Europe 2020 : un échec annoncé

, par Federico Brunelli, Traduit par Faustine Gauthier

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Europe 2020 : un échec annoncé

Mercredi 3 mars, la Commission européenne a approuvé le plan « Europe 2020 : Stratégie pour une croissante intelligente, durable et inclusive » qui devrait par la suite être adoptée par le Conseil européen d’ici juin.

La Stratégie de Lisbonne 2000-2010 : comment s’est-elle soldée ?

Il faut se souvenir que dix ans auparavant, en l’an 2000, le Conseil Européen, dans un sommet qui s’est tenu à Lisbonne, s’était fixé comme objectif pour 2010, de faire de l’Europe l’économie fondée sur la connaissance la plus dynamique du monde. Les gouvernements étaient donc censés dédier des ressources importantes à la recherche et à l’innovation. L’objectif était très ambitieux, trop probablement, car aujourd’hui, il est évident que cette « Stratégie de Lisbonne » a échoué.

Les leaders européens ont cru qu’une coordination générale des politiques économiques nationales (dite « méthode ouverte de coordination ») serait suffisante pour garantir la croissance et ils n’ont pas donné à l’UE le pouvoir d’établir des règles contraignantes et des sanctions aux États défaillants. Dans cette situation, aucun État n’était vraiment poussé à se comporter de façon vertueuse, et il était bien plus commode pour chacun d’attendre que ce soient les autres qui fassent les efforts à sa place, pour ensuite jouir des bénéfices en n’ayant rien fait. Mais cela n’a pas marché et le résultat est évident : les objectifs n’ont pas été atteints.

Ils ont refusé d’inscrire au budget européen les ressources financières nécessaires pour un plan efficace d’investissement dans les infrastructures, dans la formation de grands projets européennes, dans la recherche et dans l’innovation.

Les leaders européens ont commis de nombreuses erreurs :

Ils ont refusé l’émission de titres de dettes publiques européens (Union bonds), ce qui aurait permis d’attirer sur le marché mondial de considérables capitaux financiers, en quête de placements sûrs à l’heure où le dollar et les États Unis n’offrent plus toutes les garanties de fiabilité. Ces titres remboursables à un bas taux d’intérêt grâce à la crédibilité dont jouissent l’UE et l’euro auraient pu être utilisés et investis dans un plan de développement européen.

A partir de ce qui nous est donné à lire, il semble que la Commission européenne et les États n’ont rien retenu des erreurs du passé récent. Les ingrédients de la stratégie « Europe 2020 » ressemblent en effet de très près à la stratégie de Lisbonne : objectifs ambitieux ; confiance forte en la virtuosité et la vertu des États à mettre de façon autonome les politiques nécessaires ; encore beaucoup de recommandations mais toujours aucune menace de sanctions ; enfin, aucune allusion à une possible attribution à la Commission de pouvoirs de gouvernement économique ni d’augmentation du budget européen.

Je ne pense pas que ce soit seulement à cause de l’incompétence de la classe politique européenne. Au contraire, à Bruxelles, nombreux sont ceux qui savent bien que, si l’on donne à l’UE la capacité de réaliser un vrai plan européen pour la croissance, ce serait un succès retentissant capable de balayer une fois pour toute le reste de prétention de ces pauvres États nationaux qui croient encore compter pour quelque chose dans le monde du 21e siècle.

Changer la donne

Les remarques contenues dans cet article sont déjà connues, non seulement par les fédéralistes. Si, encore une fois, elles ne trouveront pas application dans le plan Europe 2020, cela sera sans doute à cause d’une précise volonté politique. Ce n’est, donc, pas faux de dire que les leaders européens sont encore une fois prêts à renoncer à la poursuite du bien-être présent et futur des européens plutôt que de renoncer au semblant de souveraineté que les États gardent aux yeux de leurs citoyens.

Pourtant, chers Merkel, Sarkozy, Berlusconi et Brown, vous ne vous en sortirez pas comme ça. Vous ne sauverez pas votre poste sous le soleil des grands de ce monde que vous croyez encore avoir, mais qu’en réalité vous avez déjà perdu depuis longtemps ! Vous ne garderez pas longtemps l’approbation des citoyens en leur vendant des promesses qui, au seul niveau national, ne peuvent plus se réaliser. Le processus de mondialisation vous renversera, vous et votre ridicule grandeur prétendue.

Par contre, si vous voulez avoir votre place dans les livres d’histoire, vous pouvez encore le faire : mettez en marche la création de la Fédération européenne, appelée de ses vœux par Robert Schuman il y a 60 ans ! Ainsi seulement vous ferez partie du groupe des « vainqueurs » de ce début de 21e siècle. Autrement, je le regrette pour vous, vous resterez confinés dans les limbes des vaincus.

Illustration : Nicolas Sarkozy et Angela Merkel

Source : Flickr

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Vos commentaires
  • Le 17 avril 2011 à 01:47, par T-A-M de Glédel En réponse à : Europe 2020 : un échec annoncé

    Bah non. Pour Sarkozy ou Merkel, c’est tout bénéfique. Malgré le fait qu’ils dirigent des États de 65 et 82 millions d’habitants, ils peuvent se prévaloir aujourd’hui d’une influence bien supérieure du fait qu’ils dominent un regroupement de 500 millions de bonshommes.

    Après, effectivement, même s’ils font encore partis des grands de ce monde (le nier est profondément malhonnête), leur effacement est écrit dans notre démographie. En même temps, que proposerait une Fédération européenne en 2050 ? Un État fédéral frileux diplomatiquement, profondément influencé par la pensée saxonne, en déclin démographique et en vieillissement accéléré. Comme l’adage de l’illuste Aristide Briand se vérifie (« je fais la géopolitique de notre natalité »), on peut d’ores et déjà dire que dans 50 ans, l’Europe sera dans une situation tout aussi minable dans le concert des Nations.

    Du coup, mieux vaut peut-être, être à la tête en 2050 d’un pays cohérent de 72 millions d’habitants, avec des pouvoirs exécutifs élargis, et moins vieux, en sus sans perdre son âme.

    De toute façon, quand les europathes auront compris qu’on ne construit pas une union politique seulement pour des raisons géopolitiques, on aura fait un grand pas.

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