Supprimer une espèce c’est « changer le cours des choses, une atteinte à la liberté qu’a le monde de se déployer » (Jacques Blondel - CNRS lors de la Conférence de Paris sur la biodiversité en janvier 2005).
La biodiversité recouvre toutes les formes de vie sur Terre, ainsi que les relations qui existent entre elles et avec leurs milieux depuis leur origine commune. Le concept de biodiversité comprend, de façon inextricable, la richesse de l’inventaire (encore très incomplet) des formes du vivant, de même que la complexité et l’organisation des interactions entre toutes les espèces.
Repenser le concept de biodiversité
Elle s’apprécie en prenant en compte la diversité des gènes, des espèces et des écosystèmes. On note qu’il existe une forte imbrication entre les différentes espèces animales et végétales au sein de leurs milieux, recouvrant toutes sortes d’adaptations parfois très inattendues : prédations, compétition interspécifique et intraspécifique, parasitisme, symbiose, coopération, etc. La biodiversité serait finalement extrêmement organisée derrière le désordre apparent de cette diversité du vivant.
On ne peut plus désormais aborder la préservation de la biodiversité sans prendre en compte les contextes socio-économiques et culturels ainsi que les relations dynamiques entre les écosystèmes et les activités humaines. Malgré l’importance de ses ressources et services, la conservation et l’utilisation durable des richesses naturelles a longtemps fait l’objet d’une approche sectorielle, rarement intégrée de façon transversale dans les différentes politiques et activités.
Ainsi en ce qui concerne le milieu marin par exemple, le secteur des transports et celui de l’environnement se sont principalement focalisés sur la réduction et le contrôle de la pollution tandis que le secteur de la pêche s’efforce, en maintenant les pêcheries en exploitation, d’accroître leur efficacité.
Cela a encouragé une évolution où les progrès technologiques permettent d’aller de plus en plus loin et de plus en plus en profondeur dans les océans, toujours au détriment de la biodiversité marine et des coraux.
La protection de la nature, dédaignée par l’UE sauf exceptions
La protection de la nature en elle-même n’a pas occupé une place importante dans les politiques, avec l’exception remarquable des directives européennes « Oiseaux » et « Habitats », qui obligent les États membres de l’UE à désigner des sites marins et terrestres Natura 2000.
Avec pour double objectif de préserver la diversité biologique et de valoriser les territoires, l’Europe s’est lancée depuis le 21 mai 1992 dans la réalisation d’un ambitieux réseau de sites écologiques appelé Natura 2000. De nombreux sites s’étendent sur toute l’Europe de façon à donner une cohésion à cette initiative de préservation des espèces et de leurs habitats naturels.
La volonté de mettre en place un réseau européen de sites naturels correspond à un constat : la conservation de la biodiversité ne peut être efficace que si elle prend en compte les besoins des populations animales et végétales, qui ne connaissent pas les frontières administratives entre États. Ainsi, la démarche de Natura 2000 s’appuie sur l’intégration de la politique de préservation de la biodiversité et de protection des espèces et habitats naturels à tous les échelons de la gestion des territoires.
les directives « Oiseaux » et « Habitat pour protéger la biodiversité dans l’UE »
La politique européenne pour mettre en place ce réseau utilise l’application des directives « Oiseaux » et « Habitat », adoptées respectivement en 1979 et 1992 pour donner aux États membres de l’Union européenne un cadre commun d’intervention en faveur de la préservation des espèces et de leurs milieux naturels. Ces textes établissent la base réglementaire du grand réseau écologique européen et la mise en commun de leurs sites forment Natura 2000.
La directive « Oiseaux » vise la conservation à long terme d’espèces ou sous espèces d’oiseaux sauvages menacées de l’Union européenne, réparties sur plus de 3000 sites, classés en tant que Zones de Protections Spéciales (ZPS). La directive « Habitats faune flore » cherche quant à elle à promouvoir la protection et la gestion des espaces naturels ainsi que des espèces de faune et de flore à valeur patrimoniale des États membres, dans le respect des exigences économiques, sociales et culturelles.
Les Zones Spéciales de Conservation (ZSC), représentent actuellement plus de 20 000 sites pour 12 % du territoire européen. La réunion de ces deux directives doit à terme permettre la création du réseau écologique européen.
Chaque État membre choisit lui-même la démarche à adopter pour atteindre les objectifs fixés par l’Union européenne, que se soit pour l’identification des sites ou les modes de gestion à adopter, permettant ainsi une plus grande liberté au regard de leurs traditions, us et coutumes. Encore en cours de constitution, ce réseau doit permettre de réaliser les objectifs fixés par la « Convention sur la diversité écologique » adoptée lors du Sommet de la terre de Rio de Janeiro en 1992.
la création d’un réseau écologique européen, un objectif qui prend du retard
Sa formation était initialement prévue pour juin 2004, mais la désignation des sites a pris du retard dans de nombreux pays. Le réseau français n’a par exemple été validé qu’en 2007. La France a fait le choix d’une gestion contractuelle et volontaire des sites, avec les différents acteurs du site (agriculteurs, propriétaires, chasseurs, forestiers, associations, etc.).
Elle décrit les bonnes pratiques agro-environnementales auxquelles les propriétaires de terrain en site Natura 2000 peuvent souscrire (curages de fossés, contrôle de la prolifération des joncs, entretien ou création de haies, pâturage extensif bovin, fauche d’entretien, etc.) sans les contraindre trop fortement, ouvrant droit à une contrepartie financière.
Un long débat fut nécessaire pour constituer le réseau Natura 2000, longtemps considéré comme une mise sous cloche ou une confiscation des terres. De plus, de nombreux sujets sensibles tels que la réintroduction de grandes espèces de carnivores furent accueillis par de vives critiques.
Si l’utilité du recours quasi exclusif aux contrats a été d’apaiser les campagnes quant à la mise en œuvre de la directive et de sensibiliser les acteurs ruraux à la préservation des espaces naturels, il ne fait aucun doute que ce procédé n’est pas à la hauteur des espérances de conservation de la nature placées dans le réseau Natura 2000. Le contrat ne peut être considéré comme un outil appelé à remplacer les mesures réglementaires ou législatives, mais plutôt comme un outil accessoire. Les propriétaires accepteront-ils de renouveler leurs engagements ? Si l’État ne veut pas avoir à se poser cette question tous les cinq ans, la France doit compléter son dispositif de gestion par le recours aux mesures réglementaires qui s’imposent.
Échec actuel de l’UE dans sa lutte contre l’érosion de la biodiversité. Il faut réagir d’urgence !
« En raison du retard provoqué par ces déficiences, l’érosion de la biodiversité dans l’UE a empiré de manière dramatique » déplorent les auteurs du rapport présenté le 1er octobre 2009 au Parlement européen, réalisé à la demande des eurodéputés du groupe des Verts/ALE. Ils révèlent que des projets de développement ont été mis en place sans études d’impact préalables dans de nombreux pays membres, alors que celles-ci sont obligatoires. S’appuyant sur les cas de la Belgique, la France, l’Allemagne, la Pologne, l’Espagne, la Suède, la Roumanie et le Royaume-Uni, l’étude révèle que certains sites qui devraient être classés Natura 2000, n’ont pas encore été désignés tandis que « beaucoup de zones spéciales ont été désignées sans recevoir pour autant un régime de protection ou de gestion approprié ».
Plusieurs projets sont incriminés par l’étude, et notamment en France les grands chantiers routiers de l’agglomération orléanaise ou l’urbanisation programmée des marais salants de Guérande. Suite aux conclusions de ce rapport, la Cour de Justice de l’Union européenne a condamné la France le 4 mars 2010 pour n’avoir pas transposé correctement la directive européenne « Habitats » et demande l’évaluation de ces projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements.
Le réseau Natura 2000 doit être le moteur d’une politique ambitieuse de conservation de la nature, et plus largement une véritable politique intégrée de développement des territoires ruraux, qui ne pourra se faire sans la participation de tous. C’est dans cette optique qu’il est nécessaire de sensibiliser les personnes privées à la préservation de la biodiversité, les autorités publiques ne pouvant tout régler seules.
Il est du devoir et de la responsabilité de chacun de préserver notre environnement naturel, sans quoi le réseau Natura 2000 se trouvera à terme bien esseulé dans la lutte pour une protection efficace des espaces naturels.
1. Le 31 mars 2011 à 08:34, par Cédric En réponse à : La construction du réseau Natura 2000 à l’épreuve du terrain
Très bon article.
En 7 ans, les commissions Barroso ont tout fait pour ne produire que du vent sur la biodiversité. Logorrhée toujours et encore...
2. Le 31 mars 2011 à 16:44, par Michel En réponse à : La construction du réseau Natura 2000 à l’épreuve du terrain
Natura 2000 est une excellente initiative que je soutiens. Le problème est plus au niveau politique. Prenons du recul avec ce qui s’est passé avec le grenelle de l’environnement : une bonne initiative politique qui a perdu son âme au fil du temps, raboter au fur et à mesure... Il peut être très facile de créer des fauteuils club en cuir. La difficulté réside surtout dans la maîtrise de la finition du produit qu’est le fauteuil club.
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