Europa City : et si l’Europe se dotait d’une nouvelle capitale ? (1/3)

, par Maël Donoso

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Europa City : et si l'Europe se dotait d'une nouvelle capitale ? (1/3)

Si l’Europe évolue sur une base fédérale, les Européens devront marquer l’évènement par une action politique forte. Pourquoi pas la fondation d’une nouvelle capitale ?

Siège actuel de l’Union européenne, Bruxelles pourrait-elle devenir la capitale de l’Europe fédérale ? Peut-être, mais ses caractéristiques ne sont pas idéales. D’une part, c’est un peu par hasard que Bruxelles a accueilli, de manière « provisoire » jusqu’en 1993, les institutions de la CEE. D’autre part, Bruxelles est avant tout la capitale de l’État belge, alors que les centres politiques des États fédéraux (Washington D.C., New Dehli, Brasilia, Canberra, etc.) ont généralement un statut d’autonomie particulier.

Fonder l’unité européenne par une nouvelle capitale

En marquant durablement les esprits et les cartes, la fondation d’une nouvelle capitale pourrait, mieux que n’importe quelle autre action, servir de catalyseur à l’unité européenne. Peu de choses ont autant de signification politique qu’un atlas géographique : une ville neuve, entièrement européenne, ferait exister l’Europe fédérale au-delà des États qui la composent, et lui donnerait une présence concrète à la surface de la planète.

Fonder une ville est toujours un grand moment d’histoire, et c’est de ce genre de moments que les Européens ont besoin. Quand l’Union a-t-elle, jusqu’à maintenant, fondé quelque chose de plus grand qu’un bâtiment ou une zone administrative ? Les eurosceptiques ont beau jeu de dire que l’Europe n’est pas un État, et que les Européens ne sont pas un peuple, car jusqu’à présent, ils ont en grande partie raison. Dans l’imaginaire collectif, un peuple est un groupe d’humains qui s’installe sur un territoire et y bâtit ses villes, et nous n’en avons bâti aucune en tant qu’Européens.

Parce que nous voulons dépasser les clivages du passé, parce que nous savons que les États ne sont ni immuables ni indépassables comme le pensent les souverainistes, et parce que nous voulons fonder une Europe fédérale meilleure que les nations actuelles, nous devons tenir compte de cela. Fonder une capitale pourrait être un moyen efficace de proclamer l’unité européenne, en construisant un espace qui appartiendrait à tous les Européens, et qui leur permettrait de prendre des décisions au nom de l’Europe.

Les avantages pratiques d’une capitale fédérale

Au-delà de l’aspect symbolique, la fondation d’une nouvelle capitale (pour fixer les idées, appelons-la Europa City) aurait de nombreux avantages pratiques. En premier lieu, Europa City serait, contrairement à Bruxelles, un territoire autonome, et non la capitale d’un État membre. La ville tout entière deviendrait ainsi plus indépendante, et pourrait être optimisée pour répondre aux besoins d’une administration fédérale.

En deuxième lieu, Europa City serait construite à partir d’un territoire urbain vierge, ce qui autorise toutes les possibilités en matière d’urbanisme. N’étant plus restreintes dans l’aire administrative bruxelloise, les institutions européennes pourraient être complétées par d’autres quartiers : résidentiels, universitaires, culturels, d’entreprises, de loisirs, etc. La gouvernance de l’Europe fédérale s’inscrirait ainsi dans une ville nouvelle et vivante, au lieu d’être cantonnée dans une zone purement bureaucratique.

On objectera sans doute que la fondation d’une capitale a un coût, et que par ailleurs les institutions européennes existent déjà à Bruxelles et à Strasbourg. À cela, on peut répondre que des transferts de capitale n’ont jamais été un évènement rare dans l’histoire, et que les avantages d’une capitale fédérale sont suffisamment grands pour justifier l’investissement. On peut également évoquer le gain de temps et d’énergie considérable que représenterait la réunion de toutes les institutions européennes dans une seule ville. Le problème du partage institutionnel entre Bruxelles et Strasbourg a d’ailleurs déjà fait l’objet de nombreuses critiques.

Par ailleurs, on peut relever que la construction d’une grande métropole serait l’occasion pour les meilleurs urbanistes et architectes de la planète de participer à des projets audacieux, et donc une opportunité pour créer ou accueillir en Europe des pôles de compétence précieux dans ces domaines. Ce serait également l’occasion de bâtir une ville répondant aux critères du développement durable. Finalement, la fondation d’Europa City aurait des conséquences diplomatiques et culturelles extrêmement positives, en dotant l’Europe de la capitale la plus moderne et la plus dynamique du monde.

Des exemples de capitales fédérales

Si le projet de fonder une capitale européenne semble éloigné, il est loin d’être absurde, et nous pouvons conclure cette première partie de l’article en évoquant quelques prédécesseurs. Les États-Unis, par exemple, créent officiellement leur capitale fédérale par la Constitution de 1787. Le site effectif de cette nouvelle cité est décidé trois ans plus tard, et le projet de construction est lancé en 1791, suivant les plans de l’architecte et urbaniste français Pierre Charles L’Enfant. C’est cette année également que le nom de Washington est choisi pour la ville, et le nom de Columbia pour le district.

Le Congrès tient sa première session à Washington en 1800, soit treize ans après l’adoption de la Constitution. Après la Guerre de Sécession (1861-1865), la capitale gagne une importance nouvelle, en tant que symbole de l’unité américaine retrouvée. Lorsqu’on considère la montée en puissance politique, économique et diplomatique des États-Unis au cours du siècle et demi qui vient de s’écouler, on peut raisonnablement admettre que la fondation d’une grande capitale fédérale n’était pas une mauvaise stratégie.

Le Brésil s’est montré particulièrement rapide dans la construction de sa capitale, puisque Brasilia a été planifiée en 1956 pour être inaugurée dès 1960. Le résultat final est discuté : pour certains, Brasilia est un chef-d’œuvre d’architecture et d’urbanisme, pour d’autres, une ville peu pratique et minée par les embouteillages. Difficile cependant de contester la réussite du projet : à l’échelle mondiale, de toutes les villes fondées après le début du vingtième siècle, Brasilia est aujourd’hui la plus peuplée (plus de deux millions d’habitants).

Le cas de New Dehli est particulier, puisque la cité a été bâtie pour être le centre de l’Empire britannique des Indes, et non de l’Inde fédérale actuelle. Dans les autres cas, une capitale fédérale est souvent fondée pour éviter un conflit entre deux ou plusieurs grandes villes de puissance politique équivalente : Brasilia a ainsi été choisie pour départager Rio de Janeiro et Sao Paolo, et Canberra pour départager Sydney et Melbourne. Cette règle a cependant un contre-exemple important : Moscou, qui a remplacé Saint-Pétersbourg comme capitale de la Russie au moment même où celle-ci se dotait d’une structure fédérale.

Si les raisons qui poussent à fonder une capitale fédérale peuvent varier, ces exemples nous apprennent pourtant deux choses. D’une part, qu’une capitale autonome peut être une clé de voûte efficace d’un État fédéral. D’autre part, qu’une telle capitale peut connaître une croissance remarquable si elle bénéficie d’une volonté politique. Construire Europa City pour en faire la capitale de l’Europe serait donc un projet ambitieux, mais réaliste. Pour bâtir une ville, cependant, il ne suffit pas de lui trouver une fonction : il lui faut un nom (le nom générique d’Europa City est initialement un clin d’oeil à Masdar City) et un emplacement dans l’espace.

Nous avons vu l’intérêt qu’aurait l’Europe de se doter d’une capitale fédérale. Dans la deuxième partie de l’article, nous irons plus loin en réfléchissant à un nom pour cette ville nouvelle, et à un emplacement pour la fonder.

Illustration : photographie de la Potsdamer Platz, à Berlin. Auteur : Michael J. Zirbes. Source : Wikimedia.

Vos commentaires
  • Le 27 janvier 2009 à 15:03, par Jean-Jo En réponse à : Europa City : et si l’Europe se dotait d’une nouvelle capitale ? (1/3)

    Pourquoi pas, l’idée est intéressante mais les exemples de villes-capitales d’Etats fédéraux ne correspondent pas forcément au vécu européen.

    Washington=> construite dans un Etat naissant, sur un continent en cours de conquête par les Européens.

    New Delhi=> comme expliqué dans l’article, c’est le colonisateur qui est à l’origine de sa stature de capitale.

    Brasilia=> capitale représentative du « front » de colonisation de l’Amazonie, connue pour ses choix architecturaux osés dans les années 70 (de mémoire... je ne suis pas urbaniste ni architecte). Cette ville a tellement pris d’importance que les réunions internationales reçues par le Brésil ont lieu à Rio de Janeiro, Porto Alegre ou Sao Paulo...

    Par ailleurs, nous savons ce qu’il advient des villes qui ont été créees de manière artificielle depuis la fin de la seconde guerre mondiale : développement économique sous perfusion publique, infrastructures ne correspondant pas aux besoins de la population, surreprésentation d’une catégorie de travailleurs (par exemple : fonctionnaires, employé sous qualifiés...). Bien souvent ces villes sont dévalorisées (comme l’est déjà Bruxelles) du fait d’une hyper spécialisation.

    Plutôt que de faire appel à des architectes/urbanistes qui ne viendront pas vivre dans cette ville nouvelle, pourquoi ne pas proposer un système de candidature des villes existantes(comme pour le label « Capital culturelle de l’Europe ») avec un vote des citoyens européenns ?

    Enfin, je pose la question des priorités (histoire de polémiquer un peu) : construire un Etat fédéral alors que des Etats existent déjà suppose t-il l’affirmation d’un hyper-centre fédéral (capitale) ou bien la construction d’une présence de l’Etat fédéral répartie sur tout le territoire de la fédération ?

  • Le 27 janvier 2009 à 16:49, par Fabien En réponse à : Europa City : et si l’Europe se dotait d’une nouvelle capitale ? (1/3)

    Comme réalisation commune, il y a bien l’Euro non ?

    Sinon, les langues de serpent diront bien que la Belgique n’existant bientôt plus...

  • Le 27 janvier 2009 à 19:31, par Maël Donoso En réponse à : Europa City : et si l’Europe se dotait d’une nouvelle capitale ? (1/3)

    Merci Jean-Jo pour ton message. Tu as raison de souligner que la création d’une capitale fédérale en Europe serait un processus différent de la fondation de Washington, New Dehli, etc. Mais précisément, l’Europe est une construction unique en son genre. Un groupe d’États-nations indépendants, de langues et de cultures différentes, qui se fédèrent progressivement par le droit, sans guerres ni intervention d’une puissance étrangère, voilà qui n’a guère d’équivalent dans l’histoire humaine, en tout cas à cette échelle. Les raisons qui pourraient pousser l’Europe fédérale à se doter d’une nouvelle capitale, et la manière dont cette fondation serait planifiée et réalisée, devraient correspondre à cette originalité européenne.

    Pour ce qui est du risque d’hyperspécialisation et de mauvaise adaptation de la ville, j’évoque le problème dans la partie 3/3 de cet article, où, sans détenir de solution miracle, je propose quelques pistes. Sinon, je ne ferais quant à moi pas de distinction entre les villes créées « de manière artificielle », comme tu dis, et les autres. Toutes les cités qui existent à la surface de la planète ont bien été fondées à un moment ou un autre, et beaucoup d’entre elles l’ont été pour répondre à des besoins politiques. Pourquoi certaines d’entre elles seraient-elles plus « artificielles » que leurs voisines ? Qu’on pense seulement à Constantinople, dont la fondation a été décidée par les Romains pour les besoins de la défense extérieure, et devenue par la suite capitale de l’Empire byzantin, puis de l’Empire ottoman. Qui, aujourd’hui, considérerait Istanbul comme une « ville artificielle » ?

  • Le 27 janvier 2009 à 22:47, par Jean-Jo En réponse à : Europa City : et si l’Europe se dotait d’une nouvelle capitale ? (1/3)

    Fabien,

    Ma réaction ne concerne pas la possibilité de réaliser quelque chose en commun, ma réaction concerne la façon dont le fédéralisme doit imprégner la société européenne=> pour ma part, je ne crois pas que la réalisation d’une capitale fédérale soit un objectif prioritaire, parce que la réaction des individus serait de dire « tient, ils ont construit une ville pour ce machin que l’on appelle l’Union européenne, les bureaucrates (ou technocrates ou eurocrates selon le niveau de détestation de l’UE) se paient le luxe de vivre dans un ghetto », d’ailleurs, Bruxelles est déjà qualifiée de ghetto.

    A mon sens, l’Union européenne a besoin d’être présente sur le terrain=> tu cites la réalisation de l’Euro, c’est effectivement une avancée spectaculaire avec une matérialisation concrète, mais cela aurait été encore plus intéressant si les établissements régionaux de la Banque de France avaient changés de nom, pour s’appeler par ex : BCE...

  • Le 28 janvier 2009 à 00:21, par Fabien Cazenave En réponse à : Europa City : et si l’Europe se dotait d’une nouvelle capitale ? (1/3)

    Mdr Jean-Jo, je répondais à Mael, l’auteur de l’article...

    Mais pour te répondre pour le coup, je pense qu’il s’agit plus d’un exercice de style intéressant car il nous oblige à nous projeter au-delà de notre situation actuelle.

    En effet, avec l’intergouvernementalisme comme mode de gestion de l’Europe, on est pas prêt d’avoir à se poser la question.

  • Le 28 janvier 2009 à 06:50, par Martina Latina En réponse à : Europa City : et si l’Europe se dotait d’une nouvelle capitale ? (1/3)

    Le feuilleton de la (des) capitale(s) européenne(s) ne fait certes que s’intensifier, mais rappelons que l’énergie « eurocitoyenne » et européenne en général doit se concentrer sur les problèmes urgents sans se gaspiller sur des questions oiseuses ou coûteuses : l’« eurodistrict » qui se constitue ces temps-ci autour de Strasbourg ne pourrait-il être le noyau d’une nouvelle dynamique CAPITALE et vraiment efficace, certes plus proche du centre de gravité de l’Union Européenne et doté d’un siège parlementaire plus vaste, mais surtout tissé par une activité culturelle, économique et universitaire plus internationale, que le pôle bruxellois ? A nous de tout mettre en oeuvre, à commencer par la France, pour remplacer la « guéguerre du siège » par une réalisation strasbourgeoise ouverte, fédératrice, et pour favoriser ainsi, enfin, une meilleure économie des dynamiques EUROCITOYENNES ; à nous de réinventer pour et par ce projet la communication au service du bien commun, donc de dessiner enfin le visage de L’EUROPE non pas idéale, mais vivante : à la lumière de la figure aventureuse, avant-coureuse et toujours jeune malgré ses millénaires, d’EUROPE l’audacieuse, la courageuse, la généreuse, certes enlevée par un TAURILLON plus grand que nature, mais pour mieux rendre ainsi, pour donner - et précisément pour créer, à distance comme à longue échéance, un continent, puis son unification. A SUIVRE donc !

  • Le 28 janvier 2009 à 10:49, par Maël Donoso En réponse à : Europa City : et si l’Europe se dotait d’une nouvelle capitale ? (1/3)

    En fait, il est indéniable que le fédéralisme européen devra se construire sur le terrain, par des réalisations concrètes qui fonderont une vraie société civile européenne. Mais je pense qu’on n’échappera pas, si l’Europe fédérale voit le jour, à la simple nécessité d’avoir un lieu pour coordonner les politiques européennes, un lieu où les élus européens pourront se réunir et débattre. Et dans ce cas, une nouvelle capitale pourrait avoir de grands avantages, tant du point de vue pratique que symbolique.

    C’est évidemment de la musique d’avenir, vu que, comme dit Fabien, étant donné la situation actuelle on n’est pas prêts de se poser la question… Mais si nous soutenons l’idée d’une Europe fédérale, il n’est pas inutile de nous demander comment celle-ci pourra être organisée et gouvernée. Quant aux réactions à court terme (« ghetto européen », etc.), je pense que de toute façon, le déplacement d’une capitale, comme d’une manière générale tous les grands projets, ont rarement reçu un soutien unanime…

  • Le 28 janvier 2009 à 11:08, par Emmanuel En réponse à : Bruxelles, « siège de l’Union européenne », vraiment ?

    « Siège actuel de l’Union européenne, Bruxelles pourrait-elle devenir la capitale de l’Europe fédérale ? »

    Article très intéressant, mais d’où tient-on que Bruxelles serait le siège de l’Union européenne ? Parce que l’exécutif y est basé (avec la Commission et le Conseil, qui est mi-exécutif, mi-législatif) ? Je trouve qu’on oublie vite Luxembourg (la Cour de justice et la Cour des comptes), Strasbourg (le Parlement européen), Francfort (la Banque centrale).

    Aujourd’hui, il n’y pas de capitale ni de siège de l’Union européenne.

    Et je ne suis pas convaincu qu’on en ait besoin.

    Historiquement, la plupart des projets d’unification européenne proposaient plutôt un modèle décentralisé. Au XIVème siècle, Pierre DUBOIS avait proposé une fédération où la capitale serait pour cinq ans, alternativement Bâle, une ville française et une ville italienne. SULLY avait imaginé en 1632 un système de quinze Etats égaux gouvernés par un Conseil se réunissant à Danzig, Nuremberg, Vienne, Bologne ou Constance. En 1915, Friedrich NAUMANN avait pensé une fédération militaro-économique pour l’Europe centrale et occidentale avec Hambourg comme capitale économique maritime, Berlin pour la bourse et Vienne comme capitale juridique. Plus tard, COUDENHOVE-CALERGI, fondateur de Pan-Europe, imaginait Vienne en capitale fédérale et Paris en capitale économique.

    Seul Victor HUGO avait proposé Constantinople, Genève ou Utrecht comme capitale européenne unique. L’idée d’un District fédéral européen (de type « Washington D.C. ») ne prend vraiment naissance que dans l’Europe moderne au sein du Comité d’action pour les Etats-Unis d’Europe présidé par Jean MONNET dès sa création en 1955.

    Les Etats membres ont longtemps soutenu le principe d’une capitale unique, mais ne sont jamais parvenus à se mettre d’accord, malgré les appels à candidatures internationaux de 1952 et 1962.

    De fait, et c’est bien cela qui traduit la réalité de l’Europe et l’originalité de son fédéralisme particulier, l’UE a fait le choix d’un modèle décentralisé et polycentrique (même si elle n’a pas poussé la logique jusqu’au bout, notamment en dotant les institutions de lieux de travail uniques, donc en transferrant à Bruxelles les services de la Commission qui sont à Luxembourg, et en transférant à Strasbourg, les services du Parlement qui sont à Bruxelles et Luxembourg).

    Je pense que ce modèle est beaucoup plus en phase avec l’Europe du 21ème siècle. On n’est ni au 19ème, ni au 20ème, et l’Europe n’est pas un Etat-nation.

    On n’a donc pas besoin d’une concentration physique des institutions, les moyens de télécommunication (visio-conférence, courriel) et de communication (avions, TGV) permettant largement de fonctionner avec une répartition géographique des grands pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire). Si l’Afrique du Sud parvient à fonctionner avec un Parlement situé au Cap, à 1300 kilomètres de Pretoria (siège du gouvernement), je serais surpris que l’UE soit bloquée par un Parlement à Strasbourg, à 350 kilomètres seulement de Bruxelles.

    Au contraire, l’Europe n’est pas un Etat-nation et n’a pas vocation à s’orienter vers un « fédéralisme centralisé » comme en Allemagne ou aux Etats-Unis, mais vers un fédéralisme polycentrique où le principe de subsidiarité limite notablement l’importance du niveau fédéral. Dans ce cadre, la lisibilité démocratique plaide pour que les pouvoirs ne soient pas tous concentrés au même endroit : aux phénomènes que nous connaissons dans tous les pays (effet de microcosme « parisien », de conflits d’intérêt car tout le monde connaît tout le monde), s’ajouterait un phénomène spéciquement européen : la perception de « la » capitale (qu’il s’agisse de Bruxelles ou d’une autre) comme une entité étrangère globale imposant ses décisions d’on ne sait où (c’est le phénomène de « Bruxelles a décidé que... », sans qu’on sache du tout de qui il s’agit).

    Donc, même si intellectuellement, Europa City semble être une idée très sympa, je ne suis pas sûr qu’elle soit ni souhaitable, ni réaliste

  • Le 28 janvier 2009 à 12:34, par Alexandre En réponse à : Europa City : et si l’Europe se dotait d’une nouvelle capitale ? (1/3)

    C’est sympa comme idée, mais pragmatiquement, mon intuition serait plutôt que la Belgique est vouée à disparaître, et que Bruxelles ne devrait pas devenir capitale d’un Etat flamand du fait des résistances des francophones. Le destin de Bruxelles pourrait donc être celui d’un district fédéral européen ! Finalement, qui regrettera la Belgique ?...

  • Le 28 janvier 2009 à 15:30, par Jean-Jo En réponse à : Europa City : et si l’Europe se dotait d’une nouvelle capitale ? (1/3)

    Les belges et moi même.

  • Le 28 janvier 2009 à 15:32, par Jean-Jo En réponse à : Bruxelles, « siège de l’Union européenne », vraiment ?

    Je souscris à cette prise de position, elle correspond (en plus développé)à ce que j’émettais dans mon premier post.

  • Le 28 janvier 2009 à 15:55, par Dumitru Drumea En réponse à : Europa City : et si l’Europe se dotait d’une nouvelle capitale ? (1/3)

    Une petite info : Moscou est devenue capitale de l’URSS, qui n’était pas une fédération... Les Bolsheviks ont transféré la capitale de St.Petersburg(déjà Pétrograd à l’époque) exprès pour nier tous les liens de leur nouveau pays avec la Russie des tsars.

  • Le 28 janvier 2009 à 15:56, par Ronan En réponse à : Europa City : et si l’Europe se dotait d’une nouvelle capitale ? (1/3)

    Pardon pour la contradiction mais « Washington D.C. » et l’hypothétique « capitale fédérale européenne » dont il est question ci-dessus répondent exactement à la même « problématique » géopolitique : doter le pouvoir fédéral d’un territoire propre pour enfin "concrétiser" son existence, et enfin placer le siège de ce pouvoir fédéral en "terrain neutre" (i. e : à l’extérieur du "champs politique" où s’expriment les jalousies inter-étatiques, en dehors de l’influence et des convoitises des Etats-membres de l’Union...).

    Juste noter que l’alternative était alors de créer un "district fédéral" (politiquement autonome vis à vis des Etats de l’Union) de toutes pièces... (dont la Constitution de 1787 fixait déjà très précisément le périmètre...) ou d’accepter que le pouvoir fédéral ne siège dans une ville importante située sur le territoire de l’un des Etats de l’Union présents (à New York (federal hall), à Philadelphie, à Trenton (New Jersey), à Annapolis (Maryland), à Williamsburg (Virginie) : ces villes ayant toutes un temps été envisagées...) ou à venir (on avait même envisagé de la placer dans les confins de l’Ohio : encore "Territoires" indéterminés, peuplés de colons frustres et téméraires, et d’indiens présumés sauvages...). Il faut dire qu’à l’époque, on feignait de détester l’autorité fédérale mais on s’arrachait déjà le siège du pouvoir fédéral...

    Processus : une décision du Congrès fédéral (Loi du 16 juillet 1790) qui fait suite à de nombreuses péripéties et de sournois marchandages (la fameuse "question de la résidence"). Les "républicains" (jeffersoniens) détestent la corruption présumée des villes et veulent déjà installer la ville à la campagne..., les "fédéralistes" (hamiltoniens) se méfient des Etats dont ils ne veulent pas être des "locataires" (perpétuellement menacés d’expulsion ?!...) et réclament donc un territoire "spécifique", etc.

    Pendant ce temps là les "souverainistes / décentralisateurs" (tels Patrick Henry...) stignatisent déjà le "Big government" fédéral (après avoir refusé de siéger à la Convention constitutionnelle de Philadelphie, et après avoir - en vain - essayé de faire capoter le processus de ratification...). Pour leur faire plaisir (et par soucis de politiquement "juguler" le "big government" fédéral présumé envahissant...), on décidera donc (dès 1787) de limiter le territoire fédéral à un quadrilatère de 16 km de côté (territoires finalement concédés par et pris sur ceux du Maryland...).

    NB : Il ne faut pas oublier qu’au départ - dans ces "débuts" de l’Union - le pouvoir fédéral avait d’ailleurs si peu de... pouvoirs que le Congrès continental (siégeant alors à Philadelphie) n’avait alors même pas eu les moyens financier de rembourser de ses maigres frais de voyages le messager venu lui apporter (en octobre 1791) la nouvelle de la victoire (décisive) de Yorktown, dans la - pourtant - si proche Virginie...

    Localisation : Le Congrès décidera donc (Loi du 16 juillet 1790) d’installer la capitale sur le territoire de ce qui est alors encore le "Sud agricole et esclavagiste".

    C’est là alors le prix politique à payer pour que ces Etats du Sud (la chef de file : la très "souverainiste" Virginie...) - de bonne santé économique et au commerce extérieur florissant et bénéficiaire - acceptent enfin que l’Etat fédéral prenne à son compte les dettes de guerre contractées par les Etats membres de l’Union pendant la guerre d’indépendance de 1775-1783 (les "mauvais payeurs" étant surtout les Etats de Nouvelle-Angleterre, manquerait plus qu’on leur accorde en plus le siège du pouvoir fédéral !).

    Il semblerait qu’on puise dater le "compromis" du 20 juin 1790, lors d’un dîner en ville (à New York) donné chez le secrétaire d’Etat (aux affaires extérieures) Thomas Jefferson lors duquel le secrétaire d’Etat Alexander Hamilton (secrétaire d’Etat au trésor) renonce alors à faire de sa "chère" New York la capitale de l’Union pourvu qu’on adopte enfin son plan de "nationalisation des dettes étatiques"... et les Virginiens n’acceptent la "transaction" qu’à condition qu’on leur "donne" la future capitale fédérale. Pour l’heure, Philadelphie sera désignée comme capitale provisoire et temporaire... jusqu’à l’inauguration du site définitif (finalement prévue pour décembre 1800).

    Les travaux (de drainage et d’assainissement du site, en grande partie marécageux...) commenceront dès l’hiver 1790-1791 (pause symbolique des premières pierres de la Maison Blanche, en octobre 1792). Sous la direction (cocorico !) d’un architecte français : Pierre-Charles L’Enfant, personnage attachant (aujourd’hui enterré au cimetière fédéral d’Arlington) venu aux Amériques lors de la guerre d’indépendance (puisque alors participant au trafic d’armes "pro-Insurgés" organisé par Beaumarchais...).

    Pour offrir une compensation "morale" à Philadelphie, désormais capitale déchue (longtemps restée siège du « Congrès continental »...) on déciderait de dénommer "Pennsylvania Avenue" l’artère reliant la future « Maison Blanche », siège du pouvoir exécutif fédéral, à « Capitole Hill », colline situant le siège du pouvoir législatif fédéral (et siège du Congrès). Après le saccage de W.D.C. (destructions des batiments du Congrès et de ce qui n’est encore que le "Manoir présidentiel"...) par les armées anglaises lors de la « guerre de 1812-1815 » (en août 1814), Philadelphie tentera même de reprendre le siège du pouvoir fédéral. En vain (il faut dire que les autres Etats de l’Union ne sont alors pas franchement d’accord...).

    Onomastique : le nom initialement retenu pour la nouvelle ville - création ex nihilo (ou presque) - était "Washingtonpole". L’histoire retiendra finalement le nom - complètement officieux - de "Washington-city" ; et le pouvoir fédéral ne s’y installera officiellement qu’en décembre 1800 : soit environ quatre ans tout de même après la fin du dernier mandat du célèbre président du même nom, en mars 1796... (lui-même étant totalement innocent dans l’affaire...).

    Mais ce serait incomplet et inexact de n’en rester qu’à "Washington-city" puisqu’il s’agit avant toute chose de "Washington / District of Columbia" : "District" puisqu’en aucun cas "Etat", "Comté" ni "Province" dans le contexte post-colonial que l’on sait ; "of Columbia" puisqu’alors en rapport avec "Columbia" : figure allégorique de l’Amérique émancipée, alors politiquement opposée à la perfide "Albion" coloniale (Cf. logotype des studios de cinéma "Columbia Pictures"). Et ce, pour fêter dignement (en 1792) le tricentenaire de la "découverte" du Nouveau monde par un certain... Christophe Colomb (octobre 1492).

    Enfin, en seuls termes de Droits civiques, juste rappeler que les ressortissants du "District of Columbia" (qui ne sont pas tous des fonctionnaires fédéraux, loin s’en faut...) n’ont le droit de participer aux élections fédérales que depuis... 1961 (23e amendement, adopté sous le mandat du président JFK). Depuis lors ils désignent d’ailleurs un représentant et deux sénateurs au Congrès (et - donc - trois grands électeurs lors des élections présidentielles, comme ce fut encore le cas en novembre dernier...).

    PS : Rappelons juste également que le W.D.C. est un ancien territoire esclavagiste où l’on a officiellement commercialisé, échangé, vendu des êtres humains jusqu’en 1840. Et où il était strictement interdit pour un métis ou un affranchi de se déplacer en ville après le "couvre-feu" de 22h00 (au risque de se faire embarquer pour les trafiquants en "ébène" eux-mêmes...). Petit détail qui a son importance à l’heure où la recherche historique nous permet de redécouvrir que l’essentiel de la main-d’ouvre qui a construit le tout premier Capitole venait en fait des côtes du Golfe de Guinée (actuel Nigeria) ou des comptoirs portugais d’Afrique noire (actuel Angola). Ce qui est tout de même pas innocent à l’heure où les Etats-Unis se sont choisi un président noir (en fait métis...), même s’il se présente comme étant "post racial".

    Le sujet (extrêmement riche) semble inépuisable...

  • Le 28 janvier 2009 à 16:06, par Maël Donoso En réponse à : Bruxelles, « siège de l’Union européenne », vraiment ?

    Merci Emmanuel de ces précisions. Il est exact que Bruxelles n’est pas techniquement le siège de l’Union, mais dans la pratique, vu la concentration d’institutions européennes abritées par cette ville, on peut considérer qu’elle joue de fait ce rôle. Du moins pour les personnes qui estiment que toute entité géopolitique (État ou union d’États) a besoin, pour exister, d’une forme de capitale. C’est peut-être là le point essentiel à discuter, car on peut avoir deux visions différentes pour la gouvernance de l’Europe, qui me semblent toutes deux réalistes et défendables.

    La première vision, que tu développes, est celle d’une fédération décentralisée. On peut en effet imaginer que les moyens de communication modernes rendent obsolète la notion classique de capitale, dans laquelle tous les pouvoirs de haut niveau seraient concentrés. Un système polycentrique, avec une répartition large des institutions et des cercles de pouvoir, est dès lors envisageable. Ce serait en quelque sorte l’occasion pour l’Europe de se doter d’une forme de gouvernance originale, différente de celle des fédérations centralisées.

    La deuxième vision, que je défends dans cet article, est celle d’une fédération centralisée « classique ». Mon point de vue est que, quels que soient les progrès en matière de télé- ou cyber-communication, les décisions se prendront toujours mieux par le contact physique, lorsque les acteurs du pouvoir se trouvent à proximité géographique les uns des autres. Après tout, si tous les États industrialisés disposent d’ores et déjà de moyens de communication performants (téléphone, messagerie informatique, vidéoconférences, etc.), aucun d’entre eux n’a encore entièrement remplacé le contact physique entre élus, administrateurs ou membres du gouvernement. Dans cette perspective, donc, on peut considérer qu’une capitale classique reste le meilleur moyen d’assurer la gouvernance d’un État ou d’une fédération.

    Je ne prétends pas que cette deuxième vision soit fondamentalement plus souhaitable que la première. À vrai dire, je considère qu’elles représentent deux possibilités également intéressantes à considérer. Si j’ai choisi dans cet article de proposer la vision d’une fédération européenne centralisée, c’est qu’il me semble que certaines des caractéristiques que nous avons voulu donner à l’Europe (décentralisation, subsidiarité, etc.) sont également nos plus grandes faiblesses en termes stratégiques. Si l’Europe peine à exister sur la scène internationale et même dans les esprits, c’est peut-être (peut-être) parce que nous avons voulu conserver, envers et contre tout, un mode de fonctionnement trop polycentrique. Alors qu’une capitale et un gouvernement « classiques » nous auraient donné un poids radicalement différent, et par là même auraient permis au modèle européen (droit, démocratie, diversité) de se renforcer et peut-être de s’exporter.

    À Washington D.C., le 20 janvier dernier, deux millions d’Américains ont assisté avec ferveur au serment présidentiel d’Obama. Sans capitale, l’Europe fédérale du futur pourra-t-elle espérer connaître des moments équivalents ? L’identité européenne pourra-t-elle se forger sans cette contingence, si puissante pour l’esprit humain, d’un lieu et d’un peuple ? J’ai dit qu’une capitale européenne aurait une valeur pratique et symbolique. J’aurais dû ajouter qu’elle aurait également une valeur émotionnelle.

  • Le 28 janvier 2009 à 16:12, par Ronan En réponse à : Bruxelles, « siège de l’Union européenne », vraiment ?

    L’expression « fédéralisme centralisé » utilisée ci-dessus n’a juridiquement absolument aucun sens : la répartition des compétences dans ces différents Etats fédéraux (Afrique du sud, Etats-Unis) est aujourd’hui juridiquement telle que l’Afrique du sud avec -effectivement - trois capitales fédérales est en fait un système institutionnel infiniment plus centralisé que les Etats-Unis avec une seule ! (où règne d’ailleurs aujourd’hui ce qu’on appelle le « fédéralisme coopératif », relecture pragmatique du pacte fédéral originel et permanente négociation contractuelle menée entre l’Etat fédéral et les Etats fédérés).

    Il ne faut pas confondre « dispersion géographique » et « centralisation étatique » : à l’absurde, on peut très bien disperser les institutions dans l’espace - sur une quinzaine de sièges différents ?!) sans pour autant leur donner en fait le moindre pouvoir effectif !

  • Le 28 janvier 2009 à 17:03, par Maël Donoso En réponse à : Europa City : et si l’Europe se dotait d’une nouvelle capitale ? (1/3)

    Strasbourg a également été évoquée par Emmanuel en commentaire de la partie 2/3 de l’article. Pourquoi pas, en effet. Par sa situation géographique, son histoire, son dynamisme européen, Strasbourg a davantage de qualités que Bruxelles pour devenir la capitale de l’Europe. De fait, j’ai décrit dans mon article la fondation d’une ville ex novo pour prendre le cas extrême, mais on pourrait aussi imaginer qu’une capitale fédérale se construise progressivement à partir d’une ville pré-existante, qui ne soit pas une capitale nationale, mais qui évoluerait pour devenir la première cité véritablement européenne du continent. Le résultat, au final, serait pratiquement le même, quelques possibilités urbanistiques en moins.

    Cela dit, Strasbourg pourrait-elle vraiment devenir « européenne » à ce point ? Carrefour de l’Europe de l’ouest, la cité pourrait-elle devenir le coeur de l’Europe entière ? Et la France, en particulier, serait-elle prête à lui donner l’impulsion politique, économique et culturelle nécessaire pour qu’elle le devienne ? Je ne connais pas assez la ville pour pouvoir me prononcer sur ces questions.

  • Le 28 janvier 2009 à 20:31, par Ronan En réponse à : Europa City : et si l’Europe se dotait d’une nouvelle capitale ? (1/3)

    PS : Constantinople, c’est quand même pas une fondation « ex nihilo » pour les besoins de la cause. Mais juste un développement urbain impérial volontariste mais improvisé autour d’une ancienne colonie grecque idéalement placée sur le plan géostratégique.

    Et « Empire byzantin », c’est une dénomination rétrospective (et strictement « occidentale »...) qui n’apparaitra qu’au XVIe siècle (chez l’historien et humaniste allemand Hiéronymus Wolf) pour méthodologiquement distinguer le "bas-Empire chrétien et bientôt très clairement de langue grecque" (grosso modo, à partir de Théodose 1er ou Justinien...) du "bas-Empire païen et encore un petit peu de langue latine" (jusqu’aux repères déjà indiqués...).

    Quant à New Delhi, au départ (travaux architecturaux des années 1920-1930’s...), elle n’est pas censée être une "capitale fédérale" mais une capitale tout court (pour remplacer Calcutta, jugée excentrée et - déjà - exigüe...) d’un « British Raj » encore sans dimension fédérale clairement affirmée...

    Juste un détail...

  • Le 28 janvier 2009 à 20:48, par Ronan En réponse à : Europa City : et si l’Europe se dotait d’une nouvelle capitale ? (1/3)

    Finalement, qui regrettera la Belgique ?…

    Les Belges ?! (finalement) (tout bien pesé...).

  • Le 28 janvier 2009 à 21:04, par Maël Donoso En réponse à : Europa City : et si l’Europe se dotait d’une nouvelle capitale ? (1/3)

    « Le sujet (extrêmement riche) semble inépuisable… »

    Le voilà en tout cas déjà bien développé !

    Pour en revenir (beaucoup plus brièvement) à la « problématique géopolitique », je pense que ce que voulait dire Jean-Jo, c’est que la construction politique européenne (fédération progressive de « vieux » États sur un continent à l’histoire déjà ancienne) a un autre niveau de complexité que la fondation des États-Unis d’Amérique (sur un territoire récemment colonisé). C’est dans ce sens, je crois, qu’il faut prendre sa remarque selon laquelle les « exemples de villes-capitales d’États fédéraux ne correspondent pas forcément au vécu européen ». Ou du moins est-ce ainsi que je l’ai interprété.

    La fondation d’Europa City différerait de celle de Washington D.C. dans la mesure où, dans un territoire peuplé et urbanisé de longue date comme l’Europe, la création d’une nouvelle métropole ne va pas de soi. Elle serait beaucoup plus difficile à imaginer et à planifier que dans des États du Nouveau Monde comme les États-Unis et le Brésil, où toutes les grandes cités sont beaucoup plus récentes. Sinon, la fonction d’Europa City, de Washington D.C. et de toutes les capitales fédérales reste bien sûr similaire.

  • Le 28 janvier 2009 à 21:33, par Laurent Nicolas En réponse à : Bruxelles, « siège de l’Union européenne », vraiment ?

    Tout ce bouillon de notions sur les variantes d’une éventuelle capitale, reflet d’une organisation politique future(iste) de l’Union européenne montre bien que le but n’est pas le fédéralisme en soi, mais l’approfondissement de la démocratie européenne dans une société supranationale. C’est pourquoi, tout en se projetant vers le supranational et en dépassant l’intergouvernemental, il faut veiller à éviter tout dogmatisme quant à la structure finalement souhaitée pour la capitale comme pour l’organisation politique de l’UE dans son ensemble. Comme l’a bien expliqué Ronan, quand bien même nous arriverions à une constitution décrivant un certain type de fédéralisme, la pratique politique dans le temps force inévitablement à redéfinir les équilibres des pouvoirs.

  • Le 28 janvier 2009 à 22:51, par Ronan En réponse à : Europa City : et si l’Europe se dotait d’une nouvelle capitale ? (1/3)

    Les « exemples de villes-capitales d’États fédéraux ne correspondent pas forcément au vécu européen ».

    Pour ce qui est des Etats-Unis : si. parfaitement et en tous points.

    Le vécu européen actuel, qu’on soit bien d’accord, c’est celui des jalousies et des rapports de force à peine larvés entre Etats soit disant "partenaires", des souverainetés tatillones, des égoïsmes nationaux, des nationalismes ombrageux, des crisettes et autres "montées en gamme" verbales savamment scénarisées, des négociations interétatiques semi-clandestines jusqu’au bout de la nuit ou chacun défend égoïstement son bout-de-gras sans aucun souci pour l’intérêt général, des accords insatisfaisants arrachés à quatre heures du matin, des marchandages inavouables, des compromissions négociées... on ose à peine parler de pots-de-vins.

    Vous pensiez que j’évoque là encore le contexte politique européen du début du XXIe siècle ?! Que nenni !!! (en tout cas, pas seulement...). Puisque c’est là au contexte politique nord-américain à la fin du XVIIIe siècle que je fais allusion (puisque telle est l’ambiance politique qui règne dans la vie politique des Etats-Unis naissants). Et, comme on le voit bien, ce contexte politique "étasunien" des "débuts" est quasiment exactement similaire au contexte politique « européen » actuel. Et c’est précisément cela qui fait le sel et l’intérêt de la comparaison...

    Puisque "eux" ont trouvé des solutions aux maladies qui - les mêmes - nous rongent également. Et nous ?!

    Dans ce débat, l’émergence du « territoire fédéral » en tant qu’entité spécifique est un événement fondamental : il ne s’agit pas seulement de donner une existence concrète et une vie autonome au pouvoir fédéral, mais surtout de dépasser les clivages et antagonismes existant entre des Etats qui - comme de bien entendu - ne voient dans la "localisation du site fédéral" qu’un enjeu politique de plus où placer sa fierté nationale et à propos duquel se disputer encore (Cf. "ramdam" franco-alsacien à propos de Strasbourg...).

    De même, l’admission dans l’opinion de l’idée d’un « territoire fédéral » est un indice concernant sa maturité (ou pas) à l’égard du projet fédéral. Mais c’est presque là un autre problème.

    La construction politique européenne (fédération progressive de « vieux » États sur un continent à l’histoire déjà ancienne) a un autre niveau de complexité que la fondation des États-Unis d’Amérique (sur un territoire récemment colonisé).

    Tout dépend ce qu’on considère en tant que "vieux Etats" et "récemment" : quand naissent les Etats-Unis, la Virginie existe déjà depuis près de 150 ans. Et - quand naît la Géorgie - elle fête alors déjà son centenaire avec la condescendance qu’on imagine envers le nouveau "baby state" que voilà.

    Quand naissent les Etats-Unis, il n’y a pas grand monde pour parier que ça va vraiment durer. Nombreux sont ceux qui sont alors persuadés que cet assemblage baroque de puritains égalitaristes et d’aristocrates esclavagistes va exploser sous peu et que l’orgueilleuse Virginie - qui prend toutes les autres colonies de haut - va bientôt prendre son indépendance totale et devenir une monarchie.

    Pour les "nords-américains" de l’époque, rares sont les "Américains", nombreux sont les "British american", plus nombreux encore les "Englismen of America". Leur colonie était leur pays ; leurs uniques capitales, celle de leurs seuls Etats. Ils avaient leurs propres lois, leur religion, leur mode de vie, leur monnaie propre et - majoritairement - n’avaient absolument aucune envie de succomber aux délices suspects de la supranationalité fédérale naissante.

    A peine débarassés des impôts "injustes" de la Couronne britannique, on n’allait tout de même pas accepter la "tyrannie" d’un pouvoir fédéral intrusif synonyme d’entraves aux libertés, suspect d’ingérence dans les affaires locales et de brimer l’initiative individuelle, présumé coupable par avance d’intrusion dans la vie privée, d’embrigadement militaire et d’impôts. Surtout impôts.

    On n’allait tout de même pas échanger "un tyran à mille lieues contre mille tyrans à une lieue". Les colons ont du s’habituer à l’idée d’une administration fédérale. Et cela ne s’est pas fait sans mal ni grincements de dents. Qu’on veuille bien examiner qu’après la déclaration d’indépendance (en 1776), il a tout de même fallut près d’un quart de siècle (en 1800) pour qu’un - très embryonnaire - gouvernement fédéral s’installe timidement sur les bords du Potomac...

    Et si la création d’un "Siège du gouvernement" a finalement été inscrit dans la Constitution de 1787, le mot même de "capitale" - tabou pendant encore de nombreuses années - n’y est pas même mentionné : Jefferson parle de "ville fédérale", G. Washington parle de "cité" et les adversaires du projet parlent de "siège impérial" ou de "carré fédéral" (c’est dire si l’idée est impopulaire...).

    D’ailleurs les fondateurs n’ont donc alors pas réussi à tomber d’accord sur l’endroit. Si la Constitution prévoit la taille du siège, pas sa localisation. Et il a fallu encore trois ans de plus pour en décider. Et pour cause : la localisation définitive du siège de l’administration de l’Union a émergé d’un lutte politique conflictuelle - "au couteau" - entre Etats du Nord et Etats du Sud (puisque W.D.C., c’est une ville du Sud...).

    « Philadelphie, New York ou actuel Washington D. C. » : enjeu de pouvoir et point focal symbolique où se cristallisent les différents entre Etats membres de l’Union, cette « controverse politique » fut alors au moins aussi violente que celle qui oppose aujourd’hui "Strasbourgeois" et "Bruxellistes". Et pour des raisons sensiblement similaires.

    En tout cas, on sait comment cela s’est terminé là-bas : un repas bien arrosé entre protagonistes réunis pour trancher un problème financier annexe. Un jour Strasbourg - malgré toutes les qualités du site - sera peut-être ainsi échangée aux libéraux scandinaves pro-Bruxelles contre un compromis favorable à la France sur la PAC. Quitte à essayer de voir l’avenir, autant avoir les yeux ouverts...

  • Le 29 janvier 2009 à 09:39, par Ronan En réponse à : Bruxelles, « siège de l’Union européenne », vraiment ?

    Je ne comprends pas le sens profond ni l’utilité de ce genre de phrase : le but n’est pas le fédéralisme en soi, mais l’approfondissement de la démocratie européenne dans une société supranationale.

    Argument rhétorique déguisé souvent utilisé par certains pour dire que le fédéralisme, à vrai dire c’est finalement secondaire sinon suspect d’on ne sait trop quoi (ou carrément pas bien).

    Car si l’objectif est effectivement « l’approfondissement de la démocratie européenne dans une société supranationale » (sic) - et accessoirement la paix, n’est-ce pas ?! - à part le fédéralisme, connaissez-vous donc un autre chemin ?!

    Parce que pour ce qui est de « l’approfondissement de la démocratie européenne dans une société supranationale », il me semble que l’actuel intergouvernementalisme communautaire a montré plus que des limites (par exemple : récemment, on a vu que la protection diplomatique entre les 27, pourtant proclamée par les traités n’était - au mieux - qu’une aimable fiction...).

    Ce n’est déjà pas facile de faire la promotion du fédéralisme (et des progrès qu’il rend possible...), alors évitons de dire que le but n’est pas le fédéralisme en soi  : d’abord parce que ce n’est effectivement pas dans cette perspective que ses promoteurs s’activent (qu’on se rassure : les fédéralistes ne sont pas des adorateurs d’idoles éthérées...) ; ensuite parce que le « fédéralisme » est très certainement le seul « chemin » concret possible vers les objectifs concrets ainsi soulignés ; enfin et surtout, parce que ce genre de formule, ça nous savonne à tous la planche... (et quitte à se tirer ainsi dans le pied, autant se loger tout de suite une balle dans la cervelle : c’est carrément plus efficace...).

  • Le 29 janvier 2009 à 11:11, par Laurent Nicolas En réponse à : Bruxelles, « siège de l’Union européenne », vraiment ?

    C’est vrai qu’il est difficile de tenir les propos que je tiens sans heurter la sensibilité des plus fervents défenseurs du fédéralisme. Le sens de cette phrase est pourtant essentiel, je persiste et signe. Il ne faut pas avoir comme idéal un modèle défini, un point de vue dogmatique. Tu l’expliques toi même très bien : les fédéralismes sont multiples, évoluent dans le temps. Il faut donc non pas se baser sur un modèle mais sur une volonté, sur des valeurs : une société démocratique, supranationale.

    Nous aurons tout loisir de nous battre pour savoir comment répartir le pouvoir entre Etat fédéral et Etats fédérés quand nous en serons là (car ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit, c’est aussi là que je veux aller). Le tout est de garder son sang froid et sa lucidité pour avancer pragmatiquement...même si ce mot peut hérisser quelques poils. C’est d’ailleurs de cette manière que les fondateurs de l’Europe que tu connais si bien ont construit l’édifice, sans dogmatisme, sans effrayer leurs contemporains.

  • Le 29 janvier 2009 à 18:15, par Emmanuel En réponse à : Europa City : et si l’Europe se dotait d’une nouvelle capitale ? (1/3)

    Carrefour de l’Europe de l’ouest, la cité pourrait-elle devenir le coeur de l’Europe entière ?

    Tu sais, juste après la chute du Mur de Berlin, avant de penser à l’UE, c’est vers Strasbourg que les yeux des Pays d’Europe centrale et orientale se sont tourné en premier, car le Conseil de l’Europe y représentait pour eux la reconnaissance démocratique. Donc, oui, je pense que Strasbourg est probablement très identifiable comme « coeur » pour l’Ouest comme pour l’Est.

    Et la France, en particulier, serait-elle prête à lui donner l’impulsion politique, économique et culturelle nécessaire pour qu’elle le devienne ?

    Ca, j’en doute. mais on fait de la politique-fiction, là, alors pourquoi pas ? Si on veut revenir à des considérations réalistes, c’est l’ensemble du concept de capitale fédérale européenne qui tombe à l’eau...

  • Le 29 janvier 2009 à 18:19, par Emmanuel En réponse à : Bruxelles, « siège de l’Union européenne », vraiment ?

    euh, à partir du moment où on est d’accord pour dire qu’il n’y a pas UN seul fédéralisme, où est le problème de dire que l’objectif, c’est LE fédéralisme (sous-entendu : quelle qu’en soit la forme...) ? Faut pas avoir peur du mot et le cacher sous une litote « société démocratique supranationale ». On veut une Europe fédérale, ensuite quel modèle, là on peut discuter.

  • Le 29 janvier 2009 à 18:49, par Laurent Nicolas En réponse à : Bruxelles, « siège de l’Union européenne », vraiment ?

    Je suis d’accord Emmanuel. Mais l’intérêt de s’autoriser à utiliser cette litote réside dans la capacité à apprécier des progrès qui vont dans le sens d’une plus grande démocratisation, dans le sens de plus de supranational, de moins d’égoïsmes nationaux, sans pour autant être directement liés au cheminement vers le fédéralisme. La litote nous permet de reconnaître des avancées, comme en comporte le Traité de Lisbonne, qui n’induisent pas nécessairement l’avènement d’un Etat fédéral, mais qui permettent un mieux.

    De plus nous, les fédéralistes, donnons aux autres europhiles, une image souvent terrible de gens si dogmatiques qu’ils sont capables de rendre les citoyens eurosceptiques, en se plaignant à longueur de temps de l’Europe actuelle, et en ne proposant rien d’autre que des grands concepts et des manifestes poussiéreux. Alors entre nous, ok pour tomber la litote. Mais dans le débat public, nous devons être capables de montrer plus de subtilité dans l’argumentation. Placer le débat sur le champ des valeurs, comme la démocratie, la solidarité entre les Etats, tourne la chose sous un angle positif, constructif, sans pour autant dénaturer l’idéal d’un Etat européen...sous quelque forme que ce soit.

  • Le 29 janvier 2009 à 19:43, par Maël Donoso En réponse à : Europa City : et si l’Europe se dotait d’une nouvelle capitale ? (1/3)

    "Si on veut revenir à des considérations réalistes, c’est l’ensemble du concept de capitale fédérale européenne qui tombe à l’eau…"

    Mais justement, Martina Latina a introduit Strasbourg dans le débat comme une alternative "réaliste" à la fondation ex novo d’une capitale européenne. Ce qu’elle formule, plus élégamment que moi, dans un commentaire de la partie 2/3 de l’article :

    "L’« euro-fiction » c’est bien : l’« euro-réalité », c’est mieux, car plus urgent et plus exaltant."

    Il est donc tout à fait permis de se demander si la "solution Strasbourg" est effectivement réaliste, et l’interrogation sur la capacité de la France à soutenir cette solution est par conséquent légitime.

  • Le 29 janvier 2009 à 20:06, par Maël Donoso En réponse à : Europa City : et si l’Europe se dotait d’une nouvelle capitale ? (1/3)

    « Pour ce qui est des Etats-Unis : si. parfaitement et en tous points. »

    Du point de vue politique, peut-être. Du point de vue géographique et urbanistique, les États-Unis à la fin du dix-huitième siècle n’ont que peu de similitude avec l’Europe actuelle.

    La fondation d’une capitale est une problématique politique soumise à des contraintes géographiques. Le territoire disponible a son mot à dire, et n’autorise pas toutes les solutions avec la même facilité. La création d’une nouvelle métropole n’aurait donc pas le même sens dans une Europe anciennement et densément peuplée, ou dans une Amérique encore en colonisation.

  • Le 31 janvier 2009 à 10:07, par Ronan En réponse à : Europa City : et si l’Europe se dotait d’une nouvelle capitale ? (1/3)

    Ben, c’est fou, ça : la « Washington D. C. » de l’époque ce n’est tout de même pas un coin complètement perdu au beau milieu des Grandes Plaines ; c’est alors une ville nouvelle, certes, mais quand même située en plein territoire déjà colonisé !

    Construire une ville nouvelle à un tel endroit pour les nord-américains de la fin du XVIIIe siècle n’est pourtant pas moins exotique et pas moins compliqué que, pour nous - français à cheval sur la fin du XXe et le début du XXIe siècle - la mise en place la ville nouvelle de « Marne-la-vallée » (par exemple), sauf qu’ils donnèrent à cette ville-là un statut gouvernemental très particulier (seule différence politique notable).

    Vous me direz qu’ils avaient là de la "place". Mais vous savez (dans l’hypothèse où on voudrait décongestionner Paris...), dans la Beauce aussi (par exemple...) il y a de la place...

    Tout le reste découle donc d’un problème d’opportunité et de choix politique : pourquoi diable vouloir absolument construire une "nouvelle-ville" quand on en a déjà une ou deux (ou trois) sous la main ? Et qu’il "suffirait" d’ériger son territoire en "district fédéral" pour résoudre les problèmes de souverainetés en jeu ?!

    L’idée n’est pas nouvelle : le prix nobel d’économie (français) Maurice Allais l’avait soutenu en son temps, dans les années 1990 (lui qui - curieusement - avait fait campagne pour le NON lors de la ratification du traité de Maastricht : un "fédéraliste" pur et dur pourtant qui soutenait là la ligne politique du "puisque c’est pas parfait, je rejette le brouillon"...). A l’époque, il s’était prononcé alors sans ambiguité en faveur du « Grand-Duché du Luxembourg ». De quoi définitivement réconcilier "Bruxellistes" et "Strasbourgphiles"...

  • Le 31 janvier 2009 à 11:00, par Ronan En réponse à : Europa City : et si l’Europe se dotait d’une nouvelle capitale ? (1/3)

    Le problème de Strasbourg, c’est qu’elle est carrément reniée par une partie de l’opinion publique des Etats de l’Union (souvent ceux-là même dont, pour certains, on nous dit qu’avant la chute du mur ils "regardaient vers Strasbourg"...), ainsi que par une sensibilité politique importante de l’opinion publique. Et qu’elle n’est aujourd’hui soutenue par le gouvernement français (qu’on ne dise pas que ce n’est pas un enjeu - électoral - de fierté nationale...) que comme la corde soutient le pendu... Et j’entends même souvent dire que les Allemands s’en fichent complètement, c’est vous dire.

    Pragmatiquement parlant, "il est donc tout à fait permis de se demander si la « solution Strasbourg » est effectivement (vraiment) réaliste" (sic).

    On peut parfaitement aimer la ville de Strasbourg, admettre que c’est un cadre de vie fort sympathique, trouver des qualités géopolitiques et "symbolico-historico-philosophico-morales" indéniables à ce site... (sur le plan de l’accès autoroutier, ferroviaire et aéroportuaire, c’est en revanche plus que discutable...) et être infiniment désolé à ce qui va très vraisemblablement lui arriver.

    En cas de négociations européennes délicates où la France sera mise en grande difficulté sur des enjeux sonnants et trébuchants autrement plus vitaux que celui-là, inutile de se cacher davantage que tout le monde sait très bien que "céder sur Strasbourg" sera l’autre versant de la transaction. Fin certes triste et franchement dommage, mais incontestablement prévisible...

    Ici, la question pertinente à propos du siège de "la" capitale européenne (qui - pour le coup - sera l’unique ville du continent à diposer d’un tel statut...), ce n’est pas « où » (à mon sens , c’est déjà depuis fort longtemps plié en faveur de Bruxelles...), c’est « quand ? ».

    L’éventualité d’un divorce belge ne fait que renforcer cette tendance : il faudra bien trouver un prétexte pour organiser un "tampon territorial" entre Flamands et Wallons ; et il faudra bien faire quelque chose de Bruxelles... (et - autant que possible - bien autre chose qu’un enjeux territorial entre ceux-là...). Un corps d’armée de l’OTAN ou de l’UEO (ou des forces de polices de l’UE) y stationnera à demeure, on évitera ainsi 99% des dérapages communautaires prévisibles ; et tout le monde (ou presque) sera content. A part Manu et Albert II, quoi que... (peut-être un chômeur de plus, enfin délivré des polémiques domestiques du plat pays...).

  • Le 31 janvier 2009 à 11:14, par pseudonyme En réponse à : Bruxelles, « siège de l’Union européenne », vraiment ?

    On serait davantage en droit d’attendre des fédéralistes (s’il y en a) d’être capables de nous dire intelligiblement ce qu’est le « fédéralisme » plutôt que de tergiverser comme ça à nous dire ce que ça pourrait bien être pourvu qu’on n’emploie surtout pas le mot.

    Image terrible qui donne à penser que les Europhiles ont en fait peur de l’opinion publique et/ou ne savent à vrai dire pas clairement en quoi ils croient (sinon des bondieuseries convenues, des évidences niaises sur la démocratie, les droits de l’homme, etc).

  • Le 31 janvier 2009 à 11:41, par Fabien Cazenave En réponse à : Bruxelles, « siège de l’Union européenne », vraiment ?

    Cher pseudonyme, je vous invite à venir lire tous les textes publiés sur le Taurillon, et notamment ceux de la rubrique Institutions et Fédéralismes... Nous publions un texte par jour et je vous invite donc à revenir quotidiennement pour le découvrir.

    Enfin, je vous rassure, il y a beaucoup de Fédéralistes... la preuve par ce site.

  • Le 3 février 2009 à 11:42, par Emmanuel En réponse à : Europa City : et si l’Europe se dotait d’une nouvelle capitale ? (1/3)

    "Ici, la question pertinente à propos du siège de « la » capitale européenne (qui - pour le coup - sera l’unique ville du continent à diposer d’un tel statut…), ce n’est pas « où » (à mon sens , c’est déjà depuis fort longtemps plié en faveur de Bruxelles…), c’est « quand ? »."

    Je m’étonne de lire un tel fatalisme sous la plume d’un fédéraliste. En politique, rien n’est jamais « plié » tant que certains y croient encore. Être fidèle à l’héritage de Jean Monnet, c’est aussi faire preuve de détermination, pas de se dire que c’est plié.

    Parce que, si on regarde les réalités, il faut bien voir que l’ouverture d’un débat sur le siège du Parlement européen conduira à un débat sur ce que propose Maël : une capitale unique, qui ne mettra pas seulement la France en porte-à-faux, mais également le Luxembourg (et dans une discussion à l’unanimité, ça compte), sans compter la BCE et les multiples agences et offices éparpillées sur tout le territoire européen. Et ce débat-là, aucun Etat n’en veut.

    A mon avis, l’avenir réaliste de la géographie institutionnelle de l’Union, en dépit du délitement de la Belgique, passe plus par une structuration polycentrique, du type « trois pouvoirs, trois capitales ».

    Alors, bien sûr, on peut aussi faire du fédéralisme avec une capitale unique. Mais là encore, on calque des modèles étrangers, fondés sur une identité nationale forte (ne serait-ce qu’en raison de l’unité linguistique), sur une réalité européenne toute autre, qui a selon moi besoin d’incarner « physiquement », jusque dans l’organisation physique de ses institutions, la séparation des pouvoirs et le polycentrisme, histoire d’éviter le syndrôme de « Bruxelles a décidé ».

    Dans cette optique, bien plus facile à vendre aux Etats et aux opinions publiques, il est logique que le Parlement européen soit à Strasbourg. La logistique suivrait évidemment (donc l’argument de la faible accessibilité aérienne tombe). Et ça libérerait des espaces de bureau pour la Commission et le Conseil à Bruxelles, qui cherchent à s’étendre sur de nouveaux sites, ce qui ferait faire à tout le monde de très notables économies.

    Quitte à parler des négociations en Conférence intergouvernementale, je peux parfaitement m’imaginer que lors de la prochaine CIG, à 4 heures du matin, la délégation suédoise demande « bon et pour Strasbourg, on fait comment, y’en a marre » et que Sarko réponde « écoutez, on en finit, on met tout à Strasbourg, on donne une compensation à Luxembourg en termes de personnels et en y installant Eurojust et le procureur européen en tant que capitale judiciaire de l’Europe, et puis finis les navettes et le triple siège. » La plupart des gens étant plus favorable à un lieu de travail unique qu’à une ville en particulier, cela ne me paraît pas du tout impossible.

  • Le 5 mars 2009 à 22:43, par Till En réponse à : Europa City : et si l’Europe se dotait d’une nouvelle capitale ? (1/3)

    L’idée de bâtir une capitale de l’Europe au milieu du rien entre Stuttgart et Munich est assez sympathique, mais elle a l’air d’être complètement en décalage avec l’histoire et la géographie européenne et l’identité que l’Union veut se donner.

    Tout d’abord, l’Allemagne du Sud - comme tout le reste de l’Europe - est un territoire où chaque centimètre carré a son histoire. Même si le territoire de cette ville aurait un statut d’extraterritorialité la ville se trouverait géographiquement en Bade-Württemberg ou en Bavière, serait desservie par les infrastructures de ces Länder et une bonne partie des travailleurs habiterait en « Allemagne voisine ».

    Deuxièmement, une ville « neutre » au départ pourrait difficilement le rester dans le long terme, parce que ses citoyens développeraient une identité et auraient leur mot à dire. Le cas de Washington, D.C., devrait être éclaircissant. Deux siècles après sa fondation son statut de « district fédéral » est remis en cause en raison du fait que ses habitants n’ont pas de représentation au Congrès comme le souligne un article dans le dernier numéro de l’Economist.

    Au lieu de regarder aux solutions adoptées par des fédérations nées de la décolonisation simultanée de plusieurs territoires, il faudrait mieux étudier les expériences européennes. L’Allemagne comme la Suisse ont dû faire face au problème de la capitale. La solution a été celle de la décentralisation : les institutions fédérales sont reparties entre plusieurs villes et le gouvernement fédéral s’engage à soutenir activement le développement de certains pôles économiques et culturels. Aujourd’hui Berlin et Berne ont le statut de capitale politique, mais beaucoup d’institutions fédérales ont leur siège dans une autre ville.

    Cette voie devrait être exploitée par l’Union européenne au fur et à mesure que ses institutions augmentent. Cela serait en ligne avec le principe d’intégration fonctionnelle et du respect de la diversité de l’Union.

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