L’Union fédérale ne permettra que de gagner un peu de temps

, par Pascal Malosse

L'Union fédérale ne permettra que de gagner un peu de temps

Il y a 3 ans, la crise de l’endettement global s’est exprimée une première fois avec fureur. C’était le début d’un processus qui conduit à la combustion d’une grande partie de la dette privée, publique, locale, personnelle, etc. qui s’est accumulée pendant les décennies de « croissance et de progrès » à cause d’un système économique non viable.

Le répit de trois ans touche à sa fin

Durant trois longues années, nous avons réussi à ralentir ce processus. Quelques figures lucides ont prêché dans le désert que nous courrions à la catastrophe pendant que la majorité continuait de vaquer à ses affaires comme si rien ne s’était passé. Un véritable déni de réalité collectif était bien plus confortable. La classe dirigeante a même eu l’audace d’accélérer son programme idéologique complétement surréaliste.

Ce répit de trois ans touche à sa fin, malheureusement de manière forcée et désordonnée. Après avoir fait croire aux peuples qu’il ne s’agissait que d’une crise de la dette publique, nous assistons au second plongeon du système bancaire. Les gouvernements européens n’ont pas d’autre choix que de s’engager à nouveau dans un vaste programme de sauvetage des banques, alors que l’estimation des besoins de recapitalisation relève de la haute voltige.

Il faut tout de suite nationaliser la banque franco-belge Dexia, en vendre quelques morceaux, recapitaliser de nombreux autres "fleurons" européens. La crise de la dette souveraine et la crise de la dette privée sont consanguines. La première renforce la seconde, qui à son tour renforce la première dans une spirale infernale. En 2011, les Etats n’ont plus la capacité de s’endetter comme 2008. Ils vont le faire d’une manière parcellaire et insuffisante.

Une solution « facile » ?

Pour la zone euro, le risque grandit chaque jour. Chaque Etat va tenter de sauver ses propres banques de son côté. Le gouvernement allemand refuse naturellement de payer pour les banques francaises. Si une banque importante dans un Etat plus faible fait faillite, l’effet domino peut emporter toute la zone. Au niveau de la dette souveraine, la décote opérée sur les obligations grecques peut provoquer un semblable effet domino qui s’étendrait aux pays les plus faibles et conduirait également à une explosion de la zone.

Pour se donner une idée de la gravité de la situation, Jean-Claude Trichet exhorte les Etats à garder la planche à billet de la Banque Centrale européenne (déjà en action, mais encore modérément) et l’inflation incontrôlée qui en résulterait comme absolu dernier recours, pour ne pas user la dernière cartouche trop tôt.

Quelle est la solution ? « Facile ! » prétendent les récents prix Nobels en économie. Il suffit de créer l’Union fédérale, de mutualiser la dette européenne en créant les eurobonds. Les fédéralistes européens (dont je fais partie) n’auraient jamais imaginé un tel déferlement de tribunes pro-européennes dans tous les journaux du monde. Même les Chinois, inquiets de voir leurs exportations vers l’Europe chuter, nous encouragent ! En effet, les Etats européens tentent en quelques jours de créer la zone économique intégrée qu’ils auraient du construire au moment de la création de la zone euro. Chaque semaine sont effectués des bonds de géant vers un meilleur contrôle budgétaire, une fiscalité européenne et une mutualisation des dettes souveraines.

Gagner du temps et changer de système

L’Union fédérale, si elle est nécessaire, n’est qu’une petite partie de la solution. Le désendettement et un environnement hautement spéculatif conduisent à provoquer une nouvelle récession mondiale. La dépression a été evitée de justesse en 2008 grâce à l’endettement des Etats et à l’action des banques centrales. Une action de la même ampleur n’est malheureusement plus possible aujourd’hui. La crise du chômage a été relativement douce en Europe grâce aux filets de sécurité : les aides sociales naturellement. En 2011, de nombreux programmes de "consolidation fiscale" ou d’austerité ont été mis en oeuvre, rendant ces filets de securité beaucoup moins solides. Le basculement d’une partie de la population dans la pauvreté et le creusement des écarts de richesse devient visible.

L’appel d’air qu’est la solution fédérale peut nous faire gagner un peu de temps. Mais si nous entrons en dépression, même un pays comme l’Allemagne plongera dans les abysses. Sa croissance est déjà révisée à 0,8% en 2012, signe d’un fort ralentissement. Nous allons devoir profiter de ce peu de temps pour organiser un désendettement ordonné, au moins à l’échelle de notre continent. Sans rejeter l’économie de marché, ni les échanges entre nations du monde, un nouveau système économique devrait éclore, privilégiant la classe moyenne et respectant l’écosystème dont nous faisons partie.

La finance représenterait à nouveau l’économie réelle et ne serait plus la cause de risques systémiques. Une masse d’argent serait alors disponible et réinjectée dans le circuit d’un nouveau modèle économique viable : une meilleure répartition des richesses, une hausse des salaires, une moindre dépendance au crédit et des investissements durables. Si nous refusons d’utiliser la solution fédérale pour changer de système, et continuer "business as usual", alors tous ces efforts n’auront servi à RIEN.

Photo : Time-Saving Tips for the Busy Business Owner, certains droits réservés

Vos commentaires
  • Le 20 octobre 2011 à 14:09, par Firvudastz En réponse à : L’Union fédérale ne permettra que de gagner un peu de temps

    Le complément indispensable de la solution fédérale est, à mon sens, avant tout d’autoriser les Etats à emprunter directement auprès de la BCE ! Tant que les banques privées serviront d’intermédiaire, elles auront tout le choix d’imposer des taux et conditions de prêts défavorables aux gouvernements, qui ne pourront investir dans des programmes de long terme, constructifs pour leurs sociétés.

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