Dans l’Europe contre l’Europe, Olivier Ferrand pousse un véritable cri d’amour en faveur d’une Europe politique. Comme beaucoup, il s’inquiète du sens de la construction communautaire. D’abord il questionne sa signification, tant le modèle européen que les objectifs poursuivis. Il se préoccupe ensuite de la direction de l’Europe, postulant plusieurs issues à l’enlisement européen dans une énième crise institutionnelle et politique.
La marche vers l’Europe politique souffre de trois Euro-paradoxes
Aujourd’hui, on peut lire sans aucun problème qu’en près de 60 ans, le continent s’est totalement européanisé, par des normes, des pratiques et des valeurs partagées. Le coup de génie des pères fondateurs c’est d’avoir fait l’Europe en lui accordant pour commencer une simple compétence technique pour parvenir plus tard à une dimension politique.
Il est moins commun de lire que les violentes diatribes au relent de souverainisme du Général de Gaulle sont désormais bien loin. N’en déplaise à ceux qui soutiennent le contraire, aujourd’hui les souverainismes ou plus largement les opposants à l’idée européenne sont très largement minoritaires, exception faite du Royaume-Uni. Alors pourquoi l’Europe politique est-elle bloquée ? Vaste question…
Et si l’Europe était capable de freiner elle-même sa propre construction ? C’est ce que suggère Olivier Ferrand en pointant trois paradoxes. D’abord parce que la méthode des petits pas n’est plus adaptée. Aujourd’hui plus que de petits pas, l’Europe a besoin d’un grand saut vers une Union fédérale. C’est tout le paradoxe de la méthode de Jean Monnet. Ensuite, parce qu’à la tête des institutions européennes, celles-là même qui agissent pour 500 millions de citoyens européens, se trouvent des dirigeants qui refusent la responsabilité politique. Michel Barnier auditionné en 2005 par la convention chargée d’établir un nouveau traité pour l’Europe, refuse catégoriquement toute responsabilité de la commission devant le Parlement. Celle-ci serait chargée uniquement de représenter l’intérêt général, non pas d’en endosser la responsabilité. Audacieux paradoxe de Michel Barnier, n’est ce pas ?
Enfin, l’Europe, contrairement aux autres puissances économiques ne porte que trop timidement le modèle qui fait sa richesse. En 1986, situation paradoxale, Jacques Delors tente de négocier le renforcement des institutions européennes. Pour obtenir satisfaction il concède en échange de l’Acte unique, un renforcement du pouvoir des communautés dans les champs économiques teintés d’une inspiration néo-classique. Une Europe libérale ? Est-ce bien cela ce que souhaitent les milliers de citoyens qui manifestent chaque jour rue de la Loi à Bruxelles ?
Quel avenir pour l’Europe ?
En guise de projection, Olivier Ferrand dessine trois modèles pour l’avenir. Le premier qu’il entrevoit est le statut quo ou la suisse européenne. L’Union resterait supra nationale, sans jamais chercher à acquérir des compétences politiques, sans chercher non plus à fédérer autour d’elle une nation et une identité européenne. Un scénario catastrophe pour les Européens convaincus qui serait pourtant la conséquence d’absence de réaction politique. Olivier Ferrand ne nous ménage pas, laissant même imaginer quelques instants qu’il est devenu un Européen pragmatique et résigné, tout comme ceux qu’il critique, tant cette solution lui parait probable.
La seconde solution, le projet d’une Europe-monde, est à mettre de coté. Elle postule le rejet du traité de Lisbonne par les États européens. Sans le traité de Lisbonne et, de fait, incapable d’adopter de nouvelles institutions, l’Europe aurait pu sans véritable fin continuer à s’élargir au dépend de l’approfondissement et de l’efficacité politique.
La troisième solution qu’il appelle de ses vœux, est celle d’une Europe fédérale. L’avènement de ce scénario audacieux, se joue au Parlement Européen. Ce sont les parlementaires qui le moment venu, par une interprétation à peine extensive du traité pourront jouer pleinement leur rôle au sein d’une démocratie parlementaire européenne. Les députes européens pourraient être à l’origine de ce coup politique s’ils acceptent la charge d’investir la Commission européenne non pas sur la base de sombres négociations interétatiques ou d’une alliance contre nature PPE-PSE mais sur la base d’un programme politique européen.
Où sont passées nos belles idées ?
On pourrait reprocher à Olivier Ferrand l’utilisation d’idéaux-types prospectifs convenus dans les sphères européennes. D’ailleurs Jean Quatremer, journaliste et bloggeur européen, s’est lui-même prêté à un exercice prospectif proche : L’Europe noire, bleue ou rose qui en bien des points convergent avec l’analyse de l’Europe contre l’Europe.
Cependant il faut convenir que l’analyse d’Olivier Ferrand est brillante tant il connaît bien les rouages et les enjeux de l’Union. Il développe en filigrane sa vision de l’Europe. Seuls les eurodéputés pourront asseoir cette démocratie fédérale et parlementaire. Le traité de Lisbonne regorge d’un faisceau d’indices qui faciliteront la mise en place d’une vie politique européenne à la condition unique et impérative que les députés, représentants élus du peuple européen, acceptent d’endosser pleinement leurs rôles. Toutefois, ne serait-ce pas plutôt les convictions politiques qui devraient présider à la mise en place d’institutions européennes ? Compte tenu de la difficulté de mettre en place une constitution forte, l’avènement de l’Europe fédérale ne devrait-il pas passer par la pratique ? En reprenant abusivement une théorie du chevalier de Lamarck, on pourrait être tenté de penser que c’est la fonction qui crée l’organe. Dès lors, c’est en clivant les européens sur les politiques européennes que naîtront, par la pratique, des institutions efficaces.
Plus qu’une vision institutionnelle de l’Europe, n’est-il pas temps maintenant de suggérer un vrai projet politique ? Fort de nos valeurs, en assumant, un taux d’imposition relativement élevé comparé au Japon ou aux États-Unis pour financer le modèle social-démocrate européen qui nous est tant envié de par le monde, n’est –il pas temps de défendre haut et fort une législation européenne très protectrice tant au niveau social qu’au niveau des droits de l’Homme ? N’est-il pas temps enfin de promouvoir une Europe sociale, pour aider les plus faibles dans nos sociétés ?
Les citoyens européens veulent savoir si elle continuera la fuite libérale ou si elle sera une Europe sociale ? Si l’Europe sera dérégulatrice ou protectrice ? Si l’Union Européenne de demain sera une Europe effacée ou une Europe puissance capable de faire valoir ses valeurs. Ce sont des réponses à ces questions que naîtra une pratique audacieuse des institutions européennes.
1. Le 6 mars 2010 à 06:45, par Martina Latina En réponse à : « L’Europe contre L’Europe », par Olivier Ferrand
Merci de signaler ce livre ; de sa présentation en ligne ressort en effet un cri : l’appel à de NOUVEAUX EUROPEENS.
Lisons donc ce qui paraît sur l’Europe,
élisons ceux qui semblent viser, puis pouvoir réaliser, spécialement à l’échelle régionale lors de la prochaine échéance électorale en France,
la cohérence - à commencer par notre conscience eurocitoyenne - présentée par cette Europe si riche de sa diversité, de l’harmonie en marche dans son peuple, de son idéal inscrit dans le nom que lui donna une figure trois fois millénaire.
A la suite de sa fondatrice phénicienne EUROPE enlevée par un TAURILLON vers des horizons de communication nautique autant qu’alphabétique, au rythme de cette course inaugurale non seulement créatrice, mais aussi fédératrice, l’Europe doit et peut relever le défi contenu dans son appellation de VASTE-VUE en lançant des ponts et des passerelles, en poursuivant son unification démocratique pour la justice et pour la paix.
2. Le 28 juin 2012 à 23:36, par Matmax En réponse à : « L’Europe contre L’Europe », par Olivier Ferrand
Rappelons que Max Gallo a déjà écrit un livre qui porte ce titre. Ce livre a été écrit au moment du référendum de Maastricht et il était bien mieux « fagoté » que celui-ci. Je n’attends rien de toute façon d’un membre de terra nova pour critiquer l’UE. Ce livre n’est qu’un ouvrage de propagande.
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