Enseignement supérieur et Europe

Erasmus Mundus 2009 – 2013 : le vrai décollage de l’enseignement supérieur dans le monde ?

, par Grégoire Guillard

Erasmus Mundus 2009 – 2013 : le vrai décollage de l'enseignement supérieur dans le monde ?

Le programme européen, lancé en 2003, visant à promouvoir l’Union européenne en tant que centre d’excellence de l’apprentissage à l’échelle mondiale a récemment fait l’objet d’une évaluation externe qui pointe ses atouts et ses faiblesses, en prévision d’une éventuelle reconduction entre 2009 et 2013. Déposée en juillet 2007, une proposition présentée par la Commission au Conseil et au Parlement européen vise à reconduire le programme, moyennant des réformes substantielles. Quelles sont les points forts et points faibles soulignés à l’occasion de cet audit ? Quelles sont les points de vue des principaux acteurs intéressés par cette politique ?

La question est de savoir si un programme de coopération universitaire de niveau européen produit une valeur ajoutée suffisante, justifiant la primauté sur les politiques bilatérales des Etats membres. Elle pose l’enjeu de la subsidiarité et la proportionnalité d’une action européenne relative à la compétence partagée avec les Etats membre qu’est l’enseignement supérieur.

Le programme Erasmus Mundus : rappel

Le programme Erasmus Mundus s’articule autour de 4 actions spécifiques : l’organisation de masters communs, comprenant des cours intégrés de niveau « master » proposés par au moins 3 universités européennes, l’octroi de bourses aux étudiants et universitaires des pays tiers et l’organisation de partenariats entre établissements européens et tiers et enfin le soutien à des projets renforçant l’attrait international de l’enseignement supérieur européen.

Une évaluation externe qui pointe un succès global mais des améliorations nécessaires

Une évaluation externe de l’actuel programme, menée en 2007, souligne le lancement réussi du programme mais pointe certaines lacunes ou insuffisances. Sur la base de cet audit, trois équations sont proposées à la Commission :
 le maintien tel quel du programme,
 sa poursuite avec des modifications substantielles,
 son abandon pur et simple.

Tout d’abord, les résultats du programme pour 2003 - 2007 sont encourageants : fin 2006, ont émergé 80 masters Erasmus Mundus, 2325 bourses pour des étudiants étrangers ont été distribuées, 23 projets ont permis de renforcer l’attrait de l’enseignement supérieur mais seulement 19 partenariats entre établissements européens et étrangers ont pu voir le jour. Toutes les disciplines universitaires sont représentées, avec une dominante pour les cursus d’ingénierie et de sciences naturelles.

Globalement, les auditeurs constatent que l’enthousiasme est de mise parmi les étudiants et les établissements participants, pour qui le programme contribue à la promotion de l’excellence universitaire européenne au travers de la délivrance de diplômes communs ou du travail conjoint dans certaines disciplines. A titre d’exemple, lire les témoignages de deux étudiants ayant profité du programme : http://www.europe-education-formation.fr/erasmus-mundus-temoignage.php.

Le programme est en cohésion avec les objectifs politiques européens tels que la Stratégie de Lisbonne et son pendant relatif à l’éducation (programme « Education et formation 2010 ») et plus précisément le processus dits de « Bologne », dont l’enjeu est la promotion de la dimension européenne de l’éducation, de la mobilité et des diplômes communs. Un des éléments de valeur ajoutée d’Erasmus Mundus réside notamment en ce qu’il prévoit l’obligation de mobilité transnationale (dans au moins deux pays différents de l’Union), ce qui incite à des échanges culturels d’expériences. Le « brassage » des cultures est ainsi attesté par la bonne distribution des nationalités.

Les auditeurs ont aussi constaté que le programme a un effet positif sur les pays européens non dotés d’un cadre juridique pour la validation de diplômes communs : il a permis la mise en place de structures efficaces de diplômes communs. Il a aussi permis de modifier les cursus universitaires existants voire de les sauvegarder. Concernant sa mise en œuvre, l’évaluation est plutôt positive : le travail de l’Agence exécutive européenne EACEA semble efficace aux dires des bénéficiaires, même si les universités participant restent globalement sous subventionnés.

Toutefois, certains défauts ou lacunes sont observables. Nuisent-ils à l’ambition globale du programme ? Ils résident essentiellement :
 dans les faibles taux de partenariats entre établissements européens et étrangers,
 dans une trop faible enveloppe financière consacrée à la mobilité des étudiants européens à l’étranger,
 une moindre représentation de certains pays européens dans la mise en œuvre du programme ou encore dans les problèmes d’obtention de visas aux étudiants issus des pays tiers,
 l’inégale représentation d’étudiants européens et non européens dans les masters Erasmus Mundus impacte sur la richesse de l’expérience (intellectuelle, culturelle et linguistique) des étudiants participants.

Coté acteurs non gouvernementaux, concernés par le programme, les avis sont partagés. Selon les syndicats étudiants, tels que l’Union des étudiants européens, les gouvernements européens n’appliquent les réformes de l’enseignement supérieur qu’en fonction de leur agenda national. Ils réclament que soient mises en œuvre les promesses, notamment la dimension sociale du processus de Bologne, afin de créer un espace européen de l’enseignement supérieur à l’horizon 2010. L’Union des étudiants européens reprochait aussi à l’époque de l’adoption de la première version du programme la volonté de mêler coopération en matière d’éducation et objectifs de compétitivité économique (stratégie de Lisbonne) mais aussi l’aspect institutionnel du programme, centralisé par l’Union européenne, ne garantissant pas les conditions de réciprocité et de solidarité entre les différents pays partenaires.

De son coté, l’Association des Universités européennes, dans une déclaration de 2007, a exigé des ministres de l’éducation européens des réformes en faveur d’une plus grande autonomie des universités et plus de fonds afin de rester compétitif au niveau international. L’enjeu est de dynamiser les transferts de savoir entre universités et entreprises et d’attirer davantage de financements privés.

Une nouvelle proposition pour 2009 – 2013

Prenant acte de ce processus d’évaluation, tenant compte par ailleurs des résultats d’une consultation publique, la Commission a donc déposé en juillet 2007 une nouvelle proposition qui retient l’option de modifier et d’étendre le programme actuel en élargissant son champ d’application ainsi que le montant de son enveloppe financière.

Se dotant en effet d’un budget de 960 millions d’euros, la nouvelle mouture s’articulerait autour de 3 actions, retenant les axes du programme actuel mais ajoutant notamment les points suivants :
 Plus de choix et de diversité dans les modalités de coopération institutionnelle entre les universités en Europe et dans les pays tiers ainsi que dans les mesures de mobilité à l’échelon individuel ;
 Extension d’Erasmus Mundus aux études de doctorat et, en partie, de licence ;
 Apport d’une aide financière accrue aux étudiants européens au moyen de bourses d’études plus attrayantes.

Les débats sont en cours au sein du Conseil et du Parlement européen. A suivre …

Vos commentaires
  • Le 25 septembre 2007 à 17:50, par krokodilo En réponse à : Erasmus Mundus 2009 – 2013 : le vrai décollage de l’enseignement supérieur dans le monde ?

    Je rêve ou vous avez enlevé de votre article la phrase qui disait que « la diversité linguistique nuit à l’attractivité de la science européenne », ou quelque chose comme ça ? C’était pourtant un bel aveu ! Car le vrai bilan de Mundus était tout entier contenu dans cette phrase : Erasmus mundus est un véritable cheval de Troie de l’anglais dans les sciences, alors qu’il n’en a nul besoin, étant déjà hégémonique...

    En effet, pratiquement 80% des programmes Mundus de 2007 sont en anglais (liste détaillée vérifiable sur Europa), la plupart exclusivement, ce qui veut dire qu’en France, certaines universités organisent des cursus en anglais, en toute illégalité car, selon la constitution, la langue d’enseignement est le français. On peut comprendre les raisons des « petits pays » qui pensent à tort ou à raison qu’une langue de faible diffusion rebutera des stagiaires hors UE. Mais chez nous, croyant attirer des étudiants, ces universités françaises et ce programme Mundus délivrent au monde le message que la modernité et la science européennes sont anglophones. Plus fort encore : la France subventionne donc elle-même, par le biais des subventions européennes, son propre déclin de langue scientifique ! C’est David et Goliath à la française, avec David qui paye les cours de boxe (anglaise) de Goliath !

    Il serait mille fois plus équitable de subventionner certains cursus de pointe dans chaque pays, où chacun enseignerait dans sa langue, à charge pour chaque pays d’être attractif, par exemple en facilitant la vie quotidienne de ces étudiants de haut niveau.

    Certes, dans beaucoup de domaines, la lecture de revues anglophones s’impose à nombre de scientifiques, mais ce n’est pas si simple ; si beaucoup se taisent de peur de nuire à leur carrière en étant étiqueté anti-anglais, en privé ils reconnaissent être gênés de montrer leur faible niveau en anglais lors des congrès, être agacés de devoir rédiger en anglais et de devoir faire relire leurs articles par des natifs car qui peut se targuer de connaître tous les idiotismes ? Et surtout, à terme, de devenir des sous-traitants contrôlés par les comités de lecture des revues anglophones, avec tous les risques d’injustices que cela comporte…, et le risque de voir dépérir le vocabulaire scientifique français, comme cela est arrivé au suédois où une bonne partie de l’enseignement universitaire est fait en anglais, je crois. C’est un vaste sujet, aussi je reviens à Erasmus mundus.

    A mon avis, le bilan d’Erasmus mundus se résume à cela, et impose son arrêt immédiat à tout gouvernement soucieux des questions linguistiques et de la défense du français... En outre, son nouveau clone « Erasmus mundus window » (oui, ça existe !) prend le même chemin. Et certains disent qu’on exagère, qu’il n’y a pas de volonté de faire de l’anglais la lingua franca de l’UE... il faut être aussi aveugle qu’hypocrite, et sourd en plus !

  • Le 25 septembre 2007 à 18:52, par Fabien Cazenave En réponse à : Erasmus Mundus 2009 – 2013 : le vrai décollage de l’enseignement supérieur dans le monde ?

    Cher Krokodilo, vous vous trompez d’article en l’occurence. Mais peut-on vous en vouloir ? Vous êtes tellement omnubilé par le complot de la langue anglaise que vous ne l’avez même pas remarqué.

    Allez, cela va vous faire plaisir : le Taurillon marche surtout très bien en français et ensuite en anglais, puis l’italien et enfin l’anglais. Mais je vous assure que cela ne me dérangerait pas que nous améliorions notre nombre de visites avec plus d’articles en anglais, italien ou allemand !

  • Le 25 septembre 2007 à 19:04, par krokodilo En réponse à : Erasmus Mundus 2009 – 2013 : le vrai décollage de l’enseignement supérieur dans le monde ?

    Marrant, effectivement je n’avais pas fait attention. Mais il n’est pas courant que deux articles successifs soient consacrés au même sujet. Enfin, au moins pour une fois vous ai-je fait rire !

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