrétaire de la Confédération européenne des Syndicats, publiée hier par LA CROIX au sujet du « plan de relance » : « Il faut aussi lancer un plan européen pour la protection sociale ».

  • Le 9 février 2012 à 21:36, par stéphane En réponse à : Diagnostic de l’hôpital en Europe

    Bonjour, la dénomination ’Hôpital européen" pour l’hôpital Georges Pompidou de Paris procède-t-il d’un statut particulier de coopération européenne ?

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