Ce livre de Denis de Rougemont n’a d’autre ambition que de décrire cette forme d’existence en communauté, cette société d’hommes libres.
La Suisse présentée en trois questions : comment se forme une fédération, comment fonctionne une fédération, comment on vit dans une fédération.
Un regard historique, politique et culturel qui aboutit en fin de compte à une proposition pour l’avenir : la Suisse dans l’avenir européen.
L’expression d’un crédo fédéraliste
« La Suisse, ou l’histoire d’un peuple heureux » est publié pour la première fois en 1970. Denis de Rougemont y exprime son credo fédéraliste :
« Certes le fédéralisme est le contraire d’un système. Ce n’est pas une structure abstraite et géométrique, ce n’est pas un poncif à transporter. Mais il ne va pas sans principes, et ceux-ci m’apparaissent susceptibles d’être appliqués à l’échelle de l’Europe, mutatis mutandis bien entendu : c’est précisément la méthode du fédéralisme authentique. »
La Suisse comme modèle et comme cœur d’une Europe des régions. Une Europe fondée sur la même nécessité qui a fondé la Fédération helvétique : préserver la diversité. Voilà le rêve de l’auteur. Un rêve qu’il présente comme la suite logique de l’histoire suisse. Car en effet, comment définir la Suisse ? Comment est elle née ?
Le mythe fondateur suisse n’est pas la conquête des terres par un monarque, ce n’est pas non plus la résistance héroïque d’un peuple contre l’oppresseur. Le mythe fondateur suisse est un pacte de solidarité conclu en 1291 entre trois différentes vallées, Schwyz, Uri et Unterwald, le Pacte du Gothard, du nom du col stratégique entouré par les trois vallées. Le mythe fondateur suisse est politique et surtout contractuel.
La Suisse : modèle fédéral et antithèse de la Nation
Ainsi la Suisse est devenu l’antithèse de la nation. Elle s’est formée pour empêcher à la nation, symbole d’oppression et de domination, d’exister.
Curieux paradoxe que celui d’un peuple, d’une communauté se donnant comme règle fondamentale celle de ne jamais se fondre en une seule entité. Un paradoxe qui pourtant semble être le seul moyen pour constituer cette société d’hommes libres, condition de l’existence d’un peuple heureux. C’est la racine du fédéralisme suisse.
Rougemont aimerait voir ce fédéralisme s’étendre à toute l’Europe, avec en son centre la Suisse transformée en territoire fédéral, susceptible d’accueillir les institutions de l’Europe de demain. Un projet qui ne verra sans doute jamais le jour.
Un projet qui aura cependant le mérite de montrer à l’Europe un chemin viable de progrès. Un chemin qu’elle hésite encore à arpenter alors que les expériences historiques montrent avec évidence qu’il n’y en a pas d’autre.
« Il est fou d’être sage tout seul, mais non moins fou de renoncer à une sagesse que l’on se voit seul à professer. Voici donc le sage condamné à périr ou à faire école.
En d’autres termes : si l’Europe continuait d’être folle à l’unanimité de ses nations, la fédération suisse serait perdue sans nul doute. Mais l’Europe aussi serait perdue. Or je vois qu’elle peut être sauvée d’une balkanisation sans gloire si elle accepte de s’helvétiser, j’entends bien : de se fédérer. »
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