La question de l’adhésion de la Turquie suscite, sur le terrain plutôt stérile de l’espace public européen, un clivage politique fort – peut-être sans précédant – à la fois chez les élites et les opinions publiques. La Turquie est-elle européenne ? C’est que derrière cette question se dessine les contours d’une terra incognita : qu’est-ce que l’Europe ?
La question turque doit en effet se retourner. Avant de s’interroger sur la qualité européenne ou non de la Turquie, de son aptitude à intégrer l’Union européenne, à s’insérer dans le projet européen, il faut d’abord répondre à la question fondamentale de la nature de l’Union européenne. Quelle identité, quelle ambition, quel rêve pour le projet européen ?
La Turquie, tel un miroir, nous renvoie de manière cruelle nos propres questionnements. Et pas d’échappatoire cette fois-ci. L’Europe, au pied du mur, ne peut plus fuir l’épreuve d’introspection. Espace de libre-échange poussé ou entité politique supranationale ? Club chrétien ou construction cosmopolitique ?
Le Taurillon propose cette semaine une série d’article sur l’adhésion de la Turquie à l’Union : articles de fond, entretiens, compte rendu de conférence, recension d’ouvrage sur le sujet. Si la présidence de l’Union et la crise financière ont pu éclipser un temps cette thématique, la radicalité des questions suscitées par celle-ci en fera, soyons en sûr, un des thèmes majeurs des élections européennes de 2009 et du débat public européen pour les années à venir.
Oui à la Turquie pour les uns (Michel Rocard, les blogs « Oui à la Turquie » et « Turquie européenne »), hésitations, doutes, voire gênes ou rejet péremptoire pour les autres (vues d’Autriche et de la diaspora arménienne d’Europe – la Fédération Euro-Arménienne). Le Taurillon s’efforce, à travers cette série d’articles, de rapporter l’état de la question, les points de vues multiples, convergences et divergences, contradictions entre les uns et les autres, contradictions en chacun des uns et des autres.
La Turquie, début de notre Orient, joue le rôle d’une boussole ou plutôt de chemin intérieur dont l’Europe devra en arpenter les sinuosités, au risque de se perdre.
Au bout, un univers de futurs possibles : Europe puissance, Europe du marché, Europe stérile, Europe à géométrie variable, à cercles concentriques, Europe dissoute, Europe fédération cosmopolitique…
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