Parlement européen

Discours de Sarkozy au Parlement européen : une vision très française de l’Europe

Discours du 13 novembre 2007

, par Fabien Cazenave

Discours de Sarkozy au Parlement européen : une vision très française de l'Europe

Nicolas Sarkozy a fait un discours devant le Parlement européen à Strasbourg, le mardi 13 novembre 2007. Trois choses importantes ressortent : la ratification par voie parlementaire du traité de Lisbonne, l’appel à la constitution d’une défense européenne et une vision très française de l’Europe.

Ce premier discours de Nicolas Sarkozy intervient dans un cadre un peu spécial puisque la tension sociale est très forte en France cette semaine, avec notamment une partie de ceux qui avaient porté le non de gauche pendant le référendum de 2005 qui manifestent contre sa politique.

Mais le président de la République française s’exprime aussi quelques semaines après le sommet qui a aboutit au traité de Lisbonne. Il s’exprimait donc dans un cadre européen, peu de temps après que le Parti Socialiste, que le Modem et que l’UMP se soient exprimés en faveur de la ratification.

Pour la ratification du traité de Lisbonne... par voie parlementaire

M. Sarkozy a clairement exprimé son choix : « faire ratifier [...] par le Parlement, comme je l’avais dit lors de la campagne présidentielle. J’ai été autorisé par le peuple français à faire ratifier le traité simplifié par le parlement. » Le but de ce discours est en partie de justifier ce choix puisque l’actualité européenne est encore marquée par le débat institutionnel.

Pour ce faire, Nicolas Sarkozy emploie une comparaison pas très réussie : « il me semble curieux de dire que le Parlement européen est l’endroit où bât le coeur démocratique de l’Europe, et contester qu’une ratification parlementaire soit démocratique, parce que si l’Europe est démocratique au Parlement européen, la France est démocratique au Parlement français. » Passons.

Plus intéressant, la vision du traité de Lisbonne par le Président. En effet, le traité par rapport au défunt TCE est un « autre projet moins ambitieux » où les pays ayant déjà ratifié ont su faire les « efforts » nécessaires.

M. Sarkozy est très marqué par une vision intergouvernementale de la construction européenne : « la volonté politique de chefs d’États et de Gouvernements différents a balayé tous les obstacles qui paraissaient jusque-là insurmontables » en parlant des négociations de Lisbonne. Faut-il rappeler que le chantage de l’intérêt national a abouti justement à un résultat « moins ambitieux » ?

Tout du moins, reconnaissons-lui qu’il préfère « la règle de la majorité à la règle de l’unanimité ».

La présidence française de l’Union : le temps des politiques européennes

Nicolas Sarkozy le dit clairement, « le traité simplifié résout la crise institutionnelle, mais il ne résout pas la crise politique et la crise morale l’Europe. » Le temps des politiques européennes est venu.

La présidence française va ainsi être l’objet de multiples projets :
 refondation de la politique agricole commune (PAC)
 question de la fiscalité écologique
 l’indépendance énergétique
 la défense européenne.

Ces sujets sont en fait déjà prévues au calendrier européen. La question de la PAC, par exemple, interviendra forcément au moment des discussions budgétaires qui interviendront mi-2008.

Plus novateur, la question de la défense européenne semble être un cheval de bataille du chef de l’État : déjà au moment du défilé du 14 juillet 2006, le Président de la République avait voulu faire participer tous les pays européens lors du défilé militaire... national.

Veut-il relever le pari perdu de la Communauté européenne de défense de 1954 ? Est-ce pour cela qu’il tient tant à ce que l’Angleterre « ratifie le Traité simplifié, parce que l’Europe a besoin de l’Angleterre » ?

Les mots les plus utilisés par Nicolas Sarkozy

En utilisant le logiciel en ligne Many Eyes [1], on s’aperçoit que les mots les plus utilisés par Nicolas Sarkozy sont (en dehors des mots comme européens et Europe) dans l’ordre alphabétique :
 crise (12 fois)
 débat, débattre (12 fois)
 démocratie, démocratique (20 fois)
 faire, faut (22 fois)
 France,français (28 fois)
 parce que (18 fois)
 peuples (19 fois)
 politique, politiques (31 fois)

On le voit, le discours volontariste du président vient défendre sa vision de la sortie de crise européenne.

Un discours trop ancré dans une vision française de l’Europe

Gros reproche que nous pouvons faire à M. Sarkozy, c’est bien sa manière de parler de la France à toutes les sauces. À croire que sans la France, l’Europe n’a pas d’avenir. Peu de mots pour ses partenaires et sur les projets à mener ensemble avec les Allemands par exemple ou d’autres pays. On pourrait ainsi croire que le président français pense que la dynamique européenne serait portée par la France.

C’est en même temps le reproche que l’on fait très souvent aux Français. Mais c’est aussi le résultat d’une manière de procéder que connaît actuellement l’Europe : les conférences intergouvernementales ont du mal à avancer du fait de la prééminence des intérêts nationaux sur l’intérêt général. Nicolas Sarkozy considère pourtant que le traité de Lisbonne est une victoire d’une « Europe politique ».

Nos gouvernants doivent se souvenir de la vision de Jean Monnet : unir les hommes au-delà des États. La défense européenne peut être une voie. Passons de la parole aux actes.

Illustration : Nicolas Sarkozy au Parlement européen, source : Parlement européen

Notes

[1édité par IBM en version Bêta, merci à Lucrecius pour nous l’avoir fait découvrir

Vos commentaires
  • Le 14 novembre 2007 à 11:44, par Ronan En réponse à : Discours de Sarkozy au Parlement européen : une vision très française de l’Europe

    « Il faut débattre parce que, temps de crise ou pas, les français aiment la politique »

    ou « Il ne faut surtout pas débattre parce que, surtout en temps de crise, les français en ont absolument rien à f... de la politique »

    (i. e : de la limite méthodologique des analyses strictement numérologiques...) ; - )) (Souvenez-vous du ’’comptage’’ effectué par ATTAC quant à la présence récurente de certains mots clefs dans le TCE...).

    PS : ’’Il faut, il faut, il faut...’’. Je crois surtout qu’il ne faut pas confondre raisonnement politique et pensée magique, volontarisme (affiché) et verbiage, agitation superficielle et action véritable, communication médiatique et action politique, projets véritables et rideaux de fumée...

    Jusqu’ici - sur les questions européennes, en tout cas - le président de la république est (avec le récent Traité de Lisbonne, en tout cas...) passé maître dans l’art de nous faire passer des vessies (médiocres) pour des lanternes (géniales). Le tout relayé par des mass-média souvent obséquieux, sinon serviles.

    Pour ce qui le concerne (et ce, dernier en date, nouveau catalogue de bonnes intentions affichées...) (voeux pieux ?!), qu’il passe donc enfin de la parole aux actes. Donc !!!

Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom