La peine de mort : des évolutions sociétales en faveur de son abolition au Bélarus

, par Horia-Victor Lefter

La peine de mort : des évolutions sociétales en faveur de son abolition au Bélarus

De nos jours, nombreux sont accoutumés à l’idée que la peine de mort soit abolie en Europe. Mais son application ailleurs montre que le combat ne s’arrête pas là. En effet, selon les abolitionnistes, il est toujours impératif d’en discuter pour y mettre fin, un jour, là où elle est encore pratiquée, voire même d’en empêcher la réinstitution. Car il vaut mieux abolir la peine de mort par la raison, que la violence ; l’expérience montre que c’est plus durable. Et si nombreux se préoccupent des Etats-Unis, de la Chine ou, encore, de l’Iran, peu s’en soucient qu’il en est de même au cœur du vieux continent.

Crédit photo : Licence Creative Commons

Une région sans peine de mort…

Peu se souviennent que le 9 Octobre 1981, sous la présidence de François Mitterrand, la France est devenue l’un des derniers États de l’Europe occidentale à abolir la peine de mort et ce, par voie législative. Depuis, trente-sept autres pays de l’Europe centrale et orientale, Caucase et Asie centrale, aujourd’hui membres de l’Organisation pour la sécurité et coopération en Europe, l’ont également abolie en toute circonstance.

Ce n’est pas, pour autant, le cas de la Lettonie et du Kazakhstan, États qui maintiennent toujours, du moins dans le droit, la peine capitale pour crimes commis en temps de guerre. Ou ce ne l’était pas il y a peu de temps puisque le 13 octobre le Saeima letton vient d’adopter la décision d’abolir la peine de mort aussi pour crimes de guerre ; ayant ainsi ratifié le Protocole 13 de la Convention des Droits Humains et Libertés Fondamentales (BNN 14 Octobre 2011).

En outre, il y a également le cas de la Fédération de Russie et du Tadjikistan qui ont introduit des moratoires sur son application, n’y ayant plus procédé depuis longtemps. Ils sont ainsi devenus des pays abolitionnistes en pratique. En 2009, peu avant la fin du moratoire, la Cour Constitutionnelle russe l’a étendu jusqu’au moment où le Protocol Nr. 6 à la Convention des Droits Humains sera ratifiée, mettant ainsi définitivement terme à la peine de mort en temps de paix. Il reste cependant le cas de la Tchétchénie et de ses cours d’assises instituées au 1er Janvier 2010 (The Moscow Times 25 Janvier 2010).

Et si la Russie ou la Lettonie, le premier étant surtout motivé par sa volonté de rester membre du Conseil de l’Europe, ont réussi à franchir le cap de l’abolition ou sont en cours de le faire, à leurs frontières la peine de mort est toujours appliquée.

…Ou presque

Ainsi, à l’occasion de l’anniversaire des trente ans sans peine capitale en France et la neuvième Journée Mondiale contre la peine de mort, le Bélarus (la Biélorussie) en reste le bastion au centre de l’Europe, avec environ quatre cents exécutions depuis 1991.

Bien que parvenir à l’abolition puisse constituer un périple de mille ans, comme l’ambassadrice du Royaume Uni à Minsk le résume à l’égard de son Etat d’origine, dans un article publié sur le site Viasna [1] (Eté 96), au Bélarus (en Biélorussie) la situation entourant la peine capitale est restée inchangée depuis l’indépendance du pays en 1991. En outre, l’arrivée d’Alyaksandr Loukachenka au pouvoir et la tenue d’un référendum à ce sujet, le maintien l’emportant avec une forte majorité (80,44%), ont renforcé l’opposition des autorités à procéder à son abolition.

Une des seules occasions, d’ailleurs, quand les autorités se sont saisies du sujet, contrairement au monde occidental, où celles-ci sont pour la plupart du temps à l’initiative de l’abolition [2]. Ainsi, entre 2003 et 2005, le président Loukachenka a gracié deux condamnés à la peine capitale.

Depuis quelques années, le Bélarus (la Biélorussie) est entré dans une certaine régularité avec deux exécutions par an, ce qui aux yeux des autorités rapprocherait le pays des rangs des abolitionnistes en pratique. A peine après avoir procédé aux exécutions par balle d’Oleg Grishkovstov et d’Andrei Burduko en juillet de l’année en cours, que deux nouveaux inculpés seront très probablement condamnés à la peine capitale. Il faut ainsi attendre le dénouement avec la reprise du procès le 14 novembre.

En outre, certains font le constat que le nombre d’exécutions et la gravité des crimes pour lesquels des condamnations sont prononcées, seraient proportionnels au caractère démocratique ou, a contrario, autoritaire, des pays qui appliquent toujours la peine capitale [3]. Rapportées au Bélarus (à la Biélorussie), ces considérations ne se vérifient pas car, en dépit d’un nombre réduit d’exécutions et un nombre décroissant de crimes punis par la peine capitale, il est, aux yeux des organisations de défense des droits humains, difficile d’inscrire le pays sur la liste des Etats démocratiques.

Ainsi, le cas d’ Dzimitry Kanavalau et Ulad Kavalyou peut en être une preuve. Accusés d’avoir commis l’attentat du métro minskois du 11 avril dernier qui a tué quinze personnes et fait quelques centaines de blessés, ils dénoncent être forcés d’avouer des faits pour lesquels ils se disent innocent [4]. Les analystes confirment leur avoir été nié le droit d’être présumés innocents à partir des nombreuses déclarations faites par les autorités qui les qualifiaient très fermement de terroristes [5].

Mais au-delà d’un procès dont nombreux mettent en doute la transparence de la procédure [6], cette affaire a provoqué, sinon mis en lumière, une tendance sociétale de contestation de la peine de mort. Partant de l’interrogation générale soulevée entre autres par l’ambassadrice du Royaume Uni dans son article, à savoir s’il peut être conçu qu’un système judiciaire ne fasse jamais d’erreur, la situation est aggravée au Bélarus « en raison du secret qui entoure le recours à la peine de mort dans ce pays » (Communiqué Amnesty International France 27 Mai 2011 [7]).

En effet, les conditions caractérisant le processus depuis l’incarcération jusqu’après l’exécution par balle, celles-ci sont constamment dénoncées par les organisations non gouvernementales de défense des droits humains. Ces conditions étant entourées de mystère car décrétées secret d’Etat, font que, d’une part, la famille se voit interdite les visites mais aussi l’accès à toute information liée au moment de l’exécution et de l’endroit où les corps sont enterrés et, d’autre part, les condamnés n’apprennent l’imminence de l’exécution qu’au dernier moment.

Outre le refus de coopération des autorités avec les instances internationales (à deux reprises les condamnés ont été exécutés bien que des affaires qui les concernaient eut été pendantes devant le Comité des Droits Humains des Nations Unies – HRHF 28 Juillet 2011 [8]), l’opinion publique biélorusse en faveur de la peine capitale est proportionnelle à l’affaiblissement de la confiance des citoyens envers les institutions gouvernementales et les cours de justice ; ce procès contribuant, selon le publiciste Siarhei Dubavets, pleinement au changement [9]. Et Valiantsin Stefanovich, avocat du Centre de droits humains Viasna, y rajoute « qu’avec un système judiciaire comme celui de maintenant au Bélarus, il est dangereux d’avoir une telle forme de punition. En effet, la présence d’erreurs judiciaires est très significative et probable. » (BHRH 10 Octobre 2011). De plus, un rapport de l’OSCE publié le 10 Novembre 2011 et issu du monitoring des procès qui ont eu lieu entre mars et juillet 2011, « souligne le besoin d’une réforme substantielle de la justice » au Bélarus [10] (en Biélorussie)

D’autres personnes, si la culpabilité des accusés n’est pas toujours mise en doute, demandent de repousser le procès jusqu’à l’abolition de la peine de mort [11], car « ce qu’on affirme c’est qu’une éventuelle peine capitale est absolument inhumaine – sans considération de la cruauté du crime », selon un opposant de la peine de mort [12].

Mais, en vertu des déclarations de Brad Draker, législateur américain de Florida, exécuter par balle est plus humain qu’administrer une injection létale [13]. Une preuve de plus que les abolitionnistes ont encore un long chemin à parcourir. Il est, cependant, rassurant que même au Bélarus (en Biélorussie) la société se saisisse de la question capitale et procède à un basculement de positionnement. Ainsi, lors de la journée mondiale contre la peine capitale, une action de rue a été organisée à Minsk. Les organisateurs en ont été plutôt satisfaits, notamment pour le fait d’avoir réussi de débattre avec certaines personnes interpellées (BHRH 10 Octobre 2011).

Enfin, l’Union européenne conjointement avec le Conseil de l’Europe, a, une fois de plus, condamné le Bélarus (la Biélorussie) de faire usage de la peine capitale, tout en l’appelant à introduire un moratoire, puisque dans le reste de l’Europe elle n’y est plus appliquée depuis 1997 (Communiqué de presse 10 Octobre 2011).

La question reste donc de savoir en combien de temps et combien de victimes il faut encore, pour que la peine de mort soit abolie aussi au Bélarus (en Biélorussie). En effet, depuis 2004 la Cour Constitutionnelle a déclaré que les deux articles du Code Pénal sont incompatibles avec la Constitution, étant suivie, en 2005, par le Parlement avec l’adoption d’amendements conformément auxquels la peine capitale est employée que sur une base temporaire. Et, au président Loukachenka de tenir sa promesse de 2009 pour lancer une campagne de sensibilisation de la population en faveur de l’abolition de la peine capitale.

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