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La stratégie sociale européenne : « flexicurité », « inclusion sociale » et « services sociaux d’intérêt général »

, par Grégoire Guillard

La stratégie sociale européenne : « flexicurité », « inclusion sociale » et « services sociaux d'intérêt général »

« Flexicurité », « inclusion sociale » et « services sociaux d’intérêt général » : trois néologismes ou acronymes étrangers à la langue de Molière que l’on rencontre de plus en plus fréquement dans les médias, propos d’experts voire plus rarement discours d’hommes politiques. Ces trois notions, techniques en apparence, sont des outils élaborés par les partenaires et dirigeants au niveau européen afin de réformer les systèmes nationaux du marché du travail, de protection sociale et de service public.

Ils illustrent un processus, d’inspiration européenne, de transformation globale des systèmes nationaux du marché du travail et de la protection sociale. Ayant parfois pour source des expérimentations nationales, les instances et partenaires européens ont peu à peu fait de ces trois notions quelques uns des principes angulaires d’une stratégie sociale européenne respectant la diversité des modèles nationaux.

Il s’agit ici de mettre en lumière cette stratégie au travers de trois exemples de concepts « européens » qui ont du mal à s’insérer dans nos vieux systèmes nationaux. Cette intégration est longue et sujette à de longs débats, les Etats membres gardant soigneusement la haute main en matière de réforme sociale mais une harmonisation progressive est bel et bien en marche, tendant toujours plus à contribuer à placer l’Europe au centre de la réforme et de notre dynamique socio-économique. Mais que recouvre exactement ces notions ?

La Flexisécurité

La « flexicurité » est une politique de l’emploi développée et expérimentée par le Danemark depuis les années 90 qui vise sommairement à réconcilier flexibilité et sécurité en matière d’emploi. Elle a permis dans ce pays de diviser par deux le taux de chômage en dix ans : 6% de la population active en 2005 contre quasiment 13% en 1994. Elle est selon la définition de la Commission européenne, une "formule globale de politique du marché du travail qui combine des arrangements contractuels suffisamment flexibles – permettant aux entreprises et aux salariés de s’adapter aux changements – et la sécurité pour les travailleurs qui peuvent conserver leur emploi ou en trouver un nouveau rapidement tout en étant assurés de disposer d’un revenu adéquat entre deux emplois".

Cela est possible grâce à une formation tout au long de la vie, des politiques actives du marché du travail et de hauts niveaux de protection sociale. Les partenaires sociaux européens viennent juste (octobre 2007) de parvenir à un accord sur ses principes essentiels. Un système bâti autour de la flexicurité se caractérise donc par des modalités de travail flexibles, des politiques actives sur le marché du travail, des systèmes fiables et adaptables de formation et d’éducation tout au long de la vie, des systèmes modernes de sécurité sociale et un dialogue social fort.

Les conditions sont-elles réunies pour un transfert de l’expérience danoise remodelée par la Commission dans les autres systèmes nationaux ? Est il possible de transposer « clé en main » un tel modèle ? Reconnaissant que les Etats membres partaient de positions très différentes et avaient des traditions sociales diverses, la Commission, dans une communication de juin 2007, ne préconise en aucun cas une transposition du modèle nordique de ’flexicurité’ aux autres Etats de l’UE et que différentes voies à suivre doivent exister. Un des enjeux est d’éviter par exemple que « flexicurité » ne devienne « flexploitation » (John Monks, CES).

L’inclusion active

L’Europe agit aussi en faveur des personnes durablement exclues du marché du travail, en préconisant le développement de stratégie dites d’ « inclusion active ». Une telle formule est censée apporter une réponse efficace au fléau du chômage dans nos économie, tout en tenant compte des contraintes budgétaires actuelles. Une communication en date d’octobre 2007 définit une série de principes d’action devant permettre aux personnes marginalisées de renforcer leurs compétences, de réaliser leur potentiel, de s’intégrer dans les marchés du travail et d’augmenter leur revenu.

Trois éléments sont au cœur d’une stratégie d’inclusion active :
 une aide appropriée au revenu,
 un accès à des marchés du travail inclusifs
 des Services sociaux de qualité ».

Le problème étant plus large que celui de l’insertion professionnelle, la Communication préconise ainsi de développer des services intégrés afin de satisfaire la demande dans les domaines de l’emploi, du logement et de la santé en particulier. Les situations sociales et historique des Etats sont bien entendu très diverses et ne tolèreraient pas une nouvelle fois l’application d’un modèle commun. C’est ainsi que dans l’objectif d’aboutir à un consensus européen sur des principes communs, une seconde consultation vient d’être lancée avant le dépôt de projet de textes législatif courant 2008.

Les services sociaux d’intérêt général

En lien direct avec la question de l’inclusion, le statut des « services sociaux d’intérêt général », catégorie de services à caractère d’utilité publique (en France, nous parlerions de Services publics) pose encore débat au niveau européen.

Historiquement, les SSIG désignent une catégorie de service qui ont été exclus du champ d’application de la Directive libéralisant le marché intérieur des services (dite « Bolkestein »). Cette dernière illustre une bataille parlementaire parmi les plus emblématiques et médiatiques au niveau européen ces dernières années. A cette occasion, la dichotomie marché / service public au niveau européen a été remis en lumière et a appelé une clarification.

Le problème peut se notamment sous la forme suivante : n’ayant toujours aucun fondement légal équivalent à la directive Services, les structures prétendant relever de ce statut exclusif du droit commun concurrentiel, n’ont aucune garantie juridique précise. Par exemple, l’attribution de subventions publiques fait toujours l’objet d’un examen individuel ou collectif par les services de la Commission européenne, pour qui la référence reste globalement le droit commun, à savoir les règles du marché intérieur. Malgré la reconnaissance officielle par les traités de l’utilité et de l’existence des services à caractère d’intérêt général, (art 16 TUE, art 86 TCE) ces derniers restent malgré tout l’exception, à défaut d’avoir un consensus politique ou un texte règlementaire sur lequel s’appuyer.

Après une série de plusieurs communications passées sur le sujet, une dernière mouture devrait voir le jour en fin d’année, avant le potentiel dépôt d’un projet de directive sous la Présidence française. Les avis sont toujours partagés : une réglementation contraignante en matière de services publics ne risque t elle pas de nuire au fonctionnement du marché intérieur et à la compétitivité de l’économie européenne ?

Un sujet qui a besoin d’une stratégie politique européenne

Ces trois notions : « flexicurité », « inclusion active » et SSIG sont étroitement liées entre elle et contribuent à dessiner un paysage social européen. Ils ne constituent pas un modèle en tant que tel, transférable en tant que tel dans les systèmes nationaux mais sont davantage une stratégie politique européenne ; tout l’enjeu est de permettre une appropriation démocratique du débat et que l’Union européenne soit un moteur de consensus, dans le respect de la diversité nationale.

Ce moteur semble se remettre en marche depuis l’adoption d’un nouvelle base constitutionnelle, qui bien que non exempte de défauts et de perfectibilité, est le premier dénominateur commun à une réelle relance de l’Europe…

Illustration : Affiche de l’ « Office national polonais de tourisme » (Eté 2005). www.tourisme.pologne.net

Source / documentation :
 Communication de la Commission Flexicurité
 Accord des partenaires sociaux européens
 Communication sur l’inclusion active
 Consultation publique sur l’inclusion active
 Communication sur les SSIG

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