L’Europe des peuples va-t-elle naître de la lutte contre l’austérité ?

, par Charles Nonne

L'Europe des peuples va-t-elle naître de la lutte contre l'austérité ?
Tract de la manifestation européenne du 29 février 2012 http://www.etuc.org/fr

Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire sera signé le 1er mars 2012 avant d’être ratifié par l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne. Ce traité, particulièrement ambitieux à l’égard de la stabilité budgétaire, intervient à l’heure où des mouvements sociaux combattent avec ardeur les plans d’austérité imposés par les différents gouvernements de la zone euro. Mercredi 29 février, la Confédération européenne des syndicats a organisé une journée d’action à l’échelle européenne pour protester contre les politiques menées par Bruxelles et les Etats membres. Son succès préfigure-t-il pour autant une convergence future des intérêts des Européens ?

Les premières années de la construction européenne n’ont connu aucun rassemblement syndical de grande ampleur. C’est finalement avec la montée en puissance de la Communauté économique européenne que les intérêts économiques des Etats membres ont commencé à converger. L’action syndicale européenne ne connaîtra un véritable développement qu’avec la création, en 1973, de la Confédération européenne des syndicats, fusion de plusieurs associations et confédérations européennes.

La laborieuse progression de l’Europe sociale a longtemps posé la question de la pertinence d’actions sociales à l’échelle européenne. Les législations du travail des différents Etats membres ont toujours divergé, en fonction des cultures et des évolutions économiques de chaque pays. Encore aujourd’hui, les importantes disparités entre les modèles sociaux européens freinent toute possibilité d’harmonisation des différents systèmes par l’Union européenne.

Si Bruxelles parvient à effectuer quelques rapprochements entre les systèmes de sécurité sociale et à entraîner quelques infléchissements des politiques sociales des Etats membres, c’est avant tout au nom de la libre circulation des travailleurs et des réformes nationales qu’elle implique.

La préfiguration d’une conscience européenne

Alors que les transferts de compétences à l’Union européenne semblent aujourd’hui restreints à la matière économique, force est de constater que les actions syndicales européennes ont eu jusqu’à aujourd’hui un très faible impact, tant politique que médiatique. En effet, les structures syndicales européennes sont, à l’image des politiques nationales, bien trop divergentes pour qu’une réelle identité d’intérêts à court terme puisse émerger. Alors que les syndicats français sont marqués par une tradition conflictuelle à l’égard des employeurs et des gouvernements successifs, d’autres syndicats – notamment allemands – sont davantage imprégnés par une culture du consensus et de la négociation.

A ce titre, le fait que la principale organisation syndicale européenne soit une « confédération » est particulièrement révélateur. Il semble qu’aucun syndicat national ne souhaite être intégré à une fédération européenne. En effet, il n’y a aucune identité de culture syndicale entre la plupart des organisations des 27 ; par ailleurs, les véritables centres de décision en matière sociale restent – et resteront pour plusieurs années – les Etats. L’essentiel de la règlementation du travail étant issue des Etats, il en ira nécessairement de même des revendications syndicales.

Si l’on ajoute à ceci le fait que les organisations patronales ne sont guère opérationnelles à l’échelon européen et qu’elles rechignent à engager des négociations tripartites avec Bruxelles, il est certain que les syndicats « européens » n’en sont aujourd’hui qu’à leurs balbutiements. Aussi regrettable soit-il, la plupart des actions syndicales n’auront d’efficacité que si elles sont menées au niveau national.

La sauvegarde du modèle social européen, premier facteur de rassemblement ?

Pourtant, alors que rien ne laissait présager l’émergence d’une véritable Europe sociale, la crise des dettes souveraines a fourni aux syndicats européens l’opportunité de pousser un cri d’alarme dans l’ensemble du continent. Lors de la journée du 29 février, un seul slogan aura résonné à travers l’Europe : « Trop c’est trop ! ». De ce point de vue, les mouvements sociaux exercent à juste titre un contrôle démocratique sur les Etats et, indirectement, sur les institutions européennes.

La journée du 29 février aura connu une lutte unanime contre le traité en préparation, initiée par des préoccupations et des inquiétudes communes à tous les Européens. Au-delà des divergences techniques et législatives entre Etats, les citoyens de l’Union se sont aujourd’hui rassemblés pour une cause unique : la défense d’un modèle social qui a fait ses preuves. Le rejet global de l’austérité s’est accompagné d’une solidarité manifeste envers le peuple grec et l’austérité qu’il subit depuis plusieurs mois. Les revendications des manifestants et des syndicats n’auront jamais autant porté sur des problèmes transnationaux.

L’Union connaît, depuis quelques années, l’émergence d’un dialogue social européen. Celui-ci connaîtra sa véritable consécration lorsqu’existera une véritable politique sociale à l’échelle européenne. Les syndicats nationaux ont pu s’adapter aux réalités sociales et s’orienter vers les réels centres de décision en Europe. Si l’édification d’une Europe sociale unie et intégrée pose encore question, il semble qu’une véritable conscience européenne ait émergé au cœur d’une lutte acharnée contre l’austérité.

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