Du multilinguisme en Europe...

Une introduction au dossier...

, par La Rédaction du Taurillon

Du multilinguisme en Europe...

Lors de la semaine qui vient de s’écouler, le « Taurillon » a pris le parti d’ouvrir un dossier spécialement consacré au multilinguisme dans l’Union europénne. Une question politique, culturelle mais aussi passionnante (voire passionnelle...) qui nous a valu un abondant courrier...

D’où la nécessité de cette brève introduction : afin de faire un point très rapide sur la question et pour bien mettre toutes ces choses en perspective.

« Europe Babel ?! »

Les récents échecs relatifs des Sommets européens de Bruxelles (de juin dernier) et de Lahti (en cette fin octobre...) nous ont montré que, malgré leurs convergences de vue par ailleurs tant proclammées, les Européens se comprennent décidément bien mal aujourd’hui.

Or, si la diversité linguistique fait effectivement notre richesse [1] cette même diversité irréductible semble parfois rendre bien difficile la compréhension entre les peuples d’Europe.

Il s’agit là - certes, bien entendu - d’un grand trésor linguistique mais celui-ci s’avère cependant bien difficile à protéger à une époque où le ’’rouleau compresseur’’ du ’’tout anglais’’ semble tout laminer. Et ce, jusque dans les institutions communautaires [2]...

Voilà en tout cas un sujet plus que sensible tant l’attachement à nos langues nationales (et au respect qui leur est dû) semble relever de l’attachement identitaire de chacun d’entre nous à sa ’’première (parfois petite) patrie’’...

Le multilinguisme officiel, et ses limites...

La Tour de Babel, le fameux tableau de Brueghel

De surcroit, l’adhésion à l’UE (en mai 2004) des dix nouveaux Etats membres a effectivement fait ’’exploser’’ la charge de travail des services de traduction communautaires, donnant là un argument de plus aux critiques considérant que l’UE devient - décidément - une vraie ’’tour de Babel’’.

Ainsi en janvier 2007 [3], le gaélique d’Irlande deviendra la 21e langue officielle de l’UE. Et, suite aux prochaines adhésions de la Bulgarie et de la Roumanie à l’UE (ce même 1er janvier 2007...), le roumain et le bulgare devraient à leur tour bientôt suivre...

Mais n’est-on pas effectivement là en train d’atteindre les limites du multilinguisme au sein de l’Union ?

En effet, avec 21 langues officielles, le service de traduction de l’Union européenne est aujourd’hui le plus grand service de traduction du monde actuel [4]. Et ce, avec 2 à 4000 traducteurs et interprêtes employés à plein temps. Et cela n’est pas sans coût : lesquels sont aujourd’hui évalués à environ 800 millions à 1 milliard d’euro par an.

Des dépenses colossales et un chaos ’’pittoresque’’ qui s’expliquent à la fois par la vanité politique des Etats mais, aussi (motif juridique incontournable et, somme toute, convaincant...), par la nécessité absolue que chacun des citoyens de l’Union puisse - faute de ’’langue commune’’ encore à l’heure actuelle - avoir accès au Droit européen commun. Et ce, dans sa propre langue...

Le Logo officiel des célébrations de mars prochain (en anglais)

En tout cas voilà une situation linguistique complexe, provoquée par l’élargissement, qui a donc ramené le sujet d’une ’’lingua franca’’ européenne à l’ordre du jour : une seconde langue commune pour chacun des citoyens européens.

Doit-on privilégier l’anglais (?!) comme cela semble être - de facto - effectivement le cas aujourd’hui (bien que personne n’ose le dire très franchement...). Doit-on envisager la possibilité d’une langue auxiliaire neutre, telle l’espéranto ?! (Comme on l’a vu dans ce dossier, certains y pensent et leurs arguments ne sont effectivement pas sans intérêt...).

Faire naître un espace public européen

Dans son fameux « Arrêt Maastricht » de 1993, la Cour constitutionnelle fédérale allemande avait déjà émis quelques doutes quant à la possibilité de l’Union européenne à devenir un jour une véritable démocratie, vu l’absence d’un espace public commun et d’un véritable débat européen.

Or, qu’est-ce qui manque alors pour faire naître la démocratie européenne ? Une langue européenne ? Non, pas seulement. Sinon comment expliquer l’existence d’une démocratie comme la Suisse ou dans un espace politique aussi complexe que l’Inde [5] d’aujourd’hui ?

Le Parlement européen, à Strasbourg (Sources : wikipédia)

Non pas que le paramètre linguistique ne soit pas important. Mais outre une éventuelle véritable ’’langue commune’’, ce qui manque sans doute également à l’Europe c’est surtout aussi le ’’décloisonnement’’ de nos espaces publics nationaux et la naissance d’un véritable espace public transnational européen.

Ce qui devrait davantage être le cas, notamment lors des élections européennes. Et ce qui manque tant, aujourd’hui : faute de véritables partis politiques européens, faute - à cette occasion - de listes européennes et faute de véritables campagnes électorales transnationales...

Ainsi qu’une presse européenne qui traite de sujets européens visant un public européen aujourd’hui en devenir. Et de nombreuses initiatives européennes et/ou multilingues, associatives ou publiques, telles que le « Taurillon » (ou « Café Babel » & « Euronews »...) veulent aujourd’hui répondre à cette nécessité actuelle.

De modestes webzines (comme le nôtre...) ou de nouveaux médias dont le but est non seulement de défendre la diversité linguistique, certes... mais aussi d’exprimer leur intérêt, leur projet, leur passion, leur amour pour l’Europe.

Et, pour ce qui nous concerne ici, d’exposer ici un véritable projet politique pour l’avenir : celui d’une Europe unie, unie dans la diversité mais unie comme si elle ne faisait qu’une. Europe fédérale, maintenant !

Ronan Blaise (pour la rédaction)

- Illustration :

Juste préciser que le visuel d’ouverture de cet article a été élaboré spécialement pour ce dossier par Markus Koljonen (JEF-Finland).

- A lire :

Le dossier de nos confrères de « Café babel » (www.cafebabel.com) consacré à cette question : « L’Europe des malentendus ».

Mots-clés
Notes

[1Nb : L’Europe compte aujourd’hui environ 250 langues (soit pourtant seulement 3,5% des langues de l’humanité actuelle...), dont la majorité d’entre elles sont des langues minoritaires ou ’’non officielles’’...

[2Comme le semble effectivement le démontrer le récent choix d’un logo très clairement anglophone pour le 50’ anniversaire des Traités de Rome...

[3Décision du 13 juin 2005.

[4A titre de comparaison, soulignons juste que l’ONU et ses presque 200 Etats aujourd’hui membres n’utilisent aujourd’hui que six langues de travail...

[5L’Inde ou - plus officiellement - l’Union indienne : un pays qui compte aujourd’hui environ 1 milliard d’habitants et près de 150 langues (dont plus d’une trentaine de celles-ci sont aujourd’hui parlées par plus d’un million de personnes...).

L’Union indienne : un Etat fédéral aujourd’hui composé de 25 Etats et sept ’’territoires autonomes’’ (disposant de leur autonomie linguistique) ; une Union indienne dont l’hindi a été proclammé langue officielle de l’Union par la Constitution de 1950 (alors rédigée en anglais...), l’anglais se voyant par la suite (i. e : en 1965) confirmé dans un statut similaire...

Vos commentaires
  • Le 4 novembre 2006 à 13:59, par krokodilo En réponse à : Du multilinguisme en Europe...

    Bravo encore pour avoir ouvert un vrai dossier sur ce sujet trop souvent passé sous silence, et pour avoir permis à des opinions minoritaires de s’exprimer. D’autant plus que vous collez à l’actualité : ces jours-ci le scandale du logo en anglais, et dans un mois le démarrage de la très controversée chaîne télé France 24 en anglais (avec des promesses d’arabe et d’espagnol pour faire passer la pilule), qui aurait mieux porté le nom de VOF, Voice of France ! J’espère que vous en relaterez le démarrage et les réactions, y a du boulot !

  • Le 5 novembre 2006 à 12:04, par Sciuro En réponse à : Du multilinguisme en Europe...

    A lire au sujet des langues en Europe le très intéressant rapport Grin commandé par le Haut conseil de l’évaluation de l’école dans lequel sont comparés les différents aspects ce qu’impliquerait l’instauration de telle ou telle politique linguistique dans l’Union européenne. Trois scénarios de base sont considérés : le « tout-à-l’anglais », le « plurilinguisme » et « l’espéranto ».

  • Le 6 novembre 2006 à 11:20, par Alexandre En réponse à : Du multilinguisme en Europe...

    Merci Ronan pour le lien vers cafebabel.com ! Je crois en effet que l’enjeu du multilinguisme est déterminant en Europe ! Et je pense que vous faites un bel effort de votre côté également !

  • Le 7 novembre 2006 à 10:24, par Asphodèle En réponse à : Du multilinguisme en Europe...

    Merci beaucoup pour vos articles et votre ouverture d’esprit Ronan !

    L’authenticité et l’intégrité se faisant de plus en plus rares de nos jours, nous apprécions, d’autant plus, les journalistes qui démontrent brillamment que cela existe encore ! Quel réconfort !

    Bravo pour ces réflexions sur le multilinguisme en Europe et vos commentaires à propos de cette merveilleuse langue : l’Espéranto !

    Asphodèle

  • Le 14 novembre 2006 à 14:03, par ? En réponse à : Du multilinguisme en Europe...

    L’Europe est multilingue ; c’est un fait. Cela ne veut pas dire que les européens sont multilingues. De fait, seuls un tout petit nombre d’européens sont capables de s’exprimer couramment dans une langue autre que la leur. Le problème, c’est que la Commission et les autres institutions européennes sont infiltrées par une armée d’eurocrates anglophones qui n’en ont cure et qui méprisent les européens dont la langue maternelle n’est pas l’anglais. Quand les eurocrates parlent de multilinguisme, ils sous-entendent : les non anglophones doivent commencer par apprendre l’anglais pour avoir le droit de mendier auprès des seigneurs anglophones qui monopolisent le pouvoir et confisquent la démocratie.

    Sans démocratie linguistique - pas de démocratie tout court !

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