La sureté nucléaire à la française
Premier exploitant de nucléaire au niveau mondial, EDF amène nécessairement à s’intéresser au cas français.
Lors de la réunion du 14 mars des dirigeants de l’UMP à l’Elysée, Nicolas Sarkozy clamait haut et fort que le nucléaire français était « le plus sûr au monde ». Vraiment ?
La France compte 58 réacteurs en activité en 2010. 58 réacteurs nucléaires qui produisent 80% de son électricité et la place au deuxième rang mondial en nombre de réacteurs immédiatement derrière les États-Unis, et au premier rang à l’échelle européenne. La deuxième place est occupée par le Royaume-Uni avec… 19 réacteurs. Ainsi, en comparaison de nos voisins européens, ce chiffre fait grincer des dents tout écologiste qui se respecte, quand bien même l’ASN est là qui veille.
L’ASN ? Il s’agit de l’Autorité de sûreté nucléaire française, une autorité administrative indépendante dont le statut a été revu en 2006 par la loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, dite « loi TSN ». Elle est l’héritière du Service central de sûreté des installations nucléaires qui avait été mis en place en 1973.
En bref, « l[’ASN assure, au nom de l’Etat, le contrôle du nucléaire pour protéger le public, les patients, les travailleurs et l’environnement. Elle informe les citoyens ». La protection contre les risques liés aux activités nucléaires civiles et l’information du public constitue le cœur de sa mission. Elle dispose d’un large pouvoir d’appréciation concernant la prise de décisions, pouvoir qui s’exerce en partenariat avec le Parlement et le Gouvernement, mais aussi avec des experts techniques en mesure de rendre des avis.
Les inspections qu’elle met en œuvre représentent une part emblématique des modalités de contrôle. Les inspecteurs de l’ASN peuvent contrôler toutes les installations nucléaires de base, les activités de transports, les entrepôts. Leur champ de contrôle est l’un des plus diversifié. En 2008, 740 inspections ont été effectuées, dont 198 inopinées.
Malgré tout le crédit de l’ASN, des incidents, voire des accidents, classés d’après l’échelle de gravité INES, sont survenus sur des centrales françaises. Le 17 octobre 1969, la centrale de Saint–Laurent–des–Eaux a connu un accident classé niveau 4 sur 7 selon l’échelle INES. Onze ans plus tard, un accident de même envergure s’est produit dans la même centrale. Cette centrale est toujours en activité mais la technologie graphite-gaz qui était utilisée à l’époque a été abandonnée au début des années 1990. Depuis, la France n’aura connu que des incidents de niveau 1 ou 2.
En route vers une harmonisation à l’européenne
L’ASN participe activement à l’élaboration et à l’harmonisation du droit communautaire concernant les principes et les normes en matière de sûreté nucléaire. En effet, une coopération à l’échelle européenne est incontournable. En cas d’accident grave les conséquences seraient nécessairement transfrontalières. Le drame survenu à Tchernobyl en 1986 en est un exemple criant.
Chaque État membre de l’Union européenne a donc sa propre autorité de sûreté, et toutes entretiennent une coopération constante en vue d’unifier les normes de sécurité. Le but est véritablement d’instaurer une approche commune et de partager un principe fondamental : la sûreté nucléaire est la priorité.
Les discussions interétatiques et le partage de connaissances sont un moteur important dans la recherche d’une action toujours plus efficace. C’est pourquoi dés 1957 a été signé le traité EURATOM, imposant que des normes de bases protectrices des dangers résultants des radiations soient instituées par la Communauté.
La Commission va donc élaborer des directives relatives à la radioprotection que les États membres ont l’obligation de transposer et appliquer en droit interne. Par ailleurs, en 2009, une directive du Conseil chercha à rendre juridiquement contraignants les principes internationaux de sûreté nucléaire posés par l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique).
Un système communautaire véritablement efficace ?
Outre les « accidents » français et ukrainiens évoqués précédemment, l’Union n’aura connu que des « incidents » nucléaires, en Allemagne, Espagne, Hongrie, Suède, Slovénie et Belgique. Libre à chacun d’estimer l’importance de ces événements. Un point de comparaison peut cependant être apporté : les Etats-Unis ont connu depuis les années 1960 dix accidents ou incidents nucléaires, contre quinze pour l’Europe.
Quelle que soit la position de chacun sur l’efficacité de l’Union en matière de prévention des risques nucléaires, on ne peut nier que ses membres ont fait preuve d’une réactivité phénoménale après la catastrophe de Fukushima.
Angela Merkel a immédiatement annoncé un moratoire de 3 mois sur la prolongation de la durée de vie de 7 centrales allemandes. Par ailleurs, les eurodéputés allemands Angelika Niebler et Jorgo Chatzimarkakis ont demandé une européanisation accrue des futures normes de sécurité, conscients des enjeux transnationaux de la question.
L’Italie, sortie du nucléaire en 1987, a décidé en 2008 de s’engager dans la construction de centrales nouvelle génération. Elle s’interroge désormais… L’Autriche ayant voté une loi de non utilisation du nucléaire en 1978 a exigé des tests de résistance à l’échelle européenne.
Tant de réactions ! Prudence ? Panique ? Dans son édition du 16 mars 2011, le quotidien tchèque Hospodàrské Noviny qualifiait l’Europe de « championne du monde de l’hystérie » en s’appuyant notamment sur un rapport de l’OCDE comparant le nucléaire à d’autres sources d’énergie en concluant que « le nucléaire est le plus sûr ».
Mieux vaut prévenir que guérir.
Suivre les commentaires : |