L’Union européenne n’atteint pas ses objectifs d’aide au développement relative à la santé.

, par Ingrid Aymes

L'Union européenne n'atteint pas ses objectifs d'aide au développement relative à la santé.
Dessinateur : Polyp http://www.polyp.org.uk/index.html

La solidarité mondiale autour des problèmes sanitaires des pays en voie de développement s’est beaucoup développée au cours des dix dernières années, en particulier grâce à l’élaboration des objectifs mondiaux pour le développement en 2000. A cet effet, l’Union européenne constitue le premier donateur mondial à hauteur de 55% et s’est engagée à atteindre les objectifs du Millénaire [1].

La problématique de l’équité dans l’accès mondial aux médicaments

Toutefois, un des aspects cruciaux et déterminants de la réussite d’un programme d’aide dans le secteur de la santé est celui de la prise en compte de l’accès aux médicaments. Tandis que le taux de morbidité est, sans commune mesure, largement plus répandu dans les pays du Sud, seulement 61% de la population des pays les moins avancés avaient accès aux médicaments en 2005, contre 99% dans les pays industrialisés. Multiples sont les raisons à ce problème d’équité. Elles peuvent être internes, de par le manque de capacités techniques pour la recherche et le développement ou de l’indétermination des volontés politiques locales à la mise en œuvre d’une politique pharmaceutique nationale, ou externes, via le coût élevé des médicaments eux-mêmes...

Le débat autour de la responsabilité des firmes pharmaceutiques dans l’accès inégal aux médicaments est vaste, et il convient de ne pas créer un halo de culpabilité autour de leur action ; car, comme il l’a été dit plus haut, elles sont loin d’en être les premières responsables. Toutefois, à titre de compréhension, il convient de poser quelques faits à leur actif en la matière. Certes, les firmes pharmaceutiques se sont engagées à rendre plus accessibles les médicaments essentiels dans les pays en développement à travers la création de partenariats publics privés. Mais ces efforts apparaissent plus symboliques que réels compte tenu de la situation sanitaire et de ses bénéfices.

En effet, pour la période 2000 – 2005, la rentabilité moyenne de l’industrie pharmaceutique était de 20%. Pourtant, seulement 0,2% de ces profits n’ont été investis dans les programmes d’aide. Ainsi, la sincérité de cet engagement peut légitimement être mise sur la sellette, dans la mesure où le premier poste budgétaire n’est non pas la recherche et le développement des maladies les plus dévastatrices à l’échelle planétaire (moins de 0,31%), mais le marketing (30 à 40%) [2] .

Quel rôle pour l’Union européenne ?

Au cours des années 2000 [3] , la Commission européenne s’est prononcée pour la promotion d’un meilleur accès aux médicaments. Pour se faire, elle a décidé de consacrer 15% de son 9e fonds Européen pour le développement (FED) au secteur de la santé [4].

A ce sujet, le Parlement européen a invité le Conseil et la Commission à pousser les pays en voie de développement à recourir au droit international de l’OMC, c’est-à-dire aux flexibilités de l’accord sur les aspects du droit de la propriété intellectuelle touchant au commerce prise (ADPICs) . En effet, ces flexibilités permettent aux pays n’ayant pas les moyens d’acheter les médicaments sous brevet de les produire eux – mêmes en tant que génériques et de les exporter.

Loin d’être anodine, cette invitation est intervenue pour sortir de l’ombre un règlement douanier européen limitant profondément les aspirations philanthropiques de la Commission européenne [5]. Ce règlement est souvent utilisé à contre courant des aspirations philanthropiques de l’Union européenne. Par ce mécanisme, les douanes ont le devoir de saisir les médicaments suspectés d’être contrefaits et dangereux. Or, ce mécanisme ne s’exerce pas seulement contre des médicaments contrefaits, mais également contre des génériques. Au cours de l’année 2008, ce type de saisie est intervenu plus d’une quinzaine de fois.

La définition juridique du médicament contrefait est si floue que les génériques y sont souvent inclus et sont alors retenus en transit sur le territoire européen. Ainsi, ce type de saisies se produit sur injonction aux douanes des laboratoires pharmaceutiques, et en violation délibérée du droit international, à savoir que les marchandises en transit sont exemptées de l’application du droit des brevets. A titre d’exemple, le laboratoire Glaxo-SmithKline avait ordonné aux douanes hollandaises de saisir l’antirétroviral Abacavir produit par l’Inde à destination du Nigéria.

Bien que ces infractions aient été portées par le Brésil et l’Inde auprès de l’OMC et que le tribunal permanent des peuples ait condamné l’Union européenne, cette disposition est toujours en vigueur et permet aux laboratoires de continuer à en bénéficier.

L’Union européenne s’ambitionne porteuse mondiale d’un projet politique de paix : celui de l’entente et de la coopération entre ses différentes populations. Si elle souhaite apparaître crédible auprès des autres nations, il est nécessaire qu’elle soit à la hauteur du sentiment de sa propre responsabilité. Pour que la justesse de sa mission soit honorée, il apparaîtrait plus réaliste que l’Union européenne s’attelle, en premier lieu, à mettre à plat les obstacles que sa propre « maison commune » jalonne vers son désir d’améliorer les systèmes de santé. Ce n’est qu’en second lieu qu’elle serait en mesure de formuler ses grandes promesses de développement qu’elle n’arrive pas, à l’heure actuelle, à mettre en œuvre : la part du budget du 9e FED consacrée à la santé a finalement été de 5,5% en comparaison des 15% initiaux.

Il est important que l’Union européenne modère ses effets d’annonce, et réponde d’abord à sa mission d’intérêt public.

Notes

[2Dupont Margaux, « Les Politiques d’Accès aux Soins de l’Industrie pharmaceutique dans les Pays du Sud : Outil de Communication ou véritable Engagement ? » dans Santé Internationale, les Enjeux de la santé au Sud, Dominique Kerouedan (dir.), Paris Presse de Sciences Po, 2011

[3Communication « EU Role in global Health » de mars 2010 ; « Programme d’action européenne de lutte contre les trois maladies pour la période 2007 – 2011 » de 2005

[4Rapport sur le Sida et la Tuberculose de 2003

[5Conseil des Ministres, 23 juillet 2003

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