Avec l’élargissement de l’Union européenne vers l’est, l’interface Nord-Sud symbolisée par le Rhin s’est doublée d’une dimension Est-Ouest avec le Danube, marquant le retour dans l’Europe des nouveaux États membres. Par conséquent, il n’est pas surprenant que l’Union européenne ait choisi la région du Danube comme seconde zone dans laquelle bâtir une stratégie macro-régionale.
La zone couvre huit États membres, six pays voisins et affectera plus de 80 millions de personnes. Cela contribuera à la cohésion territoriale et culturelle de la région et pourrait aussi devenir, à travers la participation d’États tiers, un instrument important des stratégies de préadhésion.
Unifier la région
Avoir un impact sur la vie de tant de citoyens et unifier une région si hétérogène présente des avantages et des inconvénients. Le principal avantage de la Stratégie est qu’elle peut encadrer le développement européen de la région et faciliter la mise en œuvre de projets transfrontaliers. Ce faisant, la Stratégie aidera les nations de la région à se sentir plus intégrées à travers la construction d’un sentiment de développement commun.
La nature ascendante de la Stratégie, qui encourage les communautés locales et régionales à développer leurs propres projets dans un certain cadre, va motiver encore plus les personnes de la région à s’impliquer dans les questions européennes. Comme second point important, la Stratégie sera ouverte à des pays qui ne sont, pour le moment, pas membres de l’UE.
Les pays des Balkans occidentaux qui ont annoncés leur intention de participer à la stratégie sont sur le chemin de l’adhésion alors que deux autres pays – l’Ukraine et la Moldavie – font partie du Programme de partenariat oriental. Une coopération plus poussée avec eux constitue un intérêt élémentaire de l’UE, alors que les pays candidats seront aussi capables de situer leurs stratégies de pré-adhésion dans le cadre d’une politique européenne plus large.
Des objectifs précis comme clé du succès
Cela étant dit, nous devons aussi prendre en compte les menaces auxquelles la Stratégie fait face. Tout d’abord, comme d’autres stratégies globales, elle risque de devenir superficielle. Si les États participants ne sont pas capables de définir un ensemble limité d’objectifs clairs, réalisables et quantifiables, la Stratégie pourrait n’avoir aucun impact considérable ou visible.
Pour éviter cela, les États membres doivent dans un premier temps se mettre d’accord sur un nombre limité d’objectifs stratégiques (3 ou 4) étant dans leurs intérêts réciproques. En raison de l’hétérogénéité susmentionnée de la région cela sera sans aucun doute difficile. Par conséquent, la présidence hongroise du premier semestre 2011 va faire face à une tâche ardue.
Cependant, je suis convaincu qu’il existe quelques objectifs communs identifiables et qu’une harmonisation des divers intérêts est réalisable. Je propose de se concentrer sur les domaines suivants :
L’amélioration de la capacité de transport du Danube contribuerait largement au développent économique de la région et ouvrirait à l’UE un nouveau corridor de transport Est-Ouest. Cela pourrait impliquer l’amélioration de la navigabilité, l’harmonisation des législations sur la navigation fluviale mais aussi le développement de réseaux intégrés de transport reliant les voies de transport routier et fluvial.
Une attention spéciale devrait être accordée dans la Stratégie à la gestion de l’eau et en particulier la coordination des plans de gestion du bassin fluvial, ou à la prévention des inondations, l’irrigation et le traitement des eaux usées.
Le fleuve est aussi une source importante d’eau potable pour des millions de personnes. La Stratégie devrait insister sur la préservation de la biodiversité dans la région avec une attention particulière sur les caractéristiques uniques du Danube. Le potentiel inexploité de l’écotourisme est un autre atout majeur sur lequel fonder la Stratégie.
Ces objectifs sont en accord avec les trois piliers sur lesquels la Stratégie est susceptible de se fonder : des systèmes de communication et environnementaux durables, la protection de l’environnement avec une attention spécifique sur la préservation des ressources aquatiques, et la prévention des risques et le développement socio-économique de la région.
La partie la plus compliquée du travail est cependant d’harmoniser les objectifs quelque part contradictoires et de réaliser un bon équilibre entre les intérêts économiques et environnementaux des pays participants.
La présidence hongroise comme force motrice
Le lancement de la Stratégie pour le Danube est l’une des priorités de la présidence hongroise. Outre la définition thématique, la présidence hongroise accordera une attention particulière à la portée strictement territoriale. L’envergure territoriale de la Stratégie pour le Danube ne devrait pas devenir trop large pour être gérable puisque cela la rendrait superficielle.
Cependant, la Stratégie doit être assez flexible dans ses frontières pour inclure des régions ayant une situation économique différente et devrait conduire à construire une macro-région durable et gérable.
L’adoption de la Stratégie se fera sous la présidence d’un État membre directement influencé par elle (d’autant plus que l’ensemble du territoire hongrois fait partie du bassin versant du Danube). La gestion du Danube et de son environnement a été une priorité pour la Hongrie, le pays ayant montré une attention spéciale pour les documents stratégiques pour le Danube comme le Cadre national de gestion spatial ou le Cadre de développement national adoptés en 2005.
Afin de provoquer une prise de conscience de l’importance de la Stratégie, le gouvernement hongrois a accueilli en février dernier un Sommet pour le Danube à Budapest, en présence de chefs d’État et de gouvernements des 14 pays participants et du commissaire européen Johannes Hahn.
Le principe des trois non
La Commission Européenne a dit clairement dès le départ qu’elle n’allouerait pas de fonds supplémentaires pour les buts de la Stratégie pour le Danube. Il s’agit de l’idée bien connue des « trois non » : pas de nouveau budget, pas de nouvelles institutions et pas de nouvelle législation.
Par conséquent, la Stratégie repose essentiellement sur la volonté des pays participants d’y consacrer des ressources supplémentaires ou de rediriger les fonds actuellement alloués. Les États membres et les autres participants financeront et institutionnaliseront la Stratégie pour le Danube à la seule condition qu’ils reconnaissent la valeur ajoutée d’une action commune.
Le succès et, tout aussi important, la « vente » réussie de la Stratégie dépendent donc de la volonté et de la capacité des pays de la région à travailler ensemble.
La Stratégie pour le Danube va renforcer l’identité européenne des pays participants en ajoutant une couche commune à leurs identités existantes. Si elle est mise en œuvre correctement, la Stratégie pour le Danube ne sera donc pas seulement une mesure de coopération économique fondée sur des intérêts communs.
Plus que ça, elle constituera une force motrice de construction d’une identité commune, un sentiment de vouloir vivre ensemble se trouvant au cœur de l’Europe ainsi que parmi les nations aspirant à l’adhésion. Elle devrait donc être un des projets prioritaires de l’Union européenne pour les années à venir.
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