La présidence tchèque, une présidence sous tension

, par Veronika Fialkova

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La présidence tchèque, une présidence sous tension

La République tchèque prend la présidence de l’Union européenne dans une période de difficultés à la fois mondiales et internes au pays.

Sans même avoir ratifié le Traité de Lisbonne, ce pays eurosceptique va présider l’Union européenne en ces temps perturbés, qui nécessitent une Union décidée et capable d‘agir. Le premier ministre Mirek Topolánek (ODS) peut-il réussir sa tâche de président en exercice de l’Union européenne ?

La République tchèque remplace la France au premier semestre de 2009 à la tête de l’Union européenne pour guider et coordonner l‘action des 27 Etats membres. Toute l’Europe est actuellement placée face à de nombreux problèmes : la plus grande récession globale depuis la crise de 1929, l’aggravation du conflit israélo-palestinien, la tension sur les approvisionnements du gaz russe à l’Ukraine qui s’ajoute aux relations déjà tendues avec la Russie.

La situation globale place la présidence tchèque face à de nombreux défis

Le défi majeur que constitue la définition des relations avec la nouvelle administration américaine ne facilite pas davantage les choses. La République tchèque en tant que représentant de l’Union européenne sera-t-elle en mesure d’imposer les intérêts des 27 vis-à-vis de la Russie et des Etats Unis ? Aura-t-elle une volonté suffisante pour lancer des actions communes des 27 en politique étrangère, domaine qui pour elle relève de la souveraineté nationale ? Peut-elle guider des réponses communes de l’Union européenne face à la crise économique alors qu‘elle reste réticente à adopter la monnaie unique ? Ces questions sont à l’ordre du jour dans tous les pays européens, et tout le monde s’inquiète des réponses.

Les problèmes sur la scène politique interne affaiblissent la présidence tchèque

Ces questions représentent des craintes réelles d’autant plus que la situation actuelle sur la scène politique tchèque est assez obscure. Si le Premier ministre Mirek Topolánek tente de se présenter comme un bon Européen, il manque de soutien de la part de son parti, l’ODS, dont une fraction s’identifie avec les idées du Président de la république Václav Klaus. Or ce dernier compte parmi les eurosceptiques les plus ardents.

La scène politique reste divisée sur la question du Traité de Lisbonne : une partie importante de l’ODS est contre son adoption, ce qui a forcé M. Topolánek à reporter sa ratification par le Parlement tchèque au début du mois de février. La prise de la présidence de l’Union par la République tchèque, sans que celle-ci ait montré son soutien à ce texte clé pour l’avenir de la construction européenne, soulève une vague de méfiance à l’égard du comportement tchèque.

M. Topolánek lui même favorise la ratification du Traité et cherche a négocier une majorité au sein du Parlement en liant le vote sur Lisbonne au vote sur le placement du bouclier anti-missiles américain sur le territoire tchèque, que son parti soutient. Ce rapprochement peut faire espérer une ratification réussie au Parlement.

Václav Klaus : un obstacle à l’adoption du Traité de Lisbonne

Toutefois, la ratification parlementaire n’est pas la dernière phase, car la constitution tchèque exige la signature de chaque traité international par le Président de la République, ceci étant un plus grand obstacle à l’adoption du Traité de Lisbonne que le vote au Parlement. Le Président Václav Klaus a déjà déclaré qu’il ne signerait pas le Traité de Lisbonne (au moins tant qu’il ne sera pas ratifié par l’Irlande), car selon lui, ce texte représente une menace pour la souveraineté nationale de l’Etat.

Les idées eurosceptiques, voire euronégatives, de M. Klaus, sont souvent présentées comme une menace réelle pour l’Union, en particulier pendant la présidence tchèque. Or, le Président n’ayant qu’un rôle plus au moins formel dans le système politique tchèque, il n’aura pas de mandat pour mettre en œuvre ses idées, même s’il exerce une influence considérable sur les militants de son parti, l’ODS.

Le rôle du président en exercice de l’Union européenne appartient néanmoins au chef de l’exécutif, le Premier ministre Mirek Topolánek, dont l’euroscepticisme est très modéré. Ceci s’applique également aux autres membres du gouvernement qui joueront des rôles clés au cours de la présidence, comme le vice-premier pour les affaires européennes, M. Vondra et le ministre des affaires étrangères, Karel Schwarzenberg. Etant tous les deux diplomates expériencés, ils vont essayer de représenter l’Union sur la scène internationale d’une voix forte.

La présidence tchèque devrait éviter la catastrophe

Si on ne peut pas s’attendre à une présidence forte et aussi active que l’était celle de la France, on peut espérer qu’avec les Topolánek, Vondra et Schwarzenberg à sa tête, l’Union européenne continuera d’avancer face aux crises actuelles. La présidence tchèque est déterminée à négocier activement avec tous les Etats membres pour que l’Union européenne puisse proposer un front uni. Cette volonté d’avancer à pas communs a été déjà réaffirmé par la présidence lors qu’elle a lancé sa première initiative pour résoudre la cessation des livraisons du gaz russe.

La ratification du Traité de Lisbonne représente un vrai défi pour la politique interne tchèque et le résultat du vote sera essentiel pour la perception de la République tchèque au sein de l’Union. Toutefois, ce processus de ratification ne devrait pas transformer la présidence tchèque en catastrophe. L’échec éventuel de la ratification hausserait nettement la méfiance des Européens à l’égard de la capacité de la République tchèque à représenter les intérêts de l’Union, mais le refus du Traité n’implique pas les attitudes différentes de la République tchèque vis-à-vis des problèmes mondiaux actuels. Elle pourrait toujours guider les actions des 27 en parvenant à s’affirmer dans les différentes négociations.

En bref, sans tomber dans l’optimisme béat, on peut cependant donner plus de confiance à la République tchèque, car celle-ci a, après tout, l‘ambition de gérer l’Union le mieux possible.

Illustration :J.M Barroso et Mirek Topolanek au Théâtre National de Prague pour le lancement de la présidence, le 7.01.09

Source : Médiathèque de la présidence tchèque

Vos commentaires
  • Le 15 janvier 2009 à 10:06, par Ben En réponse à : La présidence tchèque, une présidence sous tension

    Cela prouve bien en tous cas que la présidence tournante n’est pas une bonne chose. Vivement Lisbonne et le président unique.

  • Le 15 janvier 2009 à 14:56, par Ronan En réponse à : La présidence tchèque, une présidence sous tension

    Ne pas sur-évaluer la présidence de l’Union telle qu’elle est prévue par « Lisbonne » : en fait de présidence, il s’agit surtout là d’un super secrétariat du « Conseil de l’Union » qui répêtera scrupuleusement - façon perroquet - ce que lui diront de dire les Etats.

    Bref : un président qui... présidera mais ne gouvernera pas. Et si l’étymologie est respectée, pas sûr qu’il en soit de même des souhaits des « européens »...

  • Le 16 janvier 2009 à 07:43, par Martina Latina En réponse à : La présidence tchèque, une présidence sous tension

    Je viens de parcourir, grâce au lien qu’indiquait le TAURILLON, le discours prononcé par Monsieur TOPOLANEK ce mercredi devant le Parlement Européen. Je regrette d’autant plus que l’hémicycle ait été peu rempli en face de lui : car il nous faut au contraire marquer notre soutien aux EUROPHILES tels que lui qui, dans le cadre décisif autant que délicat de la République Tchèque divisée comme d’une Union Européenne appelée à résoudre des crises graves (internationales ou économiques), oeuvrent en respectant et servant notre devise sous sa forme française L’UNION DANS LA DIVERSITE, ou latine ; car cette langue certes ancienne, mais « commune », que Monsieur TOPOLANEK a sans doute eu raison de choisir pour proclamer la devise européenne, permet par l’ordre des mots d’envisager la diversité comme un facteur, non seulement d’union, mais de concorde : IN VARIETATE CONCORDIA... Monsieur TOPOLANEK est ainsi passé de l’universalisme européen du Moyen Âge auquel participait pleinement le peuple tchèque aux règles de fonctionnement européen qui sont à préciser d’urgence, puis aux connaissances à partager toujours mieux entre Européens, en passant par les chantiers actuels : politique énergétique et partenariat oriental. N’est-ce pas un programme qui rejoint et relaie les préoccupations de la Présidence française dans la crise financière ou internationale ? L’humour tchèque devrait même nous y aider par ENTROPA si nous en croyons les reportages bruxellois. En tout cas, au coeur de l’Europe bat une énergie, non pas hostile à l’Union Européenne, mais capable au contraire de faire mûrir dans l’UE le courage et la lucidité que la Tchécoslovaquie mit en oeuvre avant, puis surtout pendant, la révolution de Velours de 1989, donc en préludant ainsi, d’une manière ferme et douce, à la réunification de l’Europe : cette fougue contrôlée ne caractérisait-elle pas déjà, selon un mythe millénaire, certain TAURILLON qui, encore plus à l’Est, sut enlever EUROPE et l’élever comme mère créatrice de l’EUROPE ?

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