François Hollande face à un Parlement très critique sur le budget européen

, par Fabien Cazenave

François Hollande face à un Parlement très critique sur le budget européen
François Hollande au Parlement européen - Source : FlickR du Parlement européen

François Hollande était au Parlement européen mardi 5 février 2013. Il y a fait un beau discours et a même été très applaudi plusieurs fois. Ce qui est déjà mieux qu’Angela Merkel… Cependant, l’objet de son discours a suscité de nombreuses critiques de la part des parlementaires européens.

Voilà encore un exemple du fait que le Parlement européen est un espace de débat important. Voilà quelques points à retenir de cet échange.

François Hollande souhaite une « Europe différenciée »

Le président français s’est placé dans les pas de Jacques Delors pour justifier sa vision d’une Europe à la carte. Il cite son mentor de l’époque du think-tank « Témoins ». Et il valide la logique de ses propos avec des exemples comme Schengen et l’Euro. Problème : il s’agit d’une Europe intergouvernementale, une Europe à la carte, où rien n’est simple pour le citoyen. La coopération renforcée a été présentée par François Hollande comme la panacée. C’est faux. Les parlementaires européens l’ont déjà dit à Angela Merkel : on ne peut pas avoir des discussions sur les sujets économiques avec une partie des eurodéputés issus des pays de la zone euro et demander à ce moment-là aux autres eurodéputés de partir de l’enceinte…

La fin du discours du président français a été marquant, grâce à certaines formules bien tournées. Il pointe ainsi à raison le problème de la stabilité des traités : à chaque fois qu’on rediscute des traités, on reprend l’ensemble des acquis, ce qui crée une insécurité juridique et bloque souvent les négociations. Autre point important lié aux élections européennes de 2014 :

 « Toute avancée européenne doit correspondre à une nouvelle étape de la démocratie »
 « Les élections européennes de 2014 devront être l’occasion d’un débat sur l’avenir de l’Europe »

C’est très fort que la France mette ainsi en avant l’assemblée parlementaire, représentant les intérêts des citoyens. En effet, dépasser les discussions au sein du Conseil européen est le meilleur moyen de ne pas en rester aux intérêts nationaux du moment. Dommage qu’il n’ait pas clairement dit que c’est au Parlement européen de définir qui sera le prochain président de la Commission européenne. Il faut dire qu’il avait déjà presque oublié de citer la Commission dans son discours, se rattrapant au dernier moment.

Autre point important abordé : l’Europe de la défense. Encore une fois, le président français est resté évasif sur le sujet, sûrement échaudé par le manque d’entrain de ses partenaires européens sur la guerre au Mali. L’emploi des termes « d’harmonisation » et de « rassemblement » pour parler d’Europe de la défense sont symptomatiques : jamais il n’émet l’idée d’une véritable armée commune. De toute façon, ce serait difficile sans un véritable pouvoir politique européen.

Les interventions des eurodéputés

Joseph Daul, président du groupe PPE (la droite au Parlement européen), a interpellé durement François Hollande : de manière cinglante il a clairement dit que le Parlement européen ne votera pas ce budget européen en l’état. Réponse de Hollande : « Les groupes devraient faire pression auprès des chefs d’Etat européens ». Le président français a indiqué que la Commission s’appuiera sur le Parlement européen dans les négociations. Preuve que la Commission européenne est seule à pouvoir faire entendre l’intérêt européen … si elle est liée à une majorité parlementaire de l’hémicycle européen.

Alain Lamassoure (PPE/UMP) a été très critique mais François Hollande a fait mouche en réponse avec son : « on demande à un socialiste d’éviter que les conservateurs européens fassent un mauvais budget ». Beaucoup de rires dans les rangs parlementaires …

Hannes Swoboda, pour les socialistes européens, s’est exprimé en français alors qu’il est Autrichien, tout comme le Portugais José Manuel Barroso. Voilà une marque de respect pour la France et sa langue. Son discours a été l’un des plus ternes en revanche. La Française Catherine Trautmann, pourtant socialiste également, a annoncé qu’elle ne votera pas le budget européen en l’état non plus. Il y a donc bien une majorité d’opposition au Conseil européen, or celui-ci est obligé de valider son futur accord par l’hémicycle européen … Voilà un coup de pression pour François Hollande avant le prochain Conseil européen.

Guy Verhofstadt s’est fait remarquer en saluant le côté « libéral » de François Hollande… il faisait ici référence au mariage gay. Il a aussi annoncé son opposition au budget européen actuel en préparation au Conseil européen.

Marielle de Sarnez : la députée du Mouvement Démocrate a demandé au président français de défendre l’idée qu’il y ait des élections des dirigeants de l’Europe pour que les citoyens européens les connaissent.

Daniel Cohn-Bendit a fait comme d’habitude dans l’intervention forte de sens. Pour ce faire, il n’a pas hésité à utiliser le tutoiement.

Martin Callanan, député conservateur britannique a rappelé que 5 joueurs français ont été recrutés au mercato d’hiver par l’équipe de football anglaise de Newcastle. Explication typiquement anglaise : ce sont les promesses d’imposition à 75% qui feraient fuir les joueurs de l’hexagone…

Philippe De Villiers est de retour au Parlement européen ! Les moqueries ont été nombreuses au début de son intervention. Il faut dire qu’il est tellement peu présent … Le Vendéen a rappelé l’importance de faire exprimer les peuples de l’Europe par référendum sur les orientations de l’Union européenne. Malheureusement, on sait qu’il s’agit de référendums nationaux et non d’un vrai référendum européen.

Marine Le Pen a été classique : elle met Hollande et Sarkozy sur le même plan, l’UE serait dictatoriale et soutiendrait les banksters. Plus dérangeant : elle compare « Budapest et Athènes ». Comme si on avait envoyé les chars « européens » en Grèce. Voilà un discours populiste des plus nauséabonds. L’amalgame historique dessert le débat. Elle a été fortement sifflée.

Twitter et les chaînes d’information, outils de diffusion du débat européen

Pour l’anecdote, comme pour la loi sur le #mariagepourtous, Twitter a été au première loge pour le #HollandePE … De nombreux eurodéputés ont twitté en direct avec publication de photos de l’hémicycles, de commentaires, de reprises du discours.

Il est à noter que Itélé et BFM TV ont diffusé le discours de Hollande. La chaîne parlementaire LCP/Public Sénat a fait encore mieux en diffusant également le débat post-discours. Cela va dans le bon sens, bravo à ces chaînes ! Le débat sur l’Europe en a besoin, qu’on soit favorable ou adversaire de la construction européenne.

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Vos commentaires
  • Le 5 février 2013 à 13:47, par Pierre-Jean Verrando En réponse à : François Hollande face à un Parlement très critique sur le budget européen

    Félicitation pour la rapidité de publication, Quelques commentaires :

    « La coopération renforcée a été présentée par François Hollande comme la panacée. »

    Les coopérations renforcées n’étaient que des exemples. Bien que nous - JEF - ne pouvons adhérer à une logique d’Europe différenciée, pas avec tous le monde et ni sur les mêmes domaines. Bref un cache sexe pour l’Europe à la carte, même si le Président rappelât la logique d’avancées communautaires devant à terme bénéficier à l’ensemble des Etats membres, on peut douter de la viabilité d’une telle architecture.

    « Et il valide la logique de ses propos avec des exemples comme Schengen et l’Euro. Problème : il s’agit d’une Europe intergouvernementale, une Europe à la carte, où rien n’est simple pour le citoyen. »

    Il est resté ambigu mais n’a pas défendu l’approche intergouvernementale systématique. En appelant d’ailleurs à la création d’un gouvernement de la zone euro responsable devant le Parlement.

    « Preuve que la Commission européenne est seule à pouvoir faire entendre l’intérêt européen… si elle est liée à une majorité parlementaire de l’hémicycle européen ».

    Ton analyse est un peu abusive et l’atonie actuelle de la Commission te ferait plutôt mentir. Je ne suis pas certain qu’une politisation de la Commission soit favorable à la logique d’intégration qui est nécessairement technique et doit, pour l’heure, dépasser les clivages politiques pour hisser les Etats membres et les opinions publiques.

  • Le 5 février 2013 à 13:59, par Fabien Cazenave En réponse à : François Hollande face à un Parlement très critique sur le budget européen

    @PJ : merci de ton commentaire. Mon analyse diverge de la tienne effectivement : la Commission est atone à cause de son isolement, ce qui est totalement voulu par son président du reste. Face aux Etats nationaux, il faut une légitimité démocratique européenne pour la Commission. Elle ne peut l’acquérir que par sa transformation en un gouvernement européen représentant la majorité des citoyens européens. Comme au niveau national du reste, un gouvernement fonctionnant comme la Commission serait rejeté par les citoyens de l’Etat.

  • Le 5 février 2013 à 17:55, par Stephanell En réponse à : François Hollande face à un Parlement très critique sur le budget européen

    D’accord avec Fabien Cazenave. Par ailleurs, je ne comprends pas vraiment ce que signifie « dépasser les clivages politiques pour hisser » telle ou telle chose à l’heure où il y a des clivages qui s’imposent à nous et refusent d’être dépassés, que ce soit au PE (clivages en matière de droits civils, d’environnement, de droits sociaux) ou dans le débat européen plus large.

    On n’est plus dans l’Europe de papa !

  • Le 5 février 2013 à 20:57, par Chloé En réponse à : François Hollande face à un Parlement très critique sur le budget européen

    Merci pour cet article qui est très intéressant !

    Une petite question : on a l’impression qu’il n"y a que des députés français qui ont parlé, est-ce un choix de l’auteur de sélectionner ceux-là, ou est-ce qu’il n’y a presque que des français au parlement européen ?

  • Le 6 février 2013 à 08:30, par Fabien Cazenave En réponse à : François Hollande face à un Parlement très critique sur le budget européen

    @Chloé : comme pour toute intervention d’un chef d’Etat, les députés vice-présidents d’un groupe ou président de ce groupe qui ont la même nationalité que l’intervenant cherchent à prendre la parole. Il y a deux tours de paroles donc deux possibilités au sein des groupes d’avoir des réactions. La France a plusieurs eurodéputés « bien placés » au sein des groupes : Cohn-Bendit, De Sarnez, Trautmann et Daul s’expriment régulièrement au nom de leur groupe de toute façon.

    Marine Le Pen et De Villiers beaucoup plus rarement... surtout le Vendéen !

  • Le 6 février 2013 à 19:25, par Letaulier En réponse à : François Hollande face à un Parlement très critique sur le budget européen

    « Hannes Swoboda, pour les socialistes européens, s’est exprimé en français alors qu’il est Autrichien, tout comme le Portugais José Manuel Barroso. Voilà une marque de respect pour la France et sa langue. »

    Faut pas s’étonner après que les Français passent pour des gens d’une extrême arrogance à l’étranger.

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