Identité nationale : et l’Europe dans tout ça ?

, par Les Jeunes Européens - France

Identité nationale : et l'Europe dans tout ça ?

« Communauté de valeur, communauté de culture, communauté de destin ». Ainsi Robert Badinter répondait il y a peu à l’interrogation imposée du moment : qu’est ce qu’être français.

Quelques mots de ce Sage de la République auraient pu suffire à clore un débat fort mal engagé. S’il n’avait pas fallu la puissance publique pour imposer une introspection que nul ne pouvait objectivement considérer comme une urgence. S’il n’avait pas fallu surtout que l’Etat considère comme légitime de s’inviter dans l’intimité de notre conscience collective, un endroit où il est rarement le bienvenu.

Ce qui cimente un groupe de femmes et d’hommes en une communauté de destin prend racine dans une Histoire en partage, des influences rassemblées, des contradictions réunies. Surtout, elle relève de blessures et de vieux démons cachés qu’une savante alchimie sait garder en sommeil. Alors, il suffit d’aller remuer tout cela, d’ouvrir nos vieux livres dormants, d’aller secouer la poussière sur cette bibliothèque en commun, pour donner à son agitateur une bien périlleuse responsabilité.

Après dérapages multiples et tensions titillées, et alors que le gouvernement amorce une fin de débat, cet enjeu doit autant que faire se peut s’en sortir grandi. L’occasion pour Les Jeunes Européens de s’étonner, et même de s‘émouvoir, de l’absence unanime de la question européenne dans un débat qui aurait du pourtant la prendre en compte, par nature. Fondement de l’identité nationale, notre Histoire française ne cesse en effet de se confondre avec celle de son continent. Aucune guerre napoléonienne, nul épisode de la seconde guerre mondiale, rien bien sûr de notre héritage gréco-romain ne peut s’exonérer d’un enracinement profond en l’Histoire de tous les peuples d’Europe.

Nullement négation des singularités de notre passé national, il s’agit de reconnaître que ce long chemin de l’Histoire française perd son sens et sa portée si l’on omet sa place dans l’Histoire européenne. A ce même titre, ce qui fait que la France est la France ne peut se concevoir sans les trajectoires philosophiques et religieuses de tout un continent. Le pilier judéo-chrétien de notre système de valeurs se partage avec tous nos peuples voisins. Et les contributions de l’Islam à ce passé en commun ne se limitent pas à un demi-siècle d’immigration franco-française, dès lors que l’on comprend les brassages et les apports de cette religion et de ses peuples à l’Histoire et au développement du continent européen dans son ensemble, de la péninsule ibérique aux confins des Balkans.

Ne pas perdre de vue combien notre identité française s’imbrique par nature dans une conscience collective de tout un continent, c’est donner à un débat jusque là fait de repli et d’exclusion, de l’espoir et de l’ouverture. C’est comprendre combien la nation n’est pas faite de l’un plutôt que de l’autre, mais combien les uns et les autres s’enrichissent mutuellement. Ces quelques évidences rappelées, nous entendons déjà les caricatures faire feu. Mort de l’identité française plongée dans une Europe symbole d’une mondialisation niant les spécificités de chacun ? Le contraire, affirmons-nous ! Car loin de vouloir faire naître une nouvelle nation qui prendrait la relève des identités nationales, ces deux communautés, nationales et européennes, sont légitimes, se complètent et trouvent leur place naturellement, dès lors que l’on considère l’Union Européenne comme la structure politique la plus à même de protéger les diversités de ses membres contre l’uniformisation mondialisée. Dès lors que chacun de ses pays a le courage de proclamer qu’il ne serait pas tout à fait le même sans ce que ses voisins ont fait de lui-même.

Enfin, ce qui fait une communauté de destin trouve sa force dans cet héritage partagé mais aussi dans cet avenir à tracer ensemble. Et l’Europe y devient une évidence. Immigration, développement durable, équilibre du Monde, rien de ces grands défis à venir n’auront comme pilier un repli national. Dans ce destin à bâtir, la communauté nationale ne pourra se contenter de se regarder elle-même. C’est avec ceux avec qui l’Histoire s’est toujours faite que l’avenir se construira. Et comme elle est notre communauté du passé, notre communauté de destin, c’est aussi l’Europe.

Illustration : logo des Jeunes Européens - France

Vos commentaires
  • Le 21 février 2010 à 07:28, par Martina Latina En réponse à : Identité nationale : et l’Europe dans tout ça ?

    Oui, l’Europe est à elle seule la question et la réponse centrales de l’identité : merci de le rappeler dans un style aussi ENLEVE !

    Soyons donc ensemble, avec ce TAURILLON réel comme avec celui des mythes, à la hauteur d’EUROPE, de sa « VASTE-VUE » et de l’UNION qui porte son nom : en assumant et cultivant la diversité culturelle qui forme la force COMMUNE à L’EUROPE, restons en marche vers l’harmonie, vers la solidarité, vers la démocratie toujours à mieux construire, offrir, ouvrir.

  • Le 21 février 2010 à 13:00, par judabricot En réponse à : Identité nationale : et l’Europe dans tout ça ?

    Très beau texte, et très pertinent surtout ! Merci et bravo pour remettre l’Europe au coeur du débat !

  • Le 21 février 2010 à 13:03, par flashbxl En réponse à : Identité nationale : et l’Europe dans tout ça ?

    Tout à fait d’accord avec l’article, on ne tracera pas l’avenir sans penser notre ancrage européen, dans toute sa complexité. Cet ancrage qui inclut, cet ancrage cosmopolite qui fait la force de l’identité française.

  • Le 22 février 2010 à 15:22, par laurent bonsang En réponse à : Identité nationale : et l’Europe dans tout ça ?

    merci de cette information si intéressante et venant d’un Sage qui n’en n’est pas moins combatif pour en faveur de causes fondamentales à commencer par l’abolition de la peine de mort. comment réellement avoir pu lancer en France un débat sur « l »identité nationale« c’est à dire sur ce qui nous différencie des autres, dont on savait pertinemment qu’il déraperait (ce qui s’est régulièrement passé) alors même que nous sommes lancés depuis 60 ans (cette année nous célèbrement le 60ème anniveraire de l’appel de Robert Schuman) dans la construction européenne c’est à dire une construction politique entre des pays qui ont pu se faire la guerre pendant des siècles allant jusqu’à la barbarie de la 2ème Guerre Mondiale. Souvenons nous enfin de ces propos historiques de François Mitterrand devant le Parlement européen : »le nationalisme c’est la guerre"...

  • Le 22 février 2010 à 16:21, par Christiane et Andreas Hecker En réponse à : Identité nationale : et l’Europe dans tout ça ?

    Bravo pour cette magnifique analyse qu’en tant que couple franco-allemand nous approuvons pleinement. Les identités de chacun sont plurielles et complémentaires. Faites-vous connaître, le débat actuel a besoin des gens comme vous ! Amicales pensées, Christiane et Andreas HECKER

  • Le 22 février 2010 à 18:56, par ,noel Orsat En réponse à : Identité nationale : et l’Europe dans tout ça ?

    Bonsoir je ne sais pas qui a écrit ce texte, mais il est très bien écrit. avec de belles formules . J’y souscris totalement et vous suggère de le faire adopter par le MEF . Bien à vous Cordialement Noel Orsat Secrétaire Général du Mouvement Européen Marne Pilote du Groupe de travail sur l’Identité Européenne Conférence des ONG Conseil de l’Europe

  • Le 22 février 2010 à 21:57, par gérard dupont En réponse à : Identité nationale : et l’Europe dans tout ça ?

    Avoir posé la question de l’identité nationale sans avoir évoqué celle de l’identité européenne est un grave non sens.Encore une fois nos grands hommes, (quel que soit leur parti) dévient dans le nombrilisme patriotique. En sommes-nous encore à l’âge de pierre des relations humaines ? Un membre du MEF.

  • Le 22 février 2010 à 22:17, par Jacques En réponse à : Identité nationale : et l’Europe dans tout ça ?

    Communauté de valeur, de culture et de destin ? Oui, la définition convient bien à la communauté France, comme je souhaite qu’elle puisse convenir à beaucoup d’autres nations. Et lorsque cette communauté se délite, il faut craindre de bien grands malheurs pour les peuples tentés de goûter aux poisons de la désunion.

    Je ne sais si secouer la poussière de notre bibliothèque commune est périlleux. Oui, peut-être. Mais je sais aussi que faire « comme si » est tout autant périlleux. Et je voudrais croire que la démocratie est un appel à l’intelligence. Alors quand un article tel que celui-ci énonce simplement quelques fondamentaux de la vie commune, il faut dire bravo ; et souhaiter qu’il soit lu, voire méditer, par tous ceux qui placent l’intelligence au-dessus des passions mortifères. Et peut-être aussi – pourquoi ne pas rêver – qu’il amène un changement de regard chez quelques uns qui, par courte vue, suivisme ou faiblesse des convictions, peuvent se laisser aguicher par les sirènes de la passion. Mais ceux-là lisent-ils le Taurillon ?

    Je retiendrai donc que ce qui cimente un groupe de femmes et d’hommes en une communauté de destin prend racine dans une Histoire en partage, des influences rassemblées, des contradictions réunies. Et que ce ciment-là vaut pour notre vieille nation française, qu’il vaut aussi pour chacune des nations européennes, et que nous devons chacun veiller à ce qu’il vaille chaque jour davantage pour notre commune nation européenne. Notre communauté de valeur, de culture et de destin est en construction certes, mais ses fondations s’enfoncent dans les siècles sinon les millénaires qui nous ont précédés ; et si la mosaïque est encore bien imparfaite, nos différences sont davantage des nuances qui nous enrichissent que des oppositions qui nous séparent.

    Misons donc sur l’intelligence. Cet article et les commentaires que j’y lis y participent.

  • Le 24 février 2010 à 12:17, par MAËSTRE En réponse à : Identité nationale : et l’Europe dans tout ça ?

    Excellent ce texte ; excellent mais il manque peut être ce quelque chose le faisant pédagogique pour tous ; vraiment pour tous. Que les auteurs m’en excuse, mais c’est mon obsession. Je vais tenter, dans les jours qui viennent, de l’améliorer dans le sens de la pédagogie, c’est-à-dire dans le sens d’une possible appropriation par chacun, y compris les plus humbles.

    Comment alors donner une large audience à tout ce qui pèse dans le sens de l’Union ? Qui a dit « Le bien est ce qui unit, le mal ce qui sépare ».

    Ceci dit j’y trouve une resurgence discrète du terme « communauté » initialement donné aux peuples rassemblés derrière ce projet de paix et de solidarité tellement oublié.

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