Le 18 avril 2011, l’Assemblée nationale hongroise a adopté la nouvelle Constitution hongroise, intitulée « La Loi Fondamentale de la Hongrie », suivie du sous-titre « Que Dieu bénisse les Hongrois ». Le Président de la République de Hongrie a formellement signé la Constitution le Lundi de Pâques 25 avril 2011, c’est-à-dire le jour du premier anniversaire de la victoire électorale de Fidesz. La Constitution entrera en vigueur le 1er janvier 2012. L’ensemble du processus d’adoption de la nouvelle Constitution a soulevé de nombreuses questions. Quels sont les principaux problèmes ?
Premièrement, les autorités hongroises n’ont pas abordé la question de savoir si et pourquoi une nouvelle Constitution était nécessaire. Bien que formellement la Constitution de 1949 ait été valide jusqu’à nos jours, elle avait été amendée et, après quelques modifications importantes en 1989, était conforme aux standards démocratiques actuels.
Deuxièmement, l’adoption trop rapide de la Constitution est critiquée, ainsi que sa préparation dans un cercle restreint avec la mainmise de Fidesz, sans un large débat public. La nouvelle Constitution a été élaborée sans les partis d’opposition – ils ont boycotté l’ensemble de la procédure.
Une relation ambigue avec le passé
Un autre domaine où des problèmes pourraient surgir et où la Constitution n’est pas très claire est sa (dis)continuité historique potentielle. La Hongrie prend de jure et de facto ses distances avec la période allant de 1944 (coup d’État des Croix Fléchées) à 1990 (chute du régime communiste). Cette distance, néanmoins, affirme clairement (bien que de manière non explicite) que la Hongrie se considère comme le successeur légal de l’État hongrois représenté par le régime d’Horthy.
La Hongrie déclare qu’elle ne reconnaît pas la Constitution Communiste de 1949. Mais en fait, cette déclaration obscurcit d’un point de vue légal la situation concernant la succession d’engagements vis-à-vis d’accords internationaux conclus par la République Populaire de Hongrie de 1949 à 1990.
Par ailleurs, la Loi Fondamentale (Article Q, paragraphe 3) introduit une règle d’interprétation contraignante en vertu de laquelle elle doit être interprétée en accord avec le Préambule. Elle déclare que la règle mentionnée est fondée sur la constitution historique (non écrite) de la Hongrie. Mais il n’est pas précisé quels documents constituent la constitution historique et comment l’accord avec celle-ci doit être protégé, ni la manière d’assurer leur conformité avec la Loi fondamentale.
Le Credo National (Préambule) n’a pas d’effets constitutifs – il contient des visions idéologiques et philosophique sur la nation hongroise. Nous pouvons dire que sa structure est hautement symbolique et historique. Néanmoins, il contient plusieurs déclarations sensibles.
L’une d’entre elles se lit comme suit : « Nous croyons que nos enfants et petits-enfants utiliseront leur talent, persévérance et force émotionnelle pour faire la Hongrie grande encore ». Il n’est pas clair si c’est une référence « métaphorique » à la grandeur spirituelle ou une référence historique à la taille géographique.
Des doutes similaires peuvent être soulevés en relation à la partie du Préambule dans laquelle la Hongrie réclame la conservation des trésors naturels et biens de valeur façonnées par l’homme du « Bassin des Carpates », une entité géographique dépassant le territoire actuel de la République hongroise, qui dans le langage symbolique national est synonyme de l’espace de la Hongrie historique.
L’unité de la nation hongroise
Une autre clause sensible dans le Préambule concerne le maintien de l’unité intellectuelle de la nation hongroise, fragmentée au cours du Vingtième Siècle. Cette clause est déclaratoire par nature ; cependant, elle est particulièrement problématique si on la met en relation avec le texte d’un Article D déjà constitutif qui concerne la nation hongroise unifiée et la responsabilité du destin de tous les Hongrois, y compris ceux vivant à l’étranger.
La Hongrie s’est clairement engagée dans le concept de droits collectifs, particulièrement en ce qui concerne les minorités. Si ce concept était appliqué seulement aux minorités sur le territoire hongrois, il ne serait pas possible d’argumenter contre. Cependant, son application vis-à-vis de la minorité hongroise de l’étranger peut être la source de nombreux problèmes. Et la zone de Protection des minorités ethniques hongroises vivant à l’étranger est la partie la plus problématique que je peux voir dans la nouvelle Constitution.
L’article D complet : « Motivé par l’idéal d’une nation hongroise unifiée, la Hongrie devra assumer les responsabilités du destin de Hongrois vivant en dehors de ses frontières, devra promouvoir leur survie et développement, et continuera à supporter leurs efforts pour préserver leur culture hongroise, et favoriser leur coopération les uns envers les autres et avec la Hongrie. »
Le texte de cet article affecte directement les personnes de nationalité hongroise vivant à l’étranger. La Hongrie est fermement attachée à l’idée d’une seule nation faite de tous les Hongrois (ressortissants hongrois, quelle que soit leur citoyenneté).
Dans la précédente législation, la République de Hongrie « se sentait » responsable, alors que dans la nouvelle Constitution déjà approuvée elle « assume » déjà la responsabilité du destin des Hongrois de l’étranger. La création de l’Article D ne correspond pas au droit international, selon lequel l’Etat dans lequel les minorités vivent les soutient et les protège. D’autres pays pourraient avoir un intérêt légitime concernant la prospérité de leurs minorités « parentes » de l’étranger, mais, en application du droit international, ils ne sont pas autorisés à exercer leurs pouvoirs sur des personnes vivant dans un autre pays.
Les Recommandations de Bolzano sur les Minorités nationales dans les relations interétatiques par le Haut-Commissaire de l’OSCE pour les minorités nationales ont été conçues en ce sens. L’avis de la Commission de Venise met en avant ce point dans le rapport « Le Traitement Préférentiel des Minorités Nationales par leur État-Parent » de 2001.
Du point de vue du droit international il peut être déclaré que la nouvelle Constitution hongroise ne s’écarte pas de manière significative du cadre commun pour ce type de normes juridiques. Souvent, néanmoins, il faut se référer à la manière de mettre en œuvre les lois. Seule, cette mise en œuvre déterminera comment la Constitution sera appliquée en pratique. On peut dire en général que la Loi Fondamentale contient des clauses qui peuvent être considérées comme ambiguës et formulées de manière telle qu’elles peuvent soulever de nombreuses questions. Dans ce contexte on pourrait dire que la formulation générale et ambiguë de la Loi Fondamentale autorise le Gouvernement hongrois à interpréter ses clauses comme cela l’arrange.
1. Le 28 octobre 2011 à 10:15, par Ben En réponse à : La Nouvelle Constitution Hongroise
N’y a-t-il pas de Cour constitutionnelle en Hongrie pour l’interprétation de ces normes ? Si ce n’est pas le cas, c’est inquiétant du point de vue de la séparation des pouvoirs.
2. Le 28 octobre 2011 à 14:37, par Aymeric L. En réponse à : La Nouvelle Constitution Hongroise
@Ben
Une cour constitutionnelle assure la conformité des lois à la Constitution. Ces normes antidmocratiques (fin de l’indépendance de la justice notamment) sont la constitution, par conséquent, la cour constitutionnelle hongroise n’aura d’autre choix que de les imposer.
Par ailleurs, la constitution limite le contrôle de la cour dans les domaines socio-économiques.
Bref, à côté de cela, le gouvernement ÖVP-FPÖ de Haider en Autriche, c’était de la gnognote.
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