Grèce et liberté de la presse

Rapport « Goodbye to Freedom 2008 »

, par Athanase Papandropoulos, Dumitru Drumea

Grèce et liberté de la presse

Le rapport sur la liberté de la Presse en Europe « Goodbye to Freedom » vient d’être publié par l’Association des Journalistes Européens. Le Taurillon a décidé de publier le résultat de cet énorme travail. Aujourd’hui, voici la situation en Grèce.

Présentation générale

En Grèce l’avenir des médias au début du nouveau millénaire paraît sombre. Les sondages montrent que les journalistes ont moins de crédibilité et sont moins respectés qu’avant. Un certain nombre de nouveaux et influents patrons des médias détournent le journalisme de son objectif essentiel : informer les citoyens sans avoir peur et sans partie prise. La presse a déjà fait ses preuves par le passé, en permettant de faire partir des responsables politiques malhonnêtes de leur poste. Mais aujourd’hui, ce pouvoir est souvent utilisé pour promouvoir les reportages sur le sexe, la violence et le sensationnalisme. Généralement, la presse en Grèce peut être considérée comme libre. Cependant, les autorités font souvent appel à la loi pour décourager les analyses critiques sur des sujets sensibles comme la religion, les relations avec la Turquie, le népotisme ainsi que d’autres formes de corruption.

Une nouvelle menace pour la diversité de l’opinion en Grèce est apparue avec la loi qui a été votée cette année le 5 juillet par le Parlement grec. La loi sur « La Concentration et la Délivrance des Autorisations pour les Entreprises des Médias et autres Provisions » instaure de nouvelles règles de langage, de recrutement et de financement qui vont compliquer la procédure de délivrance des autorisations de la diffusion des informations et de la musique pour les médias locaux et régionaux.

L’affilié régional de l’Institut International de la Presse, SEEMO (l’Organisation des Médias de l’Europe de Sud-Est) a protesté contre cette loi, car elle « est conçue exprès pour empêcher activement le développement économique des médias régionaux et exclure les petits groupes de l’accès à l’information ». SEEMO a aussi accusé le Gouvernement grec de vouloir influencer directement le marché des médias en manipulant les informations.

...les autorités font souvent appel à la loi pour décourager les analyses critiques sur des sujets sensibles comme la religion, les relations avec la Turquie, le népotisme ainsi que d’autres formes de corruption

Malgré l’engagement officiel grec de solidarité européenne, la question macédonienne reste taboue. L’administration grecque n’hésite pas d’invoquer systématiquement les différentes lois et poursuivre en justice les journaux, les magazines ou les journalistes qui leur déplaisent. Même si les Cours ne prononcent plus d’emprisonnement pour les infractions liées aux médias, la loi prévoit tout de même des peines allant jusqu’à 5 ans de prison pour « insulte » ou « diffamation ». Voici quelques cas notables qui ont été enregistrés par l’Institut International de la Presse et d’autres organismes depuis début 2006 jusqu’à présent :

Etudes de cas : les journalistes subissent la violence et les persécutions pour leur travail.

Le 24 Janvier 2006 l’Union des Journalistes des Quotidiens d’Athènes (ESHEA) a dénoncé un danger à la liberté d’expression. Elle a soutenu le Professeur Takis Alexiou, qui a été condamné à 25 mois de prison au mois de juillet 2005 par le tribunal de Rhodes pour diffamation malgré la demande d’acquittement par le procureur lui-même. Le cas Alexiou concerne une diffamation présumée qui aurait eu lieu en été 2003. La décision de la Cour a été fondée sur une plainte de la Commission Synodale de l’Eglise Orthodoxe Grecque, qui considère que les Comités Rumi Grecs, fondés par Alexiou, sont une « secte » et donc une menace qui pourrait corrompre les croyances religieuses. L’Union des Journalistes a insisté sur le fait que la libre expression des idées et des croyances est garantie par la Constitution et ne peut donc pas être considérée comme menace. Le 14 mars Alexiou a été libéré après une contestation du verdict à la Cour d’Appel.

Le 6 février 2006 le tribunal de Première Instance de Patras a condamné le rédacteur Constantinos Flamis et le cameraman Thanassis Kafetzis de Super B TV de Patras à huit mois de prison et une amende. En 2004 les journalistes avaient interviewé au tribunal de Patras un Albanais arrêté pour conduite présumée en état d’ébriété dans une voiture volée. Il affirmait avoir été agressé physiquement pendant son arrestation au mois de novembre 2004 et a montré ses blessures. La condamnation des journalistes a été suspendue pour la durée de l’appel. La condamnation des journalistes se fondait sur une loi qui interdit de filmer ou prendre en photo les individus contre leur volonté.

Le 7 février, Makis Nodaros, est apparu devant la Cours de Amaliada, accusé de diffamation aggravée. L’accusation se basait sur un article publié au mois de septembre 2004 dans le journal Proti, dans lequel le journaliste décrivait l’exploitation sexuelle présumée d’une jeune fille qui a provoqué la naissance d’un enfant. L’article ne mentionnait pas le nom de quiconque. Au final, le procureur a accusé le journaliste de diffamation. Cette infraction est passible d’une peine allant de 3 mois à 5 ans de prison, avec privation des droits civils. Le procès a été rapporté, car l’avocat de la défense ne pouvait pas être présent.

Le procureur principal Dimitri Papangelopoulos a demandé à la journaliste Aristea Bougatsou, qui travaille pour le quotidien Kathimerni et la radio Skai, de justifier ses accusations selon lequelles les agences de l’Etat auraient mis sur écoute les conversations téléphoniques de journalistes. Elle a présenté des preuves à l’Autorité Hellénique pour l’Information et la Sécurité et la Confidentialité de la Communication (ADAE) qui doit étudier le cas et décider s’il faut ouvrir une enquête ou pas. Le Ministre

de l’Ordre Public, Byron Polidoras, a invité l’ADAE à visiter les organes opérationnels du Service Grec des Renseignements. L’Union de Journalistes ESHEA a demandé que les allégations d’écoutes téléphoniques soient enquêtées.

La liste des présumés mis sur écoute comprend 24 journalistes qui travaillent pour sept chaînes de télévision et journaux différents. Dans sa lettre, Bougatsou affirme que la mise sous écoute a commencé en 2004 après les Jeux Olympiques, et elle mentionne également les éléments du Service Grec de Renseignement qui en seraient responsables.

Le 9 octobre, l’ESHEA a protesté contre un procès initié par les Garde-Côtes Grecs (GCG – Limeniko Soma) contre le journaliste Stratis Balaskas, le rédacteur du quotidien Eleftherotypia à Athènes et le rédacteur en chef du quotidien Embros sur l’île de Lesbos. Balaskas a publié des articles alléguant l’utilisation de la violence par les GCG en uniforme contre un certain nombre de civils, principalement des immigrants. Selon le Code Civil grec le journaliste devra payer une lourde amende si il est déclaré coupable. Toujours en octobre, le bloggueur Antonis Tsiropoulos a été arrêté suite à une plainte en calomnie liée aux informations publiées sur son blog www.blogme.gr.

Le 16 novembre 2006, Lia Hristana et son équipe TV, de la chaîne d’état Channel ET3 à Thessalonique, ont été attaqués par un groupe de personnes qui portaient des masques et des capuches, et qui ont utilisé contre les journalistes des cocktails Molotov lors d’une manifestation de commémoration de la révolte des étudiants contre le régime totalitaire en 1973. Hristana et son équipe ont à peine réussi à s’échapper de leur voiture avant qu’elle prenne feu. L’attentat a aussi provoqué l’hospitalisation de 10 jours d’un autre journaliste Philippos Syrigos. L’Union des Journalistes des Quotidiens des Thessalonique (ESHEMTH) a condamné les deux incidents.

ESHEA et ESHEMTH ont aussi déposé des plaintes formelles contre des propriétaires de médias pour licenciement injustifié des journalistes, non-respect des contrats du travail et le non-paiement des salaires.

Plusieurs plaintes ont été déposées avec la SEEMO (l’Organisation des Médias de l’Europe de Sud-Est) sur la persistance de l’homophobie dans certains médias grecs, encouragée dans certains cas par des militaires, hommes d’église et politiciens. Les représentants de certains groupes religieux non Orthodoxes ont déploré le fait que quelques médias aient utilisé des propos haineux contre les Chrétiens non Orthodoxes. On accuse souvent les médias de promouvoir les points de vues et les intérêts de l’Eglise Orthodoxe, en laissant de côté les activités des autres groupes religieux.

Au mois de juillet 2007 une victoire importante a été remportée par la liberté des médias quand la Cour européenne de Droits de l’Homme a désavoué l’application de la loi Grecque sur la diffamation, qui était parfois utilisée pour rendre les journalistes de la télévision ou la radio responsables de ce que d’autres personnes disaient à l’antenne. La Cour a annulé l’amende imposée par un tribunal grec à un présentateur radio pour un programme diffusé en 1999 sur la radio publique ERT. Il avait été condamné pour avoir présenté un programme pendant lequel un des invités avait fait des critiques controversées de personnages publics.

Conclusion et actions futures :

La Maison de la Liberté de Grèce affirme dans son rapport 2006 qu’il existe des limites pour les discours qui provoquent « la peur, la violence ou la disharmonie dans la population ». Elle a trouvé que les journalistes exercent leur métier dans un environnement risqué, beaucoup d’entre eux ayant subi des agressions dans les années récentes.

La section grecque de l’AEG cherche à jouer son rôle pour contrer les actions qui pourraient nuire à la liberté des média en organisant des événements et des actions en faveur de la liberté de la parole et du journalisme indépendant.

Le Taurillon remercie l’Association des Journalistes Européens pour l’autorisation de publier cet issu du rapport « Goodbye to freedom » et de sa mise à jour du mois de février 2008.
Illustrations :

 le drapeau de la Grèce ; source wikipedia

 le logo du rapport « Goodbye to freedom »

 le logo de l’AEJ

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