En quoi le Parlement européen doit-il refuser ce budget ?

, par Ferghane Azihari

En quoi le Parlement européen doit-il refuser ce budget ?
Session plénière de février - Source : FlickR du Parlement européen

Le 8 février 2013, le Conseil européen est parvenu à un accord quant au cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020. Alors que M. Van Rompuy, président de l’institution, soulignait que ce budget « témoigne du sens de la responsabilité collective qui anime les dirigeants européens », il conviendra plutôt de démontrer en quoi les « intérêts nationaux respectifs » ont eu raison de l’intérêt général.

Il convient dans un premier temps d’éviter d’éventuelles confusions. Le budget est l’acte par lequel on convient des dépenses et des recettes. Celui de l’Union européenne provient quasi-intégralement des contributions nationales. Le budget prévu pour la prochaine période de 2014-2020 n’a pas baissé en valeur absolue puisque les sommes allouées sont supérieures à l’exercice budgétaire précédent. C’est en valeur relative que le budget est moins important, le pourcentage du revenu national brut (RNB) sur lequel on se fonde pour allouer les ressources étant revu à la baisse. Ceci témoigne donc d’un repli national qui conduit chacun à être un peu plus avare au détriment de l’intérêt général, oubliant bien trop souvent que l’intérêt national sera in fine le corollaire de l’intérêt européen.

Le budget européen : une défiance idéologique et pragmatique

Si l’Union européenne est supposée être porteuse d’un certain idéal social et de solidarité, force est de constater que les gouvernements lui ont porté un coup. Prenons un exemple concret. En effet dans le cadre financier précédent, celui de la période 2007-2013, environ 0,399 % du RNB était destiné à la « cohésion pour la croissance et l’emploi ». Qu’est-ce que ce programme ? Il regroupe une multitude de fonds : le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen ou encore le Fonds de cohésion. Tous ces fonds ont pour objectif de favoriser la réduction des disparités régionales européennes en investissant dans les projets locaux, élever les niveaux de vie etc. Or ce budget a en pourcentage été revu à la baisse (0,339% du RNB), preuve d’une défiance accrue vis-à-vis du concept de justice sociale ou plutôt en l’espèce de « justice régionale », une des conditions pourtant de l’efficacité économique.

La baisse la plus substantielle concerne la rubrique « Conservation et gestion des ressources naturelles ». Concrètement, les États ont décidé d’allouer moins de ressources à l’agriculture et à l’entretien des politiques environnementales et cela en valeur absolue. Sachant que l’environnement est l’affaire majeure du XXIe siècle, on est en droit de se demander si le long terme anime réellement les réflexions de nos hommes politiques.

Plus généralement maintenant, si l’on regarde les données, on observe que pratiquement 94 % des sommes allouées à l’UE sont redistribuées vers les États. On peut donc qualifier de calamiteuses les négociations qui ont conduit à adopter à budget inférieur à 1% du RNB de l’Union quand on sait que les États-Unis consacrent près de 30 % de leurs richesses. En effet un budget incapable, ce sont des politiques européennes moins ambitieuses, moins fortes ayant donc in fine moins de retombées à l’égard du citoyen.

Que faut-il retenir de ce rabais historique ?

Dans un premier temps, décider du budget selon un processus intergouvernemental est totalement contre-productif. Les Etats ont tendance à agir selon leurs propres intérêts. Sachant cela, il n’est pas choquant de penser que le budget européen doit être décidé par une institution véritablement européenne, c’est-à-dire supranationale. Le Parlement européen est ainsi l’institution la mieux placée conformément aux traditions démocratiques.

Dans un second temps, le budget européen doit provenir de ressources dites propres. On entend par ressources propres des financements qui ne proviennent pas de contributions directes d’États. Ces ressources existent déjà (taxes douanières, un pourcentage minime de la TVA ; amendes et astreintes prononcées par la Cour de justice de l’UE...) mais ne concernent qu’un infime pourcentage. Ce besoin de ressources propres peut aussi être utilisé comme argument rationnel quant à l’instauration d’une véritable fiscalité supranationale... même si on peut se demander si quoi qu’il arrive, une fiscalité supranationale ne frustrera pas les États car qui dit taxe européenne dit aussi perte de pouvoir au sein des institutions européennes pour eux.

Si les États prônent la rigueur chez eux il doit en être de même pour l’Europe ? Absolument pas. Tommaso Padoa-Schioppa économiste et homme politique européen qui nous a malheureusement récemment quitté, énonçait « aux États la rigueur, à l’Europe la croissance ». Cette idée illustre bien la valeur ajoutée qui résulte de l’intervention de l’UE dans bien des domaines conformément au principe de subsidiarité. La stratégie qu’elle soit économique, industrielle ou relative à la recherche peut être considérée dans le champ susmentionné.

Doit-on appeler à une fronde du Parlement ?

Le Parlement a deux choix : accepter le budget (en décidant ou pas de l’amender) ou le refuser auquel cas nous repartirons avec le budget précédent (tout aussi amendable). Ces possibilités mettent en lumière une véritable carence démocratique : le Parlement n’a pas son mot à dire quant à l’enveloppe accordée à l’UE.

On pourrait alors opposer à cela : puisque ce sont les États qui financent l’UE, n’est-il pas normal qu’ils décident ? Mais l’argument n’est pas recevable. Dans un premier temps, cet argent provient d’abord du contribuable européen censé être représenté par le Parlement. Dans un second temps, museler le Parlement à ce point sur une question aussi centrale que le budget est une humiliation supplémentaire vis-à-vis de cette institution. Le pouvoir budgétaire est l’un des tous premiers acquis de l’histoire de toutes les constructions démocratiques. Comment justifier un tel retard à l’échelle européenne au XXIe siècle ?

Il semble dans ces conditions que ce repli est un mauvais signal pour la construction européenne déjà mal menée par la crise. Au cours de l’histoire communautaire, le Parlement s’est déjà plusieurs fois rebellé. Sa fronde enverrait un signal fort et affermirait l’autorité de l’institution et son implication dans la sauvegarde des intérêts européens vis-à-vis des égoïsmes nationaux.

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