Mais faut-il qu’il en soit ainsi ?
L’UE est déjà minée par les intérêts nationaux au Conseil et au Parlement européen. Même les Commissaires européens représentent, dans les faits, leur pays d’origine, et ce malgré les dispositions contraires du traité. Alors que l’UE s’élargissait sans que soient pour autant modifié le fonctionnement de la Commission, en particulier le vote à la majorité en son sein, et avec un Président ne restant rien d’autre qu’un primus inter pares, l’exécutif s’est lentement transformé en un Conseil bis, pléthorique et incapable de travailler efficacement.
La plupart des fédéralistes pense que la solution réside dans la transformation de la Commission en un vrai gouvernement, bénéficiant de la légitimité démocratique et de la cohérence politique que seules les élections européennes peuvent apporter. Dans ce cadre, c’est la compétence, et non la nationalité, qui devrait constituer le critère de nomination des commissaires. Dans l’idéal, la Constitution européenne ne devrait même pas prévoir le nombre de Commissaires : c’est au Président désigné qu’il devrait revenir de décider de la taille de son collège.
La tristement célèbre conférence intergouvernementale de Nice (2000) en a décidé autrement : le traité prévoit désormais qu’il y aura moins de commissaires que d’Etats membres, mais qu’ils seront « choisis sur la base d’une rotation égalitaire ». Cet élément introduit un élément arbitraire et technocratique dans une procédure de sélection basée sur la nationalité.
A l’instar des traités antérieurs, Nice n’est pas gravé dans le marbre et nous pouvons encore faire campagne pour une Constitution fédérale, même si un tel résultat semble hautement improbable dans un avenir proche. Mais la Commission doit-elle être composée d’un national de chaque Etat membre ?
Il faut tout d’abord savoir accepter la nature spécifique de l’intégration européenne. Il est inutile et dangereux de plaquer une idéologie idéale sur une réalité politique et historique. Que nous le voulions ou non, l’Europe est marquée par sa diversité nationale. Si l’on veut construire une entité politique supranationale, une UE fédérale ne pourra que dépasser cette diversité, pas l’ignorer.
Il me semble donc que, si la Commission veut emporter et conserver la confiance des citoyens, même sous la forme d’un gouvernement démocratique, il faut qu’ils soient assurés que toutes les traditions nationales y soient représentées.
Est-ce que la présence d’au moins un national de chaque Etat membre porterait atteinte à l’efficacité de la Commission ? Pas nécessairement si nous introduisons une distinction entre commissaires et commissaires-adjoints. Le gouvernement britannique comporte près d’une centaine de membres, avec de nombreux ministres d’Etat et de Sous-Secrétaires d’Etat, mais ne comporte que 23 « Ministres de cabinet » (Cabinet ministers, les seuls assistants aux réunions du Conseil des Ministres).
Le même schéma pourrait s’appliquer à la Commission européenne, avec 27 membres de la Commission ou plus, et un nombre limité de membres du collège. Les premiers pourraient être chargés de certaines domaines spécifiques, mais pas nécessairement secondaires. Les seconds superviseraient le travail de plusieurs membres de la Commission. Ils seraient les seuls à bénéficier du droit de vote lors des réunions de la Commission, même si tous les membres pourraient y participer et contribuer aux débats.
Leur présence garantirait que les situations nationales ont bien été prises en compte avant une prise de décision. Ils seraient les membres de la Commission les mieux à même de porter la voix du gouvernement européen dans chaque pays, en expliquant sa politique à ses compatriotes, dans leur propre langue.
On obtiendrait ainsi la meilleure situation possible : à la fois légitimité démocratique et efficacité fédéraliste. Mais les fédéralistes et les gouvernements nationaux auront-ils la grandeur de vue nécessaire pour ce faire ?
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