La transition énergétique sera européenne ou ne sera pas

, par Géry Lecerf

La transition énergétique sera européenne ou ne sera pas
Auteur : bpmm

Le débat sur la transition énergétique arrive bientôt à son terme. Comme c’est souvent le cas pour ces grandes concertations à vocation participative, il convient d’éviter l’écueil de l’abstraction et tenter d’aborder les enjeux dans leur globalité, sans mettre de côté les réalités. Une de ces réalités est que l’Europe constitue l’horizon pertinent pour la transition énergétique.

L’Europe, c’est d’abord un cadre structurant pour la politique de l’énergie. La dimension stratégique du secteur de l’énergie a toujours été prépondérante dans le projet européen. Dès 1951, l’énergie était au cœur du traité de Paris instituant une Communauté du charbon et de l’acier. En 1957, le traité Euratom fut signé simultanément avec le Traité de Rome instituant la CEE. Dès 1955, les gouvernements s’étaient même accordés sur le « développement des échanges de gaz et de courant électrique propres à augmenter la rentabilité des investissements et à réduire le coût des fournitures. »

Cinquante ans après, les trois « paquets énergie », ont permis de poser les bases d’un marché intérieur de l’énergie toujours en construction. Sur le plan de la maîtrise de l’offre d’énergie, la législation européenne a traité de la performance des bâtiments, de l’éco-conception, des services énergétiques. Tout cela s’est construit sur fond d’objectif 3X20 en 2020, traduit notamment par des objectifs ambitieux en matière d’énergies renouvelables, par le système d’échanges de quotas de CO2 avant-gardiste (mais inachevé) et par la directive sur l’efficacité énergétique. Enfin, le Traité de Lisbonne a inscrit l’énergie, au rang des compétences partagées de l’Union européenne. Faut-il se voiler la face en ayant la prétention de penser que sans l’impulsion et le cadre européens, la France aurait envisagé cette transition de manière aussi consensuelle ?

L’Europe c’est l’échelon le plus cohérent pour la transition énergétique. En effet, le temps où l’énergie pouvait encore se penser à l’échelle nationale est révolu. La solidarité des réseaux européens dans l’effort de reconstruction a accompagné la construction de la paix et la construction de l’Europe. Songeons qu’une des plus vieilles institutions paneuropéennes, l’UCTE (Union for the Co-ordination of Transmission of Electricity), date du début des années 1950. Cette solidarité, organisée et rationnalisée ensuite, est désormais le fondement des échanges d’énergie en Europe. Elle permet à la France, pays le plus thermosensible d’Europe, de compter sur la pointe de ses voisins pour passer les pointes de froid. Cet espace d’échange fait de l’Europe un espace cohérent et consistant en termes de débouchés pour les acteurs de l’énergie mais aussi un ensemble potentiellement capable de faire valoir sa force dans les négociations avec nos voisins.

Cette cohérence se fonde sur la complémentarité : ainsi, l’intermittence de l’éolien ou du photovoltaïque se traduit par des excédents ou des déficits important de production dans certaines zones, selon que ces production y fonctionnent ou non. Ces excédents peuvent être valorisés pour répondre aux besoins de pointe sur d’autres zones.

La cohérence européenne doit enfin nous obliger à mesurer l’impact de choix énergétiques trop souvent pensés à une échelle nationale, mais aussi à prendre conscience de l’apport de nos voisins. Ainsi, l’avancée de l’Allemagne en matière d’énergies renouvelables, n’est pas sans conséquences sur les marchés et sur ces voisins. Les tropismes français (tarifs [mal] administrés, parc nucléaire) sont difficilement solubles dans une Europe intégrée. De même, continuer à concevoir la sécurité d’approvisionnement à l’échelle nationale est une perte de temps quand on sait tout le bénéfice que l’on peut retirer de l’interconnexion avec nos voisins.

L’absence d’avancées notables en matière de politique européenne de l’énergie entre les années 50 et la fin des années 90 s’expliquait par la volonté des Etats de préserver leurs prérogatives dans le secteur de l’énergie. Il est impératif que cette erreur ne se renouvelle pas au moment d’affronter le défi constitue la transition énergétique. La fuite en avant de l’Energiewende allemande à 15 milliards d’euros par an a ses limites. Le choix français d’une part nucléaire aussi prépondérante n’est pas transposable. Et une orientation vers des zones de spécialisation ne serait pas raisonnable. Ce qui est raisonnable, c’est de donner un second souffle à l’Europe de l’énergie pour éviter d’emprunter les voies stériles des réflexes nationaux.

Pour en savoir plus venez assister à la remise des conclusions du cycle des débats « Transition énergétique – le grand défi européen » organisés par EuropaNova.

Pour assister au débat de ce soir avec Thierry Repentin, Delphine Batho et Connie Hedegaard cliquez ici

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