Élection présidentielle 2013 : un nouvel élan pour la Géorgie

, par Melody Wenz

Élection présidentielle 2013 : un nouvel élan pour la Géorgie
Propagande électorale en Géorgie Par Anna Woźniak

L’élection présidentielle géorgienne, qui s’est tenue le 27 octobre 2013, marque la fin de treize mois de tensions politiques internes au sein d’une cohabitation chaotique entre le pouvoir présidentiel de Mikheïl Saakachvili et la récente coalition « Rêve géorgien » de Bidzina Ivanichvili. Les résultats confirment à la fois l’entrain des citoyens géorgiens pour le gouvernement d’Ivanichvili et la détermination de mener à son terme la politique de Saakachvili. Selon Dalia Grybauskaite, présidente lituanienne, « la Géorgie a réussi un nouveau test de démocratie ».

Une campagne électorale passive

L’environnement de la campagne électorale pour les présidentielles a été nettement plus calme qu’il ne l’était lors des élections parlementaires de 2012, notamment en terme de couverture médiatique. Les programmes des partis politiques en période préélectorale ont peu touché la population, d’autant plus que la plupart des candidats – au nombre de vingt-trois – étaient des figures peu connues.

Dix candidats ont été nominés par l’intermédiaire de leur parti politique, et treize autres se sont présentés de manière indépendante. Au total, trente et une candidatures ont été rejetées par la Commission électorale centrale, dont celle de Salomé Zourabichvili. Officiellement publiés un mois avant les élections, les programmes électoraux de chacun des candidats se rejoignent tous sur le besoin d’entreprendre des réformes économiques et sociales majeures et d’améliorer le système de santé et d’accès aux soins.

Certains appellent à l’établissement d’une justice indépendante, qui est l’une des mesures majeures du nouveau gouvernement depuis les législatives d’octobre 2012. D’autres se concentrent sur l’avenir des relations bilatérales avec la Russie et sur le respect de l’intégrité territoriale. Enfin, le rapprochement avec l’Union européenne et l’OTAN reste, semble-t-il, dans l’ordre des priorités.

Trois candidats ont su se démarquer des autres durant la campagne électorale : Guiorgui Margvelachvili (coalition « Rêve géorgien »), David Bakradze (Mouvement national uni, MNU) et Nino Burjanadze (Mouvement démocratique - Géorgie unie).

Le « Rêve géorgien » remporte l’élection présidentielle

Le candidat de la coalition « Rêve géorgien », Guiorgui Margvelachvili, a remporté l’élection dès le premier tour avec 62,11% des suffrages. Cet intellectuel renommé et peu charismatique a été présenté le 11 mai 2013, sans primaire, comme le candidat présidentiel de la coalition orchestrée par le mécène Bidzina Ivanishvili.

Suite à la victoire du « Rêve géorgien » aux élections législatives d’octobre 2012, Margvelachvili fut nommé ministre de l’Education et de la Science. Il a renoué avec la sphère politique dès son arrivée au ministère de la Culture, où il a marqué sa volonté de réformer en profondeur le système éducatif géorgien. Connu et reconnu des milieux intellectuels – ancien recteur de l’Institut géorgien des Affaires publiques, il est diplômé de philosophie et de sociologie –, il demeure un personnage effacé en politique dû à son manque d’expérience et n’a pas hésité à se présenter comme étant « l’homme d’Ivanichvili ».

Ces derniers mois, Ivanichvili a usé de sa popularité pour introduire son candidat et encourager l’électorat à voter pour le « seul candidat à la présidence de Géorgie ». Reste à savoir si la coalition tiendra le cap sans Ivanichvili, qui a annoncé son intention de démissionner après les élections présidentielles . Il importe de rappeler que ce mécène, longtemps resté dans l’ombre, est parvenu à rassembler les Géorgiens, fatigués de la politique offensive de Mikhaïl Saakachvili et déçus de la manière dont il a « joué » avec le pays.

L’investiture du nouveau président Giorgi Margvelachvili le 17 novembre 2013 marquera la fin de la cohabitation en place depuis près d’un an en Géorgie. Désormais, il faut s’attendre à une recomposition du paysage politique géorgien suite à l’affaiblissement du parti de Saakachvili (MNU).

L’orientation de la politique étrangère du pays devrait, quant à elle, être maintenue : Margvelachvili a promis de normaliser les relations avec la Russie et d’encadrer les perspectives de dialogue avec les entités séparatistes, tout en maintenant la cap sur l’intégration euro-atlantique. Par ailleurs, il faut savoir que les amendements constitutionnels adoptés en 2010 et 2013 réduisent considérablement les pouvoirs du président de la République en faveur du Premier ministre et du Parlement. Ceux-ci entreront en vigueur avec l’inauguration du nouveau Président.

Plus d’espoir pour Saakachvili : les dernières cartes ont été jouées

Après dix années au pouvoir, l’icône de la Révolution des Roses, Mikheïl Saakachvili, aura fini par lasser les Géorgiens, qui sortent exaspérés par son attitude provocatrice et de ses discours agressifs sur « l’ennemi traditionnel », la Russie. A présent, il va devoir répondre de nombreuses accusations dans des affaires financières ou administratives. Le résultat de l’élection présidentielle ne vient que confirmer le déclin du MNU depuis une première défaite aux élections législatives de 2012.

Chantre de l’intégration euro-atlantique, il a toujours défendu la tenue d’un dialogue soutenu avec l’Union européenne et l’OTAN.

Le gouvernement du Premier ministre Ivanichvili est parvenu en une année à démanteler des structures de l’ancien gouvernement. Toutefois, la solidité des institutions mises en place sous l’ère Saakachvili a permis à la nouvelle majorité d’opérer sans difficulté dans un Etat fonctionnel.

Le parti de l’opposition (MNU) n’est pas parvenu à se reconstruire durant la cohabitation, ni à regagner la confiance des citoyens. Notons que durant sa campagne électorale, le candidat Davit Bakradze s’est montré modéré en adoptant des propos mesurés à l’égard de son adversaire, ce qui explique le score favorable de 22% au scrutin de 2013. Il a su faire preuve d’audace à l’issue de l’annonce des premiers résultats le jour de l’élection en félicitant son adversaire pour sa victoire et n’a pas manqué de communiquer son soutien et sa volonté de travailler avec le nouveau Président.

Cette attitude de l’opposition – qui a agréablement surpris les Géorgiens – permet d’envisager une transition pacifique. Il aura certainement un rôle important à jouer en tant que leader de l’opposition sous peine de se distancier de l’héritage jugé « négatif » de l’ère Saakachvili.

Perspectives : ce qui attend la Géorgie

L’élection présidentielle de 2013 – à défaut d’être parvenue à s’inscrire dans un climat calme et serein – annonce tout de même de grands changements politiques avec notamment le départ du président Saakachvili au terme de ces dix années au pouvoir et le retrait de la scène politique du Premier ministre Ivanichvili.

• Le départ annoncé de Bidzina Ivanichvili pourrait entraîner l’éclatement de la coalition « Rêve géorgien », tourmentée par des dissensions entre partis qui composent la coalition. Une coalition qui n’a plus lieu d’être aujourd’hui ? Rappelons que ce qui a permis, dans les grandes lignes, au « Rêve géorgien » de subsister depuis 2012, c’est surtout l’alignement contre à la fois le président Saakachvili et son parti, le MNU. Une fois que le président Saakachvili aura quitté la scène politique, la question se posera donc de l’avenir de la coalition au pouvoir.

• Le gouvernement continue de s’engager sur le vaste plan des réformes conformément aux promesses de campagne de la coalition « Rêve géorgien » lors des législatives de 2012. Ainsi, il faut d’ores et déjà saluer la refonte du système judiciaire (avec un accent sur l’indépendance de l’appareil judiciaire) et la mise en place d’un code du travail conforme aux normes européennes et internationales. Enfin, la modernisation du secteur agricole devrait se poursuivre – secteur qui emploie plus de la moitié de la population active pour une contribution au PIB de l’ordre de 7%.

• Il faut s’attendre par ailleurs à une poursuite de la normalisation des relations avec le voisin russe et l’initialisation d’échanges plus soutenus avec les autorités des deux entités séparatistes, l’Abkhazie et l’Ossétie du sud, surtout après les Jeux olympiques de Sotchi en février 2014.

• Depuis 2003, la Géorgie a toujours fait preuve d’ouverture sur les questions européennes et a démontré son souhait de se rapprocher de l’Union européenne et de l’OTAN. Le « Rêve géorgien » entend poursuivre cette stratégie : à l’occasion du sommet du Partenariat oriental à Vilnius à la fin du mois de novembre, Tbilissi espère bien parapher un accord d’association avec l’Union européenne.

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